Lobbying, activisme forcené, pressions, voire intimidations : on a beaucoup prêté à Thierry Breton, le PDG de France Télécom, au cours de ces dernières semaines. Et les critiques, feutrées mais bien réelles, de se multiplier un
peu partout sur ses interventions supposées. Il est vrai qu’avec le récent examen de trois projets de loi essentiels pour l’avenir du secteur, les enjeux ne sont pas minces.
Vers un retour du monopole ?
Mais que s’est-il réellement passé ? Lorsqu’ils examinent, début décembre, le projet de loi relatif au changement de statut de France Télécom, les députés acceptent, plus ou moins spontanément, le principe d’un allégement du
contrôle des tarifs de l’opérateur historique (un premier amendement en ce sens sera adopté, début 2004, dans le cadre du projet de loi sur l’économie numérique). Et ses concurrents ?” bien qu’assez discrets ?” d’y voir un retour
programmé du monopole, avec un risque sérieux que la concurrence ne soit alors étouffée. Lorsque, au même moment, Patrick Ollier, le président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée, déclare en séance publique que
l’‘ ART fait mal son travail ‘, la tension monte encore d’un cran.Comment un gouvernement libéral et sa majorité peuvent-ils ainsi faire le jeu d’un opérateur déjà archidominant, si ce n’est pour mieux le privatiser ? ‘ On risque de passer d’un monopole public à un
monopole privé ‘, s’insurge l’Association française des opérateurs de réseaux et de services (Afors), pour qui ‘ les soucis financiers de France Télécom ont leur origine à l’international, et non au
niveau domestique, où ses résultats opérationnels n’ont jamais été aussi bons ‘. Pour l’Afors, pas question d’adhérer au message subliminal selon lequel il faudrait laisser les coudées suffisamment franches à Thierry Breton
pour sauver un ‘ champion national ‘.
Défendre une certaine vision des choses
Un contexte dans lequel certains élus locaux, en quête de partenariats avec des opérateurs privés, font état d’une dégradation sans précédent de leurs relations avec France Télécom, qui multiplie, par ailleurs, les conventions autour
du concept de ‘ départements innovants ‘. De même, certains opérateurs privés expliquent à mots couverts que, compte tenu de leurs ambitions dans le dégroupage, on leur a fait comprendre tout l’intérêt,
pour eux, de demeurer en bons termes avec l’opérateur public. D’autres évoquent les bonnes relations supposées entre Thierry Breton et l’Elysée, voire l’existence de mystérieux réseaux d’influence. Bref, l’ambiance est, en quelques semaines, devenue
assez tendue…‘ Je ne fais partie d’aucun réseau d’influence, je raisonne en terme d’industrie, et me bats pour redresser France Télécom : tout mon parcours [chez Bull puis chez Thomson Multimedia, NDLR]
plaide en ce sens ‘, rétorque Thierry Breton, qui réfute méthodiquement les critiques à son encontre. Sa proximité supposée avec Patrick Ollier, qui semble tirer les ficelles à l’Assemblée ?
‘ Je l’ai rencontré en tant que président de la commission des affaires économiques et lui ai fait part des obstacles réglementaires en matière d’homologation de nos tarifs. Je ne lui ai rien demandé. Ce sont les
parlementaires ?” et c’est légitime qu’ils s’intéressent à l’avenir de France Télécom ?” qui ont pris l’initiative de cet amendement ‘, assure le PDG.
Fort de son expérience industrielle
Les tensions avec l’ART ? ‘ Je n’ai fait que défendre notre vision des choses, et demandé une accélération du processus de décision sur nos tarifs ADSL ‘, répond le patron de France
Télécom. Les pressions sur les élus locaux ? ‘ Je les ai simplement mis en garde contre certains investissements hasardeux. En tant qu’ancien élu régional [en Poitou-Charentes, NDLR], je connais bien
leur problématique. Personne n’investit autant que France Télécom dans la réduction de la fracture numérique ‘, affirme Thierry Breton. Ses entrées au gouvernement ? ‘ J’entretiens de bons rapports
avec Francis Mer [l’actuel ministre de l’Économie et des Finances], mais aussi avec Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius. La seule chose que j’ai formellement demandée ?” la hausse de l’abonnement ?” m’a
été refusée ‘, commente-t-il.Pugnace et fidèle à son image, le patron de France Télécom n’entend pas s’arrêter en si bon chemin. ‘ On a besoin d’une véritable réflexion industrielle, et je me bats pour qu’on me laisse entreprendre et
innover ; rien n’empêche mes concurrents d’en faire autant ‘, martèle-t-il. Il n’empêche : de nombreux observateurs estiment que ‘ en agissant ainsi sur tous les leviers, il n’a vraiment pas
froid aux yeux ‘. Une affirmation que Thierry Breton ne démentirait pas. ‘ Il faudra bien que l’on s’habitue à ce que France Télécom soit effectivement dirigé ‘, confie-t-il. Une
mise en garde à l’encontre de ses détracteurs (et de l’ancienne équipe dirigeante, soit dit en passant), mais aussi à destination de l’intérieur, où la méthode Breton a parfois du mal à vaincre certaines résistances culturelles.
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