La Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (JUNALCO) vient d’ouvrir une enquête sur Binance, la plus grande plateforme d’échange de cryptomonnaies du monde. L’exchange, devenu incontournable depuis sa création en 2017, est surtout suspecté de blanchiment aggravé, de blanchiment issu d’une fraude fiscale et de blanchiment en lien avec un trafic de stupéfiants. Les faits se seraient déroulés entre 2019 et 2024 en France et dans d’autres pays de l’Union européenne, explique le communiqué du parquet de Paris.
Des lacunes dans la lutte contre le crypto-crime
Selon les investigations de la Direction nationale des enquêtes de la DGCCRF, de la section de recherches de Paris et de l’Office national anti-fraudes (ONAF), Binance n’a respecté toutes ses obligations en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Le parquet cite notamment « ses obligations en matière de connaissance du client (dite KYC, Know Your Customer)». La loi impose aux plateformes qui exercent en France de faire remplir un formulaire d’identification à tous ses nouveaux utilisateurs.
Cette procédure permet à une entité financière, telle qu’une plateforme d’échange de cryptos, de confirmer l’identité de ses clients. Les utilisateurs doivent fournir divers documents, tels qu’un selfie, une preuve de résidence, des informations bancaires ou encore une copie de leur carte d’identité ou de leur passeport. Ce mécanisme permet de lutter contre le blanchiment ou le financement du terrorisme.
« Les investigations portent notamment sur la manière dont Binance répondait ou non à ses obligations en matière de connaissance du client, rendant ainsi le groupe susceptible d’avoir apporté son concours au blanchiment habituel de sommes provenant de diverses infractions, notamment de trafic de produits stupéfiants et de fraudes fiscales », relate le parquet de Paris.
Ce n’est la première fois que Binance est accusé d’avoir manqué à ses obligations légales. Aux États-Unis, le géant de la crypto a été reconnu coupable de manquements aux exigences en matière de lutte contre le blanchiment d’argent des autorités à la suite d’une longue enquête. De facto, des entités visées par des sanctions économiques ont pu transférer des fonds illégalement. Selon la justice américaine, Binance n’a pas déclaré plus de 100 000 transactions suspectes impliquant des groupes terroristes désignés. Dos au mur, Changpeng Zhao, PDG et fondateur de Binance, a été obligé de démissionner. La figure phare de l’écosystème a même passé plusieurs mois en prison. Il a été remplacé par Richard Teng.
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Un problème de statut
Par ailleurs, l’instance judiciaire française suspecte Binance d’avoir exercé la profession de prestataire de service sur actifs numériques avant d’obtenir les licences réglementaires adéquates. Pour exercer en France, les plateformes crypto doivent en effet demander un statut PSAN auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Binance n’a obtenu ce sésame qu’en mai 2022, en amont de l’implantation d’un siège social à Paris.
Selon l’instance, l’exchange n’aurait pas attendu l’accord des régulateurs pour exercer dans l’Hexagone. Avant d’obtenir le statut PSAN, Binance aurait d’ailleurs lancé des campagnes promotionnelles avec des influenceurs sur les réseaux sociaux, ce qui contrevient à la loi. Pour diffuser des publicités en France, un exchange doit détenir le statut PSAN.
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Binance nie et se dit déçu
L’instance a ouvert l’enquête à la suite de plusieurs plaintes émises par des utilisateurs du monde des cryptomonnaies. Ceux-ci accusent la plateforme fondée par Changpeng Zhao d’avoir mis en avant des informations erronées, ce qui a conduit à des pertes financières. L’enquête vise actuellement à évaluer l’étendue des faits, l’implication des dirigeants de Binance et le niveau de participation des différentes entités de l’empire des cryptomonnaies.
Interrogé par nos confrères de Reuters, Binance « nie pleinement les allégations et combattra vigoureusement toute accusation portée contre lui ». La société se dit « profondément déçue » par l’enquête en cours.
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Source : Reuters