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François Tabourot (Mega): ” Il vaut mieux ne pas confier les grands projets aux directions de la qualité “

Les qualiticiens assurent qu’ils feront passer le cap de la qualité totale à leur entreprise, mais ils ont du mal à prouver leur légitimité sur les grands projets.

Le directeur de la qualité n’est pas votre client naturel. Pourquoi avez-vous créé un observatoire dans lequel vous vous adressez directement à lui ?Nous nous sommes aperçus que les directeurs de la qualité avaient besoin de techniques de modélisation. Nous sommes donc allés à leur rencontre. Ils avaient les mêmes besoins que nos clients. Nous avons essayé de comprendre. D’où l’idée de cet observatoire.Quels points de ressemblance le directeur de la qualité a-t-il avec les personnes que vous aviez l’habitude de rencontrer au sein de l’entreprise ?Aujourd’hui, on ne peut plus séparer la qualité, l’informatique et l’organisation. C’est d’autant plus vrai avec la version 2000 des normes ISO 9000, intimement liée à l’organisation. La première version date de l’après-guerre. On se contentait de raconter une organisation, de dire qui faisait quoi dans l’entreprise. Dans celle de 1994, on devait décrire des procédures. Dans la version 2000, on détaille les procédures selon des processus métier. Les chaînes de valeur métier sont les critères sur lesquels on peut s’améliorer.Qu’est-ce qui change fondamentalement dans l’approche par processus ?Avant, on estimait que le produit était porteur de son avantage concurrentiel. Puis on a réalisé que l’organisation l’était aussi. Par exemple, lorsqu’on fait ses courses sur internet, on ne cherche pas un avantage sur un produit, mais sur un type d’organisation.La direction de la qualité s’occupe-t-elle de la modélisation des processus métier ?Différentes fonctions peuvent identifier ces processus métier. Il faut savoir que la qualité est née du contrôle, les entreprises s’étant aperçues assez vite qu’il valait mieux mettre de l’argent sur cette partie des projets que sur le service après-vente. Il y a tout un discours ésotérique des qualiticiens visant à donner d’eux-mêmes une image de personnes en prise directe avec l’amélioration de la valeur. La grande question consiste à se demander qui, dans l’entreprise, va proposer des projets. Il faut que ce soit quelqu’un qui ait une vision transversale ?” un profil “organisateur”, par exemple. Le qualiticien parlera de la même chose que lui, mais avec un propos plus axé sur les normes. Enfin, les directions informatiques sont tout aussi crédibles pour gérer des projets transversaux.Alors, à qui confier les grands projets impliquant une réorganisation profonde ?Soit on confie les rênes de la réorganisation aux qualiticiens, soit on préfère confier cette tâche aux directions informatiques. Malheureusement, il vaut souvent mieux éviter de faire appel aux directions de la qualité. Elles formulent en effet beaucoup de déclarations d’intention pour aller, notamment, vers ISO 9000/2000, mais fournissent peu de détails sur la réalité de cet engagement. Et les directions générales ne disent rien non plus sur le rôle de la qualité.Que manque-t-il aux directions de la qualité ?Nous vivons actuellement une rupture de méthodologie et de complexité. La vraie complexité consiste à décrire des processus métier avec, éventuellement, des flux dématérialisés. Les directions qualité doivent apprendre à décrire ces derniers. Sinon, les informaticiens le feront à leur place. L’Afaq (Association française pour l’assurance de la qualité ?” NDLR) commence à comprendre ce phénomène de processus complètement supportés par l’informatique. Par contre, je ne crois pas que les directions de la qualité puissent être fournisseurs de méthodes pour les directions informatiques ?” par exemple, pour ce qui touche au workflow ou à l’ingénierie logicielle. Elles sont plutôt aptes à décrire et à certifier.L’horizon semble bouché…En effet, leur position est délicate. Il leur est difficile aujourd’hui de proposer une certification qualité à la direction générale. Le projet n’est souvent considéré que comme une dépense supplémentaire. D’ailleurs, notre observatoire montre que près de 70 % des directeurs de la qualité ont le sentiment d’être perçus comme un centre de coût. En revanche, si la direction informatique demande de l’argent pour créer une place de marché, avec promesse de retour sur investissement, elle obtiendra gain de cause. D’un côté, la modélisation du processus constitue une fin en soi ; de l’autre, elle se fonde sur un objectif business.On a vu, dans le cadre de grands projets, ou avec les progiciels intégrés, que l’informatique s’était appropriée l’organisation. Va-t-elle faire de même avec la qualité ?Sans doute. Mais l’informatique a aussi perdu l’informatique. Au profit des sociétés de services. Reste aux grandes directions des systèmes d’information des tâches de gestion de maîtrise d’ouvrage. On se dirige donc vers des directions des systèmes d’information qui externaliseront de plus en plus. Ce qui impliquera de bien maîtriser les contrats.

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Philippe Billard