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Forfait mobile gratuit : l’offre de FreedomPop est-elle si miraculeuse ?

Annoncé en Belgique, cet opérateur mobile américain lorgnerait la France. Son modèle d’offre gratuite et de MVNO sur réseau 4G est-il exportable avec succès ?

L’opérateur mobile américain, spécialiste des forfaits gratuits, a décidé de conquérir l’Europe. FreedomPop vient d’atterrir en Belgique. Il y a signé un accord commercial avec l’opérateur local Base (filiale du Hollandais KPN) qui va l’héberger sur son réseau 3G/4G comme MVNO (opérateur mobile virtuel).

« FreedomPop étudie les possibilités de se développer sur le marché belge. Il est dans une phase d’analyse » explique prudemment Sofie Bockaert, la responsable de la communication externe de Base.

Aux Etats-Unis, cet opérateur a séduit 250 000 clients depuis son arrivée sur le marché il y a dix huit mois. Il a lancé son premier forfait à zéro dollar en 2013, en utilisant le réseau 4G de Sprint en tant que MVNO.

Cette gratuité “vaut” pour une offre incluant 500 Mo d’internet mobile, 200 minutes d’appels par mois et SMS illimités. Mais, que se cache t-il derrière cette proposition, a priori, alléchante ?

Un service téléphonique de type Skype, hébergé sur un réseau mobile

Son approche repose sur une double équation, technique et économique. Sur le premier point, sa particularité vient du fait qu’il utilise le réseau 4G comme un réseau Internet.

Dans les offres de FreedomPop, la téléphonie est traitée en paquets IP, comme Skype le fait sur les réseaux fixes ou l’application Viber sur un réseau cellulaire ou wi-fi. Sur les réseaux 4G actuels, la téléphonie est en général traitée par les opérateurs en mode “circuit” (comme sur un réseau téléphonique fixe) sur les fréquences 3G.

« Avec FreedomPop, tout passe par une application à télécharger pour smartphone sur le modèle de l’OTT (over the top, NDLR) qui utilise Internet pour ses services. La 4G offre des capacités suffisantes pour le traitement de la voix, en plus des data » explique Estelle Huynh, consultante en télécommunications.

Sur le plan économique, son modèle de gratuité sert aussi de “tête de gondole” pour attirer progressivement une partie de sa clientèle sur des options payantes. L’opérateur vend d’ailleurs aussi des smartphones.

« Le modèle de FreedomPop est de type Freemium comme celui de nombreuses sociétés de l’Internet. Une partie de ses clients paie au travers d’options. Cet opérateur vient d’ailleurs de lancer un forfait à 20 dollars par mois tout illimité avec un quota de 1 Go en 4G » explique Estelle Huynh.

Interrogé par nos soins, sur sa velléité de s’attaquer à d’autres pays européens que la Belgique, cet opérateur nous a répondu par un tweet sybillin : « Aucun détail à propos d’une date exacte de lancement au Royaume-Uni, en Allemagne, France et Espagne ! ».

Une stratégie commerciale à adapter pour conquérir l’Europe ?

Rien n’indique, toutefois, que FreedomPop pourra décliner, sans modifications, son approche commerciale en Europe. « A notre connaissance, FreedomPop n’a encore rien décidé sur les contours de sa future offre » affirme Sofie Bockaert, la responsable de la communication externe de Base, appelé à héberger l’opérateur américain.

« La Belgique est une plate-forme idéale de lancement avec sa population dense, une forte pénétration du mobile et des clients transfrontaliers ce qui permettra d’aborder la problématique du roaming, propre à l’Europe » soutient Estelle Huynt.

Alors qu’aux Etats-Unis, il vend aussi des smartphones 4G à ses clients, en Europe, va t-il perséverer dans cette voie ou adopter une stratégie commerciale de diffusion de carte SIM nue ? Dans ce dernier cas, son approche dépendra, alors, du nombre encore restreint de clients disposant de leur propre smartphone 4G “débloqué”.

Après la Belgique, la France ?

Certains marchés européens comme l’Allemagne, peu habituée aux prix cassés dans les forfaits mobiles, pourraient voir d’un bon oeil l’arrivée de cet opérateur à la stratégie commerciale agressive. En revanche, l’hexagone, avec ses forfaits Free à 2 euros et à 0 euro (quand on est abonné Freebox), pourrait s’avérer moins accueillant.

« Cela risque d’être compliqué pour FreedomPop d’affronter les marques low cost des opérateurs français. En outre, avec son approche basée sur une application à télécharger prélablement, il vise surtout les geeks, pas la clientèle classique » soutient Estelle Huynt.

Pour entrer sur le marché français, l’Américain devra d’abord trouver un opérateur qui l’héberge. La réglementation contraint les quatre opérateurs détenteurs de fréquences à lui faire éventuellement, si FreedomPop leur demande, une proposition commerciale au titre des offres de prix de gros (minute et data) destinés à accueillir des MVNO.

En outre, en raison de la couverture 4G encore largement perfectible en France, l’opérateur américain devrait être obligé de signer un accord de MVNO en 3G, aussi, ce qui renchérirait ses coûts.

Or, les MVNO existants ont déjà du mal à exister en raison de la guerre des prix. Leurs marges bénéficiaires sont prises en étau entre les prix de gros qu’ils paient aux opérateurs pour l’usage du réseau et les prix des forfaits en baisse. 

Les quatre opérateurs étant en phase d’investissement dans leurs réseaux 4G, ils n’ont aucune raison de pratiquer des prix de gros “attractifs” pour héberger un concurrent qui risquerait d’accélérer la guerre des prix des forfaits.

L’esprit de conquête affiché par le MVNO américain résistera t-il à l’examen objectif du marché européen qui reste une mosaïque de situations locales ?

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Frédéric Bergé