En une dizaine d’années, GNU/Linux est passé du statut de mini Unix tournant sur PC à celui de système d’exploitation pour serveurs d’entreprise. Les licences d’utilisation des logiciels libres ont transformé l’industrie informatique, en ouvrant le code source des logiciels aux développeurs et aux utilisateurs.
Bonjour à toutes et à tous, nous sommes heureux de recevoir Frédéric Couchet ! Bonjour à tous, je suis très content d’être parmi vous.BLACKNET : Qu’est ce que Lindows ? Quand est-ce que Linux sera vraiment à la portée de tous ? Lindows c’est plutôt du vaporware IMHO. Concernant l’utilisation par le grand public de GNU/Linux, c’est en cours. Les distributions sont de plus en plus simples à installer. Par exemple, Mandrake est à la portée de n’importe qui.Journaliste 01net. : Pourquoi utiliser des logiciels libres plutôt que des logiciels propriétaires ? Il y a plusieurs réponses possibles. Déjà, il est bien de se poser la question entre libre et propriétaire (ce qui n’est pas toujours le cas). Dans le domaine des serveurs et de l’infrastructure, les avantages sont multiples : pérennité, sécurité, transparence, adaptabilité aux besoins particuliers (de l’utilisateur ou de l’entreprise). Le coût est aussi un avantage, mais pour l’IMHO c’est souvent le moins important, bien que cela soit une porte d’entrée.Meowcat : J’aimerais bien installer Linux mais peut-il supporter tous les logiciels ? Linux n’est qu’un noyau (un élément essentiel du système). Au-dessus vous trouverez des applications dans la plupart des domaines. Stallman : FSF = intégristes du libre, non ? Non, Stallman, la FSF défend des idées, elle met sa pratique en accord avec ses idées. Il n’y a aucun intégrisme là-dedans. L’un des buts de la FSF est de protéger les logiciels libres, leurs développeurs et leurs utilisateurs. RMartinon@SAFIG : Quelles solutions d’interopérabilité avec les fichiers des solutions Microsoft (Excel, Word, etc.) pour une entreprise qui utiliserait une solution bureautique Linux ? C’est un des problèmes majeurs : la transition avec l’existant. Dans le domaine spécifique de la bureautique, des solutions commencent à voir le jour, comme OpenOffice. Mais il y en a d’autres. Par exemple, j’utilise régulièrement Abiword pour lire du .doc, Ted pour lire du RTF. ordiportable007 : Moi je voudrais savoir quelle est la différence entre Unix et Linux ? Disons que pour résumer, Linux est un Unix (comme d’autres, type Solaris, Aix, etc.), c’est-à-dire qu’il est basé sur les concepts d’Unix. La différence profonde n’est pas technique, c’est qu’il est ” libre “. Vous avez quatre libertés : utilisation, diffusion, étude (du code), modification (du code). Le code doit être compris comme la recette de cuisine du logiciel.NMi : Que pensez-vous du fait que le débat sur les brevets logiciels (qui menace les logiciels libres) prend une place si insignifiante dans la campagne électorale en ce moment ? C’est à la mode :). D’un côté c’est bien, cela montre qu’il y a une prise de conscience. Maintenant, on attend, après les élections, les actes. La quasi-totalité des candidats à la présidentielle (dont Jospin et Chirac) se sont exprimés contre. Donc, les brevets logiciels ne passeront pas en Europe, malgré le lobbying de quelques ” experts ” en propriété intellectuelle et quelques industriels (alors que les brevets logiciels sont un danger pour l’industrie logicielle européenne dans son ensemble, et pas uniquement les logiciels libres).Journaliste 01net. : Quels sont les avantages de Linux par rapport à Windows ? Performance ? Sécurité ? Performance évidemment, fiabilité, nombre de logiciels sur le marché, indépendance par rapport à un éditeur, transparence. La transparence est quelque chose de fondamental, à l’heure où vos données personnelles transitent par votre machine et par le réseau.Meowcat : En fait, pourquoi les créateurs de logiciel font-ils rarement de ” version Linux ” ? Peu de temps, question d’argent/développement ? Ou ont-ils plutôt peur de toucher un public restreint avec cette version ? Public restreint ? Je ne pense pas, le nombre d’utilisateurs de systèmes libre (Gnu/Linux, Freebsd, etc.) augmente de jour en jour. Je pense surtout qu’ils n’ont pas le réflexe de se poser la question. Mais c’est en train de changer.CooLy : J’utilise actuellement Windows et MS office et je voudrais virer vers Linux, pourriez-vous