Le dégroupage a commencé d’une drôle de façon en France. Ce procédé, qui permet aux opérateurs d’utiliser le réseau téléphonique de France Télécom pour accéder directement aux abonnés et leur délivrer voix et internet haut débit, n’était pas inscrit dans la loi. Et pourtant, depuis cet été, opérateurs alternatifs et fournisseurs d’accès à internet le testaient concrètement sur le terrain, tandis que des groupes de travail discutaient sous l’égide de l’Autorité de régulation des télécommunications (ART). Cette situation folklorique devait fatalement changer, d’autant que le calendrier européen demandait aux Etats membres d’imposer effectivement le dégroupage au 1er janvier 2000. C’est aujourd’hui chose faite. Un décret modifiant le code des postes et télécommunications oblige dé- sormais France Télécom à partager sa boucle locale téléphonique, soit les derniers mètres qui relient l’abonné au réseau. Le dégroupage entrera en vigueur le premier janvier prochain.
D’ici à cette date butoir, France Télécom devra le 1er octobre “publier une offre de référence (…) contenant une description des prestations ainsi que des modalités, conditions et prix qui y sont associés”. Le 1er octobre, l’ART publiera la nomenclature des coûts pertinents ainsi que la méthode de calcul des coûts moyens incrémentaux de long terme (CMILT). Et au 1er décembre, France Télécom devra publier des tarifs de location de son réseau. Sur ce point, la bataille fait rage. Les opérateurs voudraient un prix de location proche de celui de l’abonnement téléphonique. France Télécom, pour qui le dégroupage ne peut qu’être provisoire, souhaiterait que les prix soient assez élevés pour dissuader ses concurrents de ” s’endormir ” sur cette solution, plutôt que d’ investir dans leurs propres boucles locales. Mais, “au-delà du prix de l’abonnement, l’économie de l’ADSL serait fragilisée”, explique François Vivier, directeur des affaires réglementaires de BT France. France Télécom souhaite aussi officiellement que le processus d’homologation tarifaire dont il fait l’objet soit assoupli. “Nous voulons des procédures allégées et plus courtes pour nos tarifs dans l’internet”, précise ainsi Philippe Bertran, directeur adjoint des relations extérieures. Le décret ne règle pas tout, les batailles seront féroces
Le décret vient également préciser un point de désaccord entre France Télécom et ses concurrents : le ” partage de ligne “. Les opérateurs alternatifs demandaient à pouvoir utiliser la ligne téléphonique existante pour délivrer de l’internet haut débit, et laisser à France Télécom le soin d’assurer la téléphonie. Ce dernier voulait, lui, qu’une nouvelle ligne téléphonique soit ouverte, ou que la ligne soit entièrement transférée. La concurrence a obtenu gain de cause, puisque le décret prévoit certes un dégroupage complet, mais aussi le partage de la ligne. “Cela va poser des problèmes en termes de service après-vente”, regrette Philippe Bertran. Et de tempêter que c’est “le retour du Plan Câble”.
Le dégroupage a fait un grand pas avec la publication du décret. France Télécom excepté, tous les acteurs, opérateurs et régulateurs, ont salué le texte. Mais si celui-ci éclaircit le ciel de la concurrence, il n’en a pas chassé tous les nuages. Ainsi, le décret impose à France Télécom de fournir les informations nécessaires au dégroupage, sans autre précision. Les concurrents jugent indispensable de bien connaître les répartiteurs de France Télécom, et leur zone de couverture, pour déployer leurs services. Dans la période des tests, les critiques ont été nombreuses à l’encontre des documents fournis par l’ex-opérateur historique. La colocalisation des équipements, ou la gestion du spectre des fréquences, pour ne citer que ces ” détails “, promettent encore des discussions acharnées dans les groupes de travail d’ici la fin de l’année.
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