Cela fait dix ans ce mois-ci que Free a déboulé sur le marché de la téléphonie mobile. Un anniversaire qui paraît bien anodin aujourd’hui. Pourtant, l’événement a provoqué un véritable séisme dans les télécoms. Il a en effet déstabilisé profondément les concurrents déjà en place Bouygues Telecom, Orange et SFR. Et il a fait surtout baisser durablement les tarifs des forfaits pour tous les Français.
Le séisme du 10 janvier 2012
Après plusieurs années à batailler pour obtenir sa licence auprès de l’Arcep, Free sait qu’il va continuer à lutter pour s’imposer auprès de ses rivaux. Alors il frappe tout de suite très fort. Précédée par un buzz savamment orchestré, la conférence surprise du 10 janvier 2012, menée tambour battant par un Xavier Niel survolté, lance Free Mobile en donnant tout de suite le ton.
La première annonce est largement applaudie : Niel dévoile un forfait avec appels et SMS illimités à 19,99 euros par mois, voire à 15,99 pour les abonnés Freebox. Le tout sans engagement et avec un fair use pour la data de 3 Go. Une offre inédite sur le marché, qui fait l’effet d’une bombe : les forfaits équivalents chez la concurrence sont plus de deux fois plus chers.
Niel a plus d’un tour dans son sac : ses équipes ont caché une pièce de deux euros sous les sièges des journalistes. Une somme qui correspond au tarif du forfait d’entrée de gamme, qui comprend une heure d’appels et 60 SMS. Autant dire rien du tout, encore une fois, par rapport aux prix pratiqués à l’époque par ses nouveaux concurrents. Xavier Niel se montre d’ailleurs particulièrement agressif envers eux. Il les accuse de traiter leurs abonnés comme « des pigeons ». Le succès commercial des deux formules est immédiat.
Un réseau à construire
Free Mobile part de loin face à des acteurs qui possèdent tous un solide portefeuille de fréquences et un nombre conséquent d’antennes activées sur le territoire. Même s’il a acquis des fréquences 3G, Free passe un accord avec Orange pour bénéficier de son réseau 2G et 3G. Quand il ouvre son service commercialement, il s’appuie essentiellement sur Orange. Le contrat d’itinérance existe encore aujourd’hui et a été prolongé jusqu’à la fin de cette année 2022. Mais il ne concerne plus qu’une part résiduelle de ses abonnés.
Fin 2013, Free lance une offre 4G sans surcoût. Elle est intégrée au forfait à 19,99 euros sans surcoût et comporte 20 Go de data. Le problème, c’est que sa couverture à ce moment précis laisse à désirer, puisqu’il n’atteint que 30% de la population. Une sorte de coup de bluff. Il va ensuite patiemment compléter son réseau, au point aujourd’hui de se retrouver au niveau de ses concurrents en termes de couverture 4G.
Le 15 décembre 2020, il lance la 5G, là encore sans surcoût. Cette-fois, il peut se féliciter d’obtenir très vite la meilleure couverture des quatre gros opérateurs. Mais il le fait en s’appuyant abondamment sur la bande de fréquence 700 Mhz, qui ne permet pas d’obtenir de vrais gains en débit. Notons également que Free Mobile n’apparaît pas bien classé dans les différentes études sur la qualité de service mobile réalisées par l’Arcep année après année.
Le champion de la data
Free Mobile va s’appuyer pendant dix ans sur deux fondamentaux : la simplicité de ses forfaits historiques dont les tarifs n’évoluent pas. Et une grande générosité en data.
Il supprime progressivement les frais de roaming dans de nombreux pays à l’international, bien avant leur disparition au niveau européen. Dès le mois de mars 2017, il est possible d’utiliser 5 Go de data à l’étranger dans 35 pays.
Il est aussi le premier à lancer une offre 4G avec de l’Internet mobile illimité, toujours en mars 2017. Mais elle est réservée aux abonnés Freebox qui disposent du forfait à 15,99 euros. Les autres auront accès à 100 Go de data, soit bien au-dessus des standards du marché. Ce qui fait que les abonnés de Free Mobile vont devenir les plus gros consommateurs en data en France.
Toutefois, il se retrouve presque systématiquement à la traîne des innovations en matière de téléphonie mobile. Volte, Vo-Wi-Fi, eSIM, il est toujours le dernier à déployer les nouvelles technologies.
Free Mobile pris à son propre piège des prix cassés
Les autres opérateurs ont vite été forcés de suivre les offres agressives de Free Mobile, qui a semblé avoir un temps d’avance. Orange, SFR et Bouygues Telecom ont ainsi baissé radicalement leurs tarifs et lancé des forfaits sans engagement.
Cela ne suffira pas forcément à sauver leurs parts de marché fortement impactées. Ce sont Bouygues Telecom et SFR qui vont en souffrir le plus. La consolidation semble inévitable. Pourtant, après le rachat de SFR* par Numericable, Bouygues Telecom finit par se maintenir et les quatre gros acteurs demeurent. Les plans sociaux vont se succéder. Pendant ce temps, Free Mobile accumule les clients et dépasse les 13 millions d’abonnés, se plaçant ainsi deuxième derrière Orange.
Cette santé insolente ne durera pas. Free Mobile finit par pâtir lui aussi de sa politique tarifaire. Les utilisateurs se lassent également de son forfait à deux euros, qui ne fait plus le plein. 2018 est une année noire durant laquelle il perd des abonnés et voit SFR lui repasser devant en nombre d’utilisateurs.
L’adversaire des smartphones subventionnés
Free Mobile va remonter doucement la pente à partir de 2020. En plus de ces deux offres historiques à 2 et 19,99 euros, il crée un forfait intermédiaire en 2018. Accessible et bien pourvu en data, il trouve son public.
Dernière innovation commerciale en date, le lancement de l’offre Free Flex en juillet 2021. Il s’agit d’un nouveau mode d’acquisition des smartphones permettant d’acheter un terminal en étalant son paiement sur deux ans, sans surcoût et sans engagement. Une sorte d’alternative au modèle du smartphone subventionné que Free a combattu âprement depuis de longues années chez ses concurrents. Une pratique qu’il n’aura pas réussi à faire interdire malgré les multiples procédures judiciaires initiées.
Pour fêter ses 10 ans, Free Mobile s’est encore fendu d’une vidéo virale dont il a la spécialité avec un Xavier Niel toujours très en forme. Parodiant les vœux des présidents de la République, il promet qu’il n’augmentera pas ses tarifs en 2022. Mais il va en falloir un peu plus pour continuer à séduire les utilisateurs.
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Free Mobile cherche son oxygène à l’étranger
Car Free peine aujourd’hui à se différencier des autres opérateurs mobiles, qui se battent désormais pour proposer des offres toujours plus intéressantes. Il ne peut plus se targuer d’être le petit nouveau qui va tout révolutionner. Il n’est pas non plus le moins cher, souvent challengé par Red by SFR ou Bouygues Telecom ou Sosh.
Ses relais de croissance, Free les cherche à présent à l’étranger. Il s’est déjà exporté en 2018 sur le mobile en Italie avec Iliad Italia dont il tire de premiers bénéfices. Il a raflé fin 2020 l’opérateur Play en Pologne, leader mobile sur son territoire national, et s’est lancé aussi au Sénégal.
Free est aujourd’hui le sixième opérateur mobile européen. Une partie de son chiffre d’affaires se joue dorénavant hors de nos frontières.
* 01net.com est édité par une filiale de NextRadioTV, elle-même propriété de Altice Media
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