m’indiquer de bonnes références pour pouvoir apprendre en autodidacte ce système d’exploitation ? Un bon début est d’utiliser par exemple un CD DemoLinux ( www.demolinux.org). C’est un CD qui n’installe rien sur votre machine mais qui permet d’utiliser tout de même le système, pour voir. Ensuite, vous pouvez, par exemple, installer un système libre ” en plus ” de Windows (avec un système de double amorçage). Ainsi vous avez les deux systèmes sur votre machine. N’importe quelle distribution permet d’installer le système en plus de Windows. Dernier conseil : voir avec les groupes d’utilisateurs locaux qui pourront vous aider. Allez voir sur www.samedis.org, il y a des démonstrations de logiciels libres une fois par mois à la Villette.lucasr : On parle que des avantages de Linux, quels sont les désavantages? Je dirais que le principal désavantage (au début en tout cas) est que c’est un système qui est basé sur des concepts différents de Windows ou MacOS. Donc il y a un temps d’apprentissage, mais qui serait le même pour n’importe quel autre nouveau système. Je connais de nombreuses personnes qui, fan de Windows, sont passées à Gnu/Linux sans problème majeur. xav : De nombreuses entreprises tentées par le libre hésitent à cause des problèmes de support, pensez-vous qu’aujourd’hui on supporte ” sérieusement ” du libre ? Question intéressante :). Il existe quelques sociétés de services spécialisées dans le domaine : Alcove, Idealx, Easter Eggs. Ces sociétés sont spécialisées dans les logiciels libres et offrent un support de qualité. D’un autre côté, vous avez les SSII traditionnelles (Cap Gemini, etc.) qui commencent non pas à faire du support (ils en faisaient déjà) mais à le dire. Donc, oui les systèmes libres sont bien supportés. Sans oublier que le fait qu’ils soient libres permet de ne pas dépendre d’une société de services ou d’un éditeur. Le support peut être en partie traité en interne, selon les compétences.toto : Pensez-vous comme Stallman que le logiciel propriétaire est immoral (j’ai lu ça sur 01net.) ? Si oui, pouvez-vous m’expliquer pourquoi ? Je pense que ne pas partager ce qui doit l’être n’est pas moral.eric : Y-a-t-il des projets d’envergure en termes de développement pour Linux ? Il existe des projets d’envergure dans le monde du libre, comme par exemple GNOME, DotGNU .. Tout dépend du domaine en fait, et de nombreuses sociétés traditionnelles (comme IBM) s’impliquent profondément dans des développements majeurs. lucasr : Que s’est-il passé au ministère de l’Education qui devait tout migrer sur du libre ? StarOffice et Linux ? J’avoue ne pas savoir exactement où cela en est. Le ministère de l’Education est un ministère très actif dans ce domaine, mais c’est un ministère donc ça avance pas forcément très vite :). Il existe des projets importants, et pas uniquement dans le domaine du logiciel, mais également dans le domaine du contenu éducatif. Beaucoup de gens de bonne volonté se bougent dans le domaine de l’éducation. Et des projets libres comme par exemple AbulEDU devraient prendre toute leur place et être soutenus à ce niveau. Krzysztof : Bonjour, que pensez-vous des suites bureautiques sous Linux ? Sont-elles viables sur le plan professionnel, c’est-à-dire dans un environnement multiposte ? On nous annonce qu’AnyWare stoppe sa filiale française. Merci pour votre réponse. Je pense qu’elles sont viables et il y a des exemples dans les entreprises.Nmi : Avec la multitude de distributions de Linux (Mandrake, Red Hat, Debian, Suse, Caldera, etc.), cela ne cause-t-il pas un problème (manque d’unicité) ? Pas forcément, certaines sont plus adaptées à un type de public précis ou un type de besoin précis. La diversité n’est jamais vraiment un problème. Je pense que la distribution Debian présente l’avantage certain de ne dépendre d’aucune entreprise et pourrait à terme servir comme une méta distribution. blablabla : Comment fait-on si l’on souhaite intégrer un logiciel libre dans un logiciel propriétaire ? Tout dépend de la licence du logiciel libre et de celle du logiciel propriétaire. Il est impossible de répondre de façon générale. Disons que certaines licences libres (telle que la licence BSD) permettent le mixage de codes et d’autres licences ne le permettent pas. RMartinon@SAFIG : Etant donné les compétences importantes de développement, nécessaires à une utilisation vraiment