Le nouveau Firefox n’est pas simplement une mise à jour de plus. Il a été pensé comme un bond en avant et une rupture technologique nécessaire. Il marque également un changement culturel au sein des équipes qui développent le navigateur open source. Nous avons eu l’occasion de discuter de tout cela -et d’un peu plus encore- avec Mark Mayo, senior vice-président (SVP) en charge du navigateur au sein de Mozilla, pendant plus d’une heure. Retour sur ce grand voyage entrepris par ce navigateur emblématique.
Prouver sa valeur
Il y a un peu plus de deux ans, Mozilla annonçait une nouvelle stratégie de développement, visant à remettre Firefox dans la course, avec des cycles de mises à jour plus courts, un accent mis sur la qualité et l’intégration des meilleurs services et technologies du Web. Et si le travail qu’il a fallu pour mettre au point Firefox Quantum, numéro 57, s’étale sur des années, « la décision de ne pas en faire une mise à jour incrémentale, de ne pas ajouter simplement quelques nouvelles fonctions mais de revoir le cœur de Firefox date d’environ un an et demi », nous explique Mark Mayo, senior vice-président (SVP) en charge du navigateur au sein de Mozilla.
Une décision qui n’est pas seulement technologique mais aussi culturelle et a demandé une remise en question profonde. Car au fil des versions, les équipes de Firefox « s’étaient convaincues qu’elles ne pouvaient pas lutter contre Chrome, contre Google, en matière de performances pures. […] Culturellement, nous avions accepté la défaite », reconnaît-il, tout comme il admet que Chrome était meilleur. Sans compter que la base technique de Firefox reposait sur des décisions prises il y a une vingtaine d’années.
Dans ces conditions, comment détrôner le navigateur du géant américain qui mobilise des « milliers de personnes », contre « environ 300 pour Firefox [côté développement, NDLR] », et bénéficie de bien plus de moyens ?
La réponse paraît simple mais relève du saut de la foi. « Nous avons décidé de donner notre maximum, d’arrêter de fuir la question des performances face à Chrome et de nous y attaquer directement. C’est de là que le projet Quantum est né. », se rappelle Mark Mayo. « C’était une quête assez personnelle pour nous, nous avions beaucoup à prouver. », ajoute-t-il.
Le plus gros changement de code de l’histoire ?
La seconde révolution est davantage liée à la réalisation technique de ce chantier, qui a dû être mené sans arrêter les mises à jour classiques. « Nous avons constaté que nous avions différents composants technologiques mais la question était de savoir si nous pourrions les assembler. », poursuit-il.
Car si Firefox a connu des mises à jour incrémentales et préparatoires, les équipes savaient qu’à un moment, il faudrait réaliser un saut en avant sans tout casser. Et ce moment, ce saut quantique, c’est Firefox 57.
Pour prendre la mesure de ce bouleversement, il suffit peut-être de savoir qu’il s’agit sans doute d’un des plus gros changements de code de l’histoire de l’informatique. « Depuis le début du projet Quantum, nous avons changé 6,8 millions de lignes de code », lâche-t-il pour souligner son propos. « 75% de l’intégralité du code a été concernée par ces modifications au niveau de l’architecture, des composants, etc. »
Malgré ces changements, ou à cause d’eux, « il fallait que cela fonctionne, ou nous serions morts en tant que produit et aurions perdu un à deux ans de développement », reconnaît le SVP de Firefox, sans ciller.
Le Firefox de la dernière chance
Un échec envisagé, donc, et le projet Quantum en guise de dernière chance ? « Oui, nous l’avons considéré comme ça. », répond du tac-au-tac Mark Mayo. « Nous voulions nous accorder une dernière chance de développer un nouveau Firefox et de revendiquer ce qui nous a rendu célèbres il y a dix ans de cela : être le meilleur navigateur au monde, sans quoi pourquoi quiconque l’utiliserait ? », assène-t-il sans ambages. « Voilà l’état d’esprit que nous avons adopté. C’était en quelque sorte notre dernière chance de réunir tout ce que nous savions sur les navigateurs et de l’intégrer dans une toute nouvelle fondation qui nous servira de base pour les dix prochaines années. »
Une refondation en profondeur qui n’est qu’une étape. Le représentant de Mozilla le dit avec confiance : « Ce n’est que le début. Nous avons autant d’améliorations et de nouvelles fonctions pour 2018 que jusqu’à présent en 2017. »
Voilà qui devrait remettre Firefox sur l’écran radar des utilisateurs qui semblent le déserter depuis quelques années, si on en croit les parts de marché relevées par des sociétés comme NetmarketShare. Les équipes de Chrome auraient déjà commencé à prendre la mesure de ce vent de changement. « Le combat est à nouveau nôtre. », continue Mark Mayo, avec un sourire confiant : « Nous sommes de retour. »
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