01net. : Depuis quelques mois, l’offre de vidéo à la demande (VOD) sur Internet s’accroît fortement. Est-ce que l’arrivée de
nouveaux modes de consommation de ce genre est un atout pour le cinéma ?
Francis Girod, cinéaste et président de la SACD : La vidéo à la demande présente l’intérêt de voir des films récents ou des films de catalogues, et de se forger ainsi une culture cinématographique. On peut ainsi visionner
La Règle du jeu, King Kong, Citizen Kane ou des films muets à des prix défiant toute concurrence. C’est une très bonne nouvelle. La VOD, ça veut aussi dire que quelqu’un paye, et ça c’est capital.
La licence globale [que
les députés avaient voté dans le cadre de la première lecture du projet de loi DADVSI,
avant d’être retirée, NDLR], qui aurait inévitablement concerné le
cinéma, aurait été une aberration économique, qui aurait pu conduire à l’explosion du système de production. Car à cause du piratage, il y a des cinématographies qui sont terriblement pénalisées. On a vu notamment des fonds de pension
anglo-saxons, qui finançaient le cinéma asiatique, se retirer du marché. Donc il faut le combattre, fermement. Cela est indispensable, ne serait-ce que pour développer le marché de la distribution de films en ligne dans des conditions de
transparence.Après l’accord de décembre dernier entre les professionnels du cinéma et les FAI concernant la VOD, quelles sont les évolutions qui vous semblent
nécessaires ?
L’accord fixe, à partir de la sortie en salle d’un film, une date qui le rend disponible en VOD. Il s’inscrit dans la chronologie des médias [la diffusion d’un film dans le temps sur différents supports,
NDLR] de façon assez cohérente. Les premiers résultats commerciaux prouvent que le marché existe, même si on a peu d’informations pour le moment sur le public concerné. Je pense que c’est encore un public plutôt jeune,
impatient et habitué de la Toile. Les plus réticents ont été les exploitants qui ont le plus à craindre.
Concernant la chronologie des médias, elle est régulièrement révisée en fonction des évolutions technologiques. D’ici deux ou trois ans, il y aura une nouvelle réflexion à entamer compte tenu des avancées techniques et des marchés
naissants. L’autre raison de cette révision concerne la production française du cinéma. D’un côté les films ‘ tête de gondole ‘ qui font leur carrière en trois semaines parce qu’ils sortent sur sept cent
copies, peuvent attendre longtemps pour sortir sur un autre support. Mais de l’autre côté, attendre deux ans pour la diffusion VOD ou télé d’un film sorti sur très peu de copies, qui n’a pas bien fonctionné en salle et qui
n’a pas une forte image, c’est catastrophique. Il faudra revoir tout ça.Qu’est-ce que vous pensez de
la démarche de Steven Soderbergh
qui a secoué le ‘ cocotier ‘ hollywoodien en sortant quasi simultanément Bubbles en salle, en DVD
et sur Internet ?
Les producteurs avaient passé un accord avec les exploitants de salles pour que ces derniers puissent avoir une part des recettes DVD et VOD, afin de compenser le manque à gagner. En même temps, il faut bien voir que c’est un coup
médiatique : il s’agit d’un film très fragile, fait avec peu d’argent et des acteurs amateurs. Soderbergh a compris que le film aurait beaucoup de mal à faire une carrière en salle ou même en DVD. Il a donc fait ça pour
attirer l’attention. Ce qui est intéressant, c’est que ce film d’auteur pourrait à la limite être produit directement pour la VOD.On parle souvent de l’omniprésence des chaînes de télévision dans le financement du cinéma français. La distribution en ligne n’est-elle pas l’occasion de se libérer du poids des diffuseurs télé ?
C’est une question à laquelle on ne peut répondre qu’avec des chiffres : qui paye quoi et combien ? Si le Net peut se substituer au financement des chaînes cryptées ou hertziennes, cela aura évidemment une
influence. Mais on peut imaginer que, dans ce cas, si les acteurs du Web mettent autant d’argent, ils imposeront un ‘ formatage VOD ‘. Il y aura évidemment une arrivée de la ‘ Net-économie ‘
dans le financement des films, mais ça n’est pas pour demain, à cause des sommes mises en ?”uvre.
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