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Freebox v7 : que doit faire Free pour réussir sa nouvelle box ?

Après une attente infinie, Free est sur le point d’enfin dévoiler sa septième génération de Freebox. Elle devra être bien plus qu’un modem, bien plus qu’un boîtier TV. Il lui faudra assurer et définir les usages des années 2020, avec intelligence.

Huit ans et des attentes de plus en plus énormes, pour ne pas dire « indéfinissables ». La dernière fois que Free a fait sa Révolution, c’était en décembre 2010. Le FAI a bel et bien lancé des box depuis, mais aucune qui ait été destinée à redéfinir un marché. La v7 aura donc la lourde tâche de répondre aux attentes énormes du marché et des fans de Free, qui espèrent voir l’ancien « trublion des télécoms » innover et bousculer à nouveau un microcosme qui s’endort.

Porté par cette communauté forte, mais qui s’étiole un peu, Free fait face à une baisse de son nombre d’abonnés et à des concurrents qui ont adopté ses recettes, qui lui disputent son titre de FAI le moins cher.

Avec l’aide d’Agnès Le Meil, consultante télécom pour l’IDATE, nous nous sommes donc penchés sur différentes promesses qui pourraient très bien être des points de bascule, entre succès et échec.

La promesse du haut de gamme, mais à quel prix ?

Free devrait introduire deux nouvelles Freebox. Deux appareils pour deux offres. N’occupant plus seul le créneau du super low cost, Free va sans doute dédier une de ses offres à l’entrée de gamme tandis que la seconde viserait un peu plus haut.

Pas trop tout de même. « Free décevrait ses abonnés s’il faisait du trop haut de gamme », estime Agnès Le Meil, rappelant l’historique du positionnement de ses offres. Néanmoins, si « Free ne peut pas augmenter excessivement ses tarifs sans pouvoir le justifier. […] Il y a urgence à remonter en valeur », nous explique-t-elle. En effet, l’ARPU (le revenu généré par chaque abonné, ndlr) dégringole depuis 2007. Free « fait du volume », une manière de masquer qu’il « perd du parc, ce qui n’arrivait jamais. », éclaire-t-elle. Autrement dit, chez Free aussi l’attente est forte autour de cette Freebox.

La nécessité de gagner en valeur a un impact direct pour l’abonné : une augmentation des prix. Toutefois, selon Agnès Le Meil, Free a commencé à préparer ses clients. L’augmentation des tarifs « d’environ cinq euros », en mai dernier, est une première vague destinée à mieux faire passer la pilule en deux fois. « Plutôt que d’appliquer une augmentation de huit euros d’un coup, Free a déjà fait plus cinq en mai, il pourra ne faire que plus deux ou trois en octobre. Le prix est préparé. », analyse-t-elle, en précisant que cette hausse globale est une estimation plus qu’une prédiction. Car Free pourrait aussi jouer la carte des modules et options, avec une facture bien plus salée… Mais ne soyons pas trop inquiets : de toutes les promesses, c’est une de celles pour laquelle Free doit viser au plus juste.

Miser sur le fantasme des 10 Gbit/s ?

Free est synonyme d’ADSL. Il a contribué à l’apporter à tous les foyers français et à faire exploser le haut débit pour (presque) tous. Dans la bataille du très haut débit, le FAI est un peu plus à la peine. Il compte deux box fibre à son catalogue et « il faut absolument que ces nouvelles box le soient également, cela est une évidence », juge Agnès Le Meil.

Mais supporter le très haut débit (THD) ne sera pas suffisant, « Free va devoir accélérer sur la fibre ». Comment ? En annonçant par exemple qu’une part plus importante de la population française est éligible d’un coup, envisage-t-elle. Ce serait aller dans le sens des derniers partenariats révélés et des annonces faites fin août. Free déclarait alors vouloir compter neuf millions de prises FTTH (fibre jusqu’à la maison) d’ici la fin de l’année, pour atteindre les 20 millions d’ici fin 2022. Un tour de magie difficile à réaliser mais qui apporterait le THD au plus grand nombre, comme l’ADSL au début des années 2000.

Et que penser des promesses d’un débit encore plus rapide, credo que Free a longtemps mis en avant ? On pense évidemment au mirage des connexions 10 Gbit/s et des tests que Orange ou SFR mènent depuis le printemps et l’été dernier.

La promesse est belle, mais Agnès Le Meil n’y croit pas. « 10 Gbit/s, qu’est-ce que vous allez en faire ? ». « Ca n’a pas de sens de proposer 10 Gbit/s s’il n’y a pas d’usage », précise-t-elle, en rappelant que la plupart des usages sont déjà largement satisfaits avec 1 Gbit/s. Dès lors, il lui semble que l’intérêt du grand public serait plutôt de voir des services se développer pour profiter pleinement des débits (théoriques) proposés par les offres fibres déjà existantes.

En définitive, la seule raison pour laquelle l’analyste verrait Free sauter le pas serait pour prendre l’ascendant dans une guerre psychologique. « C’est une guerre marketing, cette course au débit. Si le voisin dit 1 Gbit/s, on doit dire 1 Gbit/s, s’il dit dix, on est obligé de faire pareil », constate-t-elle. Et de se mettre dans la peau des utilisateurs que nous sommes et qui ne savent pas toujours ce pour quoi ils signent, en conséquence de quoi à « prix égal on préférera toujours avoir plus ». Alors les 10 Gbit/s peuvent évidemment être un argument commercial, mais en aucun cas être le seul…

L’obligation d’un Wi-Fi à la hauteur

D’autant que vient toujours la question centrale du réseau domestique. A quoi bon avoir un débit de rêve s’il faut tirer des câbles pour en profiter ou le voir s’étioler à cause d’une connexion Wi-Fi catastrophique ?

Sur ce point, le patron de Free a promis de « solder le problème du Wi-Fi ». Pas moins. Non pas que les Freebox soient pires que la concurrence. En règle générale, les box sont calamiteuses pour qui veut une bonne couverture sans-fil performante.

Pour Agnès Le Meil, « avoir un bon réseau Wi-Fi fait rêver tout le monde. C’est une véritable promesse qui peut faire la différence » avec la concurrence et soutenir de nouveaux usages.

Néanmoins, la Freebox v7 devant être annoncée et lancée prochainement, il est assez peu probable qu’elle bénéficie du Wi-Fi 6 (anciennement 802.11ax). Mais même en se contentant des normes Wi-Fi déjà existantes, elle a un beau coup à jouer.
Le réseau maillé, popularisé depuis quelque temps par Google Wi-Fi ou les Orbi de Netgear, serait un premier pas triomphal dans la bonne direction. Imaginons une box performante accompagnée par défaut d’un satellite, qui puisse étendre le réseau Wi-Fi dans votre domicile. Le bonheur.

Free pourrait vendre (ou louer) d’autres routeurs (tri-bande pour de meilleurs débits) pour agrandir la zone de couverture, le cas échéant, comme il l’a fait avec des modules CPL. Et puis tant qu’on en est à rêver, pourquoi ne pas imaginer un satellite couplé/fusionné avec une enceinte intelligente ?

Comment faire la différence ?

A de nombreuses reprises, Xavier Niel a eu l’occasion d’évoquer la Freebox, avec toute la difficulté d’en parler sans rien en dire. Lors d’une interview, le patron de Free laissait entendre que cette v7 serait l’occasion de démocratiser un usage majeur, de rompre une ligne et de marquer les esprits pour reconquérir le marché.

Certains voyaient là l’annonce d’une offre 4K – la v7 sera forcément 4K – reposant sur des téléviseurs subventionnés. Pour Agnès Le Meil, cette proposition souffre de trop nombreuses contraintes. Celle de la gestion des stocks, celle de la présentation des produits au grand public dans les quelques magasins de Free, sans compter que les utilisateurs sont déjà bien équipés et qu’ils aiment à choisir leur modèle librement et pas au sein d’une sélection réduite, liste-t-elle.

En revanche, la consultante de l’IDATE est persuadée que Free à « une belle marge de croissance sur l’expérience TV, essentiellement. Un de ses points forts historiques ». Elle pense que le FAI pourrait simplifier les interfaces télé compliquées, les usages complexes et les replays trop cloisonnés. Une expérience qui pourrait s’étendre dans le cloud avec une interface ergonomique et rapide.

Mieux, Agnès Le Meil croit en une « box intelligente », éventuellement accompagnée d’une télécommande tactile, qui serait capable de contrôler le téléviseur, grâce à une enceinte ou une barre de son connectée et équipée d’un assistant vocal.

« Si on s’appelle Free et qu’on sort une nouvelle Freebox, le minimum, en tout cas ce qui ferait rêver, c’est de faire ce que les autres ne pourraient pas répliquer immédiatement. », argumente-t-elle. Cet élément fort et différenciateur, « c’est une enceinte connectée ou une barre de son taguée Free, dont le développement pourrait être confié [pour partie, ndlr] à Devialet, et qui permettrait évidemment de naviguer vocalement dans tout son univers télévisuel », assure, enthousiaste, l’analyste.

En franchissant ce pas, Free prendrait de l’avance sur la concurrence, puisque seul Orange avec son Djingo pourrait réagir. La question est évidemment de savoir quelle solution sera retenue. Mais Agnès Le Meil ne croit pas à un partenariat avec Google ou Amazon, dont les pratiques empiètent un peu trop sur la vie privée. Reste donc quelques autres partenaires éventuels, Microsoft ou IBM, la solution du développement interne paraissant peu probable.

Cette enceinte intelligente serait donc un moyen de révolutionner les usages télévisés et placerait également Free sur la carte de la domotique. Un autre domaine où tout est à faire et où les acteurs dominants sont pour l’instant américains ou chinois. Avec une Freebox v7 « intelligente », reposant sur un réseau sans fil solide et une enceinte placée au cœur du salon – qui pourrait intégrer le routeur et la box TV, Free pourrait revendiquer un rôle à nouveau central dans nos vies. Il ne serait plus seulement un pourvoyeur de tuyaux, rôle auquel les FAI sont de plus en plus cantonnés. Après l’invention du triple play, pour Free, ce serait une nouvelle étape, celle nécessaire et intelligente de la construction d’une box des années 2020.

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Pierre FONTAINE