Les journalistes Solveig Godeluck et Emmanuel Paquette n’ont pas tremblé à l’idée d’écrire la biographie Xavier Niel. La voie du pirate qui sort ce jeudi 20 octobre en librairie et dont nous avons publié hier en exclusivité les bonnes feuilles. Chacun avait pourtant déjà subi ses foudres par le passé, « coupables » d’avoir écrit des articles critiques envers Free. Elle, a été traînée en justice, lui, a été insulté. « La tentation était trop forte. J’ai attendu longtemps avec gourmandise qu’un livre perce les secrets de ce personnage fascinant et mystérieux. Alors, j’ai fini par l’écrire moi-même avec Emmanuel », observe avec amusement Solveig Godeluck.
Les deux compères commencent par travailler en sous-main, jusqu’à ce que leur projet fuite jusqu’aux oreilles de Niel. Et là, surprise, le fondateur de Free se montre plutôt conciliant. Facilitant les rencontres avec sa famille, n’interdisant pas à ses collaborateurs de rencontrer les journalistes, et leur accordant même une interview.
Un garçon solitaire soutenu par sa famille
Alors, bien sûr, on se délecte des anecdotes sur son enfance et son adolescence comme l’achat décisif de son premier ordinateur Sinclair ZX81 à 14 ans, sur lequel il va faire ses gammes et apprendre à programmer. Si elles rendent le personnage plus sympathique, elles révèlent aussi l’une de ses principales forces : le soutien sans faille depuis son plus jeune âge d’une famille soudée qui a toujours cru en lui, malgré ses lubies informatiques déconcertantes, son dilettantisme à l’école et son caractère revêche et solitaire. Qu’on se figure le petit Xavier congédiant ses amis réunis par sa mère pour un anniversaire surprise ! Le garçon quitte en tous cas le cocon familial avec une foi inébranlable en lui, après avoir abandonné sans état d’âme une classe préparatoire scientifique. Il s’est alors lancé dans l’aventure lucrative du Minitel rose et gagne déjà plus d’argent que son père.
Car il y aussi du Rastignac dès sa plus tendre enfance dans le fondateur de Free, et ce n’est pas l’aspect le plus flatteur du personnage, qui aime à se présenter comme un Robin de bois des télécoms. Enfant, il est terriblement impatient de forcer le destin, avide de reconnaissance et de richesse, le symbole ultime du pouvoir pour lui.
Prêt à tout pour parvenir à ses fins ?
Certains épisodes sont croustillants : on assiste à l’irrésistible ascension de Niel, qui a dynamité toutes les règles des télécoms avec ses mauvaises manières et son esprit d’éternel hacker. Comme lorsqu’il se lance dans la contrefaçon de décodeurs Canal Plus à 17 ans, ce qui lui vaut une convocation au siège du ministère de l’Intérieur…
Le livre éclaire là encore d’un jour nouveau la personnalité de Niel : son côté sans limite, prêt à flirter avec des voyous et à sombrer dans l’illégalité. Il connaît ainsi une première garde à vue au milieu des années 90 pour avoir détourné les minitels de l’ANPE et du Crédit Lyonnais. La petite entourloupe consistait à soudoyer des agents de sécurité pour allumer des minitels dans les bureaux la nuit et les connecter à des codes choisis ce qui permet à l’éditeur Fermic Editions, dont Niel est un pilier, de remplir ses poches.
L’inventeur du boîtier ADSL et du triple play
Plus glorieux, il y a aussi l’épisode fondateur du lancement de la Freebox, assurément LE coup de génie de Niel, qui prend la décision folle de construire en interne le premier boîtier ADSL et invente le principe du triple play avec un forfait comprenant à la fois une connexion internet haut débit, le téléphone et la télévision.
Pourtant, certaines pages consacrées à sa collaboration avec la DST, alors qu’il est un jeune pirate, laissent songeur. Xavier Niel, la figure même du rebelle n’était donc pas si anti-système que cela dès le départ. La DST l’incite même dès l’âge de 20 ans à pirater les radiotéléphones de l’Elysée.« Nous avons aussi découvert que c’est à cette période que Niel rencontre son futur compère de l’école 42 Nicolas Sadirac, lui-même recruté par le Service de renseignement français », confie Emmanuel Paquette.
Une question se pose enfin lorsque l’on referme le livre. Xavier Niel peut-il encore être novateur, alors qu’il est maintenant profondément intégré aux élites ? Facilitateur de talent, il l’est assurément avec la Halle Freyssinet, l’école 42, ses relations très proches avec les patrons qui comptent de la Silicon Valley et les nombreuses start-ups qu’il soutient financièrement. Mais où est passé le hacker prêt à surmonter tous les défis technologiques ? La réponse sera peut-être apportée avec la présentation de la prochaine Freebox.
Xavier Niel. La Voie du pirate, Solveig Godeluck et Emmanuel Paquette, First Editions, 16,95 euros (Trouver le livre au meilleur prix).
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