intéressante d’un produit ouvert (donc adaptable aux besoins), un système Linux ne se réserve-t-il pas aux grandes entreprises, d’où un fossé technologique pour celles plus modestes qui ne peuvent s’offrir une batterie d’ingénieurs ? Non, pas du tout, je connais des tas de PME/PMI qui utilisent du logiciel libre, soit avec des compétences en interne, soit avec la compétence de la société de service qui accompagne déjà la PME dans le domaine Windows. Au contraire, le libre limite le fosse technologique. C’est pour cela d’ailleurs qu’il est d’une importance capitale dans les pays en voie de développement. Le libre est créateur d’un tissu économique local.akaplan : Je participe a un projet libre assez important. De plus en plus d’utilisateurs seraient heureux de pouvoir nous aider financièrement. Y-a-t-il des solutions pour collecter ces dons ? Avez-vous des exemples pour certains projets libres ? Mandrake a mis en place un tel système dernièrement. Sinon, il y a des structures qui récoltent de l’argent pour développer de nouveaux logiciels libres. Il y a aussi la solution des micropaiements.blablabla : Mais avez-vous un conseil à propos du choix d’une licence libre ? Cela dépend de ce que vous souhaitez faire. Basiquement, si vous souhaitez que votre code puisse être intégré dans du logiciel propriétaire, vous pouvez choisir une licence type BSD X11. Si vous souhaitez que votre logiciel reste libre, choisissez plutôt une licence de type copyleft comme la GNU GPL. Quoi qu’il en soit, pensez à la compatibilité entre les licences (le site de gnu.org est utile à ce niveau). Journaliste 01net. : Pouvez-vous nous préciser quels sont les principes du copyleft, sa différence avec la GPL ? Le copyleft est un concept général qui dit grosso modo : un logiciel qui est libre, si on le modifie et qu’on diffuse la version modifiée, celle-ci doit rester libre. La GNU GPL est un mise en pratique légale (basée sur le droit d’auteur) de la notion de copyleft. raceme : Que penser de l’attitude d’IBM, soutenant d’un côté Linux, et étant simultanément le plus gros déposeur de brevets de logiciels chaque année ? C’est une attitude assez classique en vérité. On ne peut pas nier que l’implication dans le libre d’IBM est une bonne chose et qu’il faut s’en féliciter. D’un autre côté, le brevet logiciel est quelque chose de néfaste dans le domaine du logiciel et il faut le combattre. C’est pourquoi d’ailleurs, lors de la Linux Expo 2001, on leur avait remis (à IBM) un tee-shirt jaune APRIL comme un carton jaune :).gemorin : Ne pensez-vous pas que la disponibilité des sources d’un logiciel ne permet pas de garantir une sécurité optimale ? Rien ne garantit une sécurité absolue, mais il n’y a qu’avec du logiciel libre qu’on peut avoir une garantie optimale. La sécurité par la boîte noire ne fonctionne pas. linux.seb : Pourquoi le système d’exploitation Gnu/Linux n’est pas installé par défaut sur les ordinateurs, lorsqu’on l’achète chez des commerçants (But, Conforama, etc.) ? Cela permettrait de faire énormément d’économies, si on n’achète pas Windows ! Et en plus cela le ferait connaître. C’est en grande partie lié aux accords OEM. D’ailleurs avec d’autres associations nous avons lancé un appel pour lutter contre ces pratiques, permettre l’affichage du prix du hardware, du software, se faire rembourser le logiciel que l’on ne veut pas, et avoir des machines nues. Cela ne peut marcher que si de nombreuses personnes vont dans leur Carrefour ou Auchan du coin demander une machine sans OS, ou avec l’OS de son choix. J’ai pas l’URL en tête.bub’so : J’ai lu que la situation chez Alcove était assez dure et les résultats difficiles. Peut-on développer un business libre ? Pérennité ? Alcove, comme d’autres sociétés de services du libre, montre qu’il est possible d’avoir un business basé sur le service autour du libre. Je dirais que ces sociétés ont connu les mêmes problèmes que les sociétés plus classiques. kosma : Bonjour, est-il vrai que la plupart des administrations utilisent Windows, et donc paient des licences avec nos impôts au lieu d’utiliser Linux par exemple ? C’est vrai. Il est également vrai que de nombreux développements faits avec nos impôts ne sont pas diffusés sous une licence libre (GPL ou autre). Mais je pense qu’avec les efforts des associations du libre et le soutien d’ATICA (mission interministérielle sur