C’est une page de l’histoire du service public français qui se tourne. France Télécom, un de ses noms les plus symboliques, va basculer dans le secteur privé. Dans un communiqué, le ministère de l’Economie, des Finances et de
l’Industrie indique aujourd’hui que l’Etat compte céder entre 9,6 et 12,1 % du capital de France Télécom. Ce qui le fera descendre sous la barre fatidique des 50 % (entre 41 et 43,5 %, selon la demande exprimée pour les actions
proposées). La cession de l’Etat prendra ‘ la forme d’un placement institutionnel accéléré ‘.La privatisation de l’opérateur est devenue possible en décembre 2003, date à laquelle
une loi a levé le tabou de la privatisation. Démenti par le ministre de l’Economie de l’époque, Francis Mer, le projet est mis en ?”uvre huit mois plus tard par son successeur,
Nicolas Sarkozy.En cédant une partie du capital, l’Etat pourrait récupérer jusqu’à 5 milliards d’euros, une somme qui sera affectée au credo actuel du ministère de l’Economie : le remboursement de la dette publique, qui dépasse les
1 000 milliards d’euros. ‘ L’Etat […] a souscrit, à hauteur de sa part, à l’augmentation de capital réalisée par France Télécom en mars 2003. L’Etat a aujourd’hui décidé de réaliser
une partie des fruits de cet investissement et de réduire l’endettement de la Nation en diminuant sa participation dans le capital de France Télécom ‘, précise le communiqué.
‘ L’Etat a renié ses engagements ‘ selon la CFTC
Selon Bercy, ‘ l’Etat entend demeurer un actionnaire important de France Télécom à moyen terme ‘, ce qui laisse présager une nouvelle dilution de sa participation dans le futur. Pour
certains syndicats, la voie est même toute tracée. ‘ Je ne me fais aucune illusion, s’exclame Patrice Diochet, secrétaire national du secteur des télécoms de la CFTC. L’Etat va continuer à rogner sa
participation, à la diluer, jusqu’à descendre très bas ‘.Les syndicats, très opposés à la privatisation, condamnent l’opération. Pour Joëlle Roeye, secrétaire de la Fédération des salariés des activités postales et télécommunications de la CGT, ‘ c’est une
opération uniquement financière, qui ne servira à améliorer ni le développement de l’entreprise, ni le droit à la communication sur le territoire, ni le progrès social ‘.La CFTC condamne ‘ très fortement cette privatisation. L’Etat a renié ses engagements, disant qu’il était hors de question de privatiser France Télécom pour réduire la dette. Il prend une très lourde
responsabilité devant les citoyens. ‘
Et d’ajouter : ‘ Nous voilà désormais exposés à un risque d’OPA sur France Télécom, notamment de la part d’entreprises américaines. ‘ Même son de cloche chez Sud
PTT : ‘ L’Etat livre ainsi entièrement l’opérateur aux appétits des marchés financiers. ‘
La crainte des délocalisations
Les craintes des syndicats ne s’arrêtent pas là. S’y ajoutent celles de délocalisations, notamment pour les salariés qui travaillent en centre d’appels, et de la poursuite de réduction des effectifs. Pour 2004, la CGT évoque une baisse
de 8 800 postes en France, et de 14 500 au total.‘ De 2000 à 2003, ce sont 38 500 postes qui ont disparu, rien que pour la France. ‘ Le bilan social 2003 indique que les effectifs globaux de l’opérateur ont fondu de
25 000 postes (221 657 salariés). La baisse des effectifs (retraites, pré-retraites, diminution des embauches…) s’inscrit dans le plan d’économies TOP, initié par le PDG Thierry Breton à son arrivée fin 2002.Le statut des quelque 100 000 fonctionnaires employés par l’opérateur (au sein de la maison mère, à 90 %), garanti jusque 2009 par la loi de décembre 2003, inquiète également. La CGT estime que
‘ les engagements pris ne nous rassurent pas plus que les promesses de ne pas privatiser ‘. Patrice Diochet est également pessimiste : ‘ Une loi peut être
cassée. ‘Les divers syndicats appellent dores et déjà à la mobilisation des salariés de l’opérateur. Une journée de grève devrait être décidée par l’intersyndicale. Les organisations de représentation ont néanmoins des objectifs
différents : la CGT veut la ‘ réappropriation publique de France Télécom ‘.La CFTC, elle, est plus résignée. Elle ne croit pas à un grand conflit social – que France Télécom a su éviter jusqu’à présent – et juge la privatisation inévitable désormais. ‘ La direction des
ressources humaines du groupe nous a assuré ce matin qu’il n’y aurait pas de conséquence sur l’emploi, mais nous savons qu’il y en aura. Nous nous battrons, de notre côté, afin qu’il y ait plus de respect et d’écoute des salariés, qu’ils soient plus
représentés dans la ligne managériale. ‘
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.