Le FBI (Federal Bureau of Investigation) et le ministère de la Justice des États-Unis viennent d’ouvrir une enquête sur Snapchat, rapportent nos confrères de Bloomberg. Citant des personnes proches de l’affaire, le média affirme que le réseau social est évoqué dans le cadre d’une vaste investigation concernant les médicaments contrefaits en ligne.
L’enquête s’intéresse surtout à la crise du Fentanyl. Cette drogue dure, un analgésique très puissant conçu en Belgique dans les années 50, fait des ravages en Amérique du Nord depuis quelques années. Bien plus puissante que l’héroïne, elle a provoqué une série de décès aux États-Unis. Aussi addictive que bon marché, elle est souvent mélangée à des stupéfiants populaires tels que l’héroïne, la cocaïne ou le speed. Cette pratique permet aux trafiquants de maximiser leurs bénéfices… au détriment de la santé des consommateurs. La présence du fentanyl accroît en effet les risques d’overdose.
D’après CNBC, la situation a été évoquée lors d’une table ronde organisée par la Chambre des représentants des États-Unis. Lors de celle-ci, la mère d’un adolescent décédé après avoir ingéré du Fentanyl a été entendue. Apparemment, la drogue se trouvait dans un analgésique, normalement sur prescription, vendu en ligne.
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Un médicament contrefait vendu sur Snapchat
Les agents du FBI chargés de l’enquête sur le Fentanyl estiment que les victimes se sont fournies par le biais d’un dealer trouvé sur Snapchat. Pour confirmer leurs soupçons, les enquêteurs cherchent actuellement à accéder aux comptes des victimes de la drogue. Par le biais d’un vendeur contacté sur le réseau social, les victimes pensaient acheter un médicament anti-douleur classique. En passant par Snapchat, elles cherchaient à se procurer des substances sans avoir besoin d’une ordonnance délivrée par un médecin. Entre 2019 et 2021, le nombre de décès de jeunes de 10 à 19 ans liés au Fentanyl a grimpé de 182,2 %. Dans 25 % des cas, des pilules contrefaites étaient à l’origine de la mort.
Présente lors de la réunion de la Chambre, l’avocate Carrie Goldberg du Social Media Victims Law Center, a assuré que le problème ne venait pas des réseaux sociaux en général. La juriste visait précisément Snapchat, dont le fonctionnement est idéal pour les trafiquants :
« Les ventes létales de fentanyl ne sont pas un problème général de la Big Tech. C’est un problème spécifique à Snap. Le produit de Snap est conçu spécifiquement pour attirer à la fois les enfants et les activités illicites des adultes ».
Depuis sa création en 2011, Snapchat permet d’envoyer des photos