les NTIC) cela est en train de changer. xav : On dit que le libre est gratuit mais au final, en coût caché (maintenance, évolution, temps passé sur la machine…), ça ne parait pas si évident, pensez-vous que le modèle économique du libre est viable ? Je ne dis jamais que libre = gratuit. Les coûts cachés existent, comme ailleurs. Mais l’utilisation de logiciels libres (basés sur des standards ouverts) permet de limiter la mise à jour des systèmes. Si les logiciels propriétaires respectaient les standards, il y aurait moins de problèmes. arnaud : Comment concilier disponibilité des sources (qui permet d’identifier des problèmes) et rémunération des auteurs ? Il faut savoir que la grande majorité des informaticiens qui développent du logiciel ne sont pas payés pour développer des logiciels qui seront vendus. Ceux qui sont payés pour développer des logiciels qui seront vendus en tant que tel sont une minorité. Donc la question de la rémunération des auteurs se pose beaucoup moins que dans d’autres domaines (artistique, par exemple).pierre : Comment expliquez-vous la position européenne concernant les brevets logiciels ? Quels moyens pour l’infléchir ? Pour expliquer la position : lobby intense d’une minorité de personnes ayant intérêt à la brevetabilité des logiciels ; experts en propriété intellectuelle et quelques industriels. Le problème c’est que ces gens-là ont beaucoup d’argent et se foutent de l’intérêt général. Il faut continuer de faire pression sur les politiques (et pas uniquement en France) et expliquer que le brevet logiciel est néfaste pour toute l’industrie logicielle européenne et pour les citoyens. geekboy : Linux n’est-il pas un luxe d’informaticien pour ne pas utiliser les produits Microsoft ? Non. RMartinon@SAFIG : Le passage à Linux pour l’entreprise, aujourd’hui, dans 1 an, dans 3 et plus ? Depuis plusieurs années déjà. Dans une majorité de domaines, le libre est déjà présent dans l’entreprise (souvent sans que les directions ne le sachent d’ailleurs). Dans le domaine de la bureautique, ça va arriver sans doute plus vite qu’on ne le croit. eric : Envisagez-vous des actions plus proches du grand public pour mieux vous faire connaître ? Cela fait plusieurs années que l’on fait des actions pour le grand public (démonstrations, aide à l’installation de logiciels libres, etc.). Et on continue. Je parlais tout à l’heure des Samedis du Libre (samedis.org) : une fois par mois, on fait des démos logiciels libres à la Cité des Sciences et de l’Industrie).particule : GNU/Linux tend à prendre plus de place dans l’entreprise, parfois pour des raisons financières, mais plus souvent sous le prétexte d’une meilleure pérennité. Comment pouvez-vous expliquer qu’un système ne disposant pas du support d’une société puisse paraître plus fiable à de grands comptes ? La société qui offre le support peut disparaître ou ne plus supporter tel ou tel produit, cela s’est produit à de nombreuses reprises dans le passé. Avec le logiciel libre, on ne dépend finalement de personne de précis. Un grand compte a finalement plus confiance dans le fait qu’il peut maîtriser totalement le logiciel et son développement plutôt que dans une entreprise qui peut disparaître ou changer d’avis.gilles : Si Linux veut devenir grand public comment favoriser le portage de jeux ? Il existe de nombreux jeux qui tournent sur des systèmes libres (le jeu peut être propriétaire en lui-même). Il existe également des émulateurs qui font un travail assez satisfaisant. Le domaine du jeu n’est pas le parent pauvre du logiciel libre.coolie : La force marketing de développeurs ” libres ” peut-elle réellement rivaliser avec la force publicitaire et commerciale de Microsoft ? C’est un grand défi que nous relevons depuis quelques années, notamment depuis que Microsoft s’est aperçu qu’il avait un concurrent sur lequel ses méthodes habituelles ne fonctionnent pas. Mais c’est vrai que c’est un long travail. Comme disait Gandhi : au début ils t’ignoreront, ensuite ils se moqueront, puis ils te combattront, puis nous gagnerons :). Merci beaucoup Frédéric Couchet, le mot de la fin ? Le logiciel libre n’est pas qu’une question technique, c’est avant tout un enjeu social qui dépasse les frontières du logiciel libre. La liberté compte et mérite que lon se batte pour la conserver. Merci à tous.
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