Première annonce choc de la Freebox Delta lors de la conférence de presse de la semaine dernière, une technologie à 10 Gbit/s. On s’en doutait depuis plusieurs mois, Free a sauté le pas et devient ainsi le premier FAI grand public à proposer une vitesse de connexion si élevée en France. Le problème, c’est que le flou a savamment été entretenu autour cette innovation. On vous donne les clefs pour savoir ce que valent vraiment ces 10 Gbit/s.
La technologie choisie est déjà vieillissante
Free a opté pour le standard 10G-EPON. Il date de 2009 et est très peu utilisé en Europe. La plupart des FAI travaillent sur des technologies plus récentes comme le NG-PON 2, adopté en 2013 ou le XGS-PON défini en 2017. SFR* a ainsi choisi le XGS-PON pour réaliser ses tests dans ses laboratoires et sur le terrain depuis plusieurs mois.
« L’EPON est le cousin du GPON. On le trouve principalement en Asie », nous a indiqué Eric Gangloff, directeur d’études à Télécom SudParis. « Son intérêt réside essentiellement, à mon avis, dans le moindre coût des boîtiers ONU (Optical Network Unit) installés chez les clients », ajoute-t-il.
Outre le fait que les boîtiers des clients coûtent moins chers avec ce standard, rappelons que Free avait commencé dès 2015 à déployer des équipements 10G-EPON asymétrique (10Gbit/s – 1Gbit/s) dans ses NRO (Nœuds de raccordement optiques). Il n’allait donc pas reprendre tout de zéro lors de la sortie du XGS-PON. Mais le risque, c’est que sa technologie devienne obsolète au moment où les autres FAI français se décideront à sortir à leur tour des offres commerciales 10 Gbit/s en s’appuyant sur du XGS-PON symétrique. Il ne pourra alors pas rivaliser en matière de débit montant, à moins de changer ses équipements et donc d’accepter d’y consacrer un certain coût.
Le débit n’est pas de 10 Gbit/s
« On a décidé d’amener quelque chose de révolutionnaire : la technologie 10 Gbit/s », a déclaré Xavier Niel lors de la conférence de presse de lancement. Il ne promet à aucun moment clairement un débit de 10 Gbit/s, se contentant d’annoncer une « technologie 10 Gbit/s », c’est-à-dire capable d’atteindre 10 Gbit/s en débit théorique. Ce que vend Free dans ses conditions générales de vente, c’est du 8 Gbit/s descendant et du 400 Mbit/s montant. Quand Xavier Niel annonce que ses abonnés vont pouvoir télécharger un fichier 10 fois plus rapidement qu’avec du 1 Gbit/s, c’est donc faux. Il faut comprendre 8 fois plus… au mieux.
Car les 8 Gbit/s sont théoriques comme toujours dans l’offre commerciale d’un FAI. Ce chiffre n’est pas garanti et correspond au maximum atteint par une fibre optique, partagée la plupart du temps entre 32 ou 64 clients.
Par ailleurs, très peu de terminaux sont compatibles aujourd’hui avec du 8 Gbit/s. Et la Freebox Server ne possède qu’un port Ethernet 10 Gbit/s. L’utilisateur sera donc contraint de connecter la plupart de ses équipements en Wi-Fi dont le standard est du 802.11ac 4400. Au final, le débit total du Wi-Fi dans un foyer pourra s’élever, dans la pure théorie, à 4,4 Gbit/s, à partager entre tous les appareils de la maison.
Ce n’est pas une première
La proposition de Free n’est pas une première en Europe. Le FAI Salt, qui appartient à Xavier Niel, a lancé une offre commerciale à 10 Gbit/s symétrique avec du XGS-PON au mois de mars dernier. Free répliquera que la Suisse est un petit marché par rapport à la France mais avec ses 800 000 abonnés en fibre optique et 10 millions éligibles dans notre pays, on ne peut pas dire non plus que la Freebox Delta 8 Gbit/s va concerner une masse d’utilisateurs.
Par ailleurs, l’opérateur Netalis propose déjà en France depuis le mois d’octobre dernier une offre à 10 Gbit/s en download et 1 Gbit/s en upload pour 99 euros par mois (HT) à destination des entreprises. Il utilise aussi bien du GPON que du XGS-PON avec la possibilité de passer en 10 Gbit/s symétrique si besoin le jour voulu. Pour le moment, il se concentre sur l’agglomération du Grand Besançon et déploiera dans d’autres villes de Bourgogne-Franche-Comté début 2019, avant de s’étendre ailleurs.
« Nous répondons à un besoin des TPE et petites PME qui se transforment numériquement et veulent désormais exploiter toutes les possibilités de l’informatique et/ou de la téléphonie hébergée en supprimant les contraintes de débit et de latence », nous précise Nicolas Guillaume, fondateur et président de Netalis.
En tête des usages, il pense au cloud et aux services hébergés. S’il se montre plus dubitatif sur l’intérêt d’une telle offre dès aujourd’hui pour le grand public, il salue tout de même l’initiative de Free. « C’est la technologie d’accès sur support fibre mutualisée des dix prochaines années. En ce sens, l’arrivée du FttH résidentiel 10 Gbit/s à l’échelle nationale chez un grand acteur est une très bonne nouvelle pour nous et pour le marché », a-t-il conclu.
Les débits que pourra fournir la Freebox Delta n’atteindront pas les sommets que le FAI a laissé entendre à son lancement. Mais c’est un vrai pari sur l’avenir qui devrait faire tâche d’huile et inciter les autres opérateurs grand public à s’y mettre aussi pour le plus grand bénéfice des utilisateurs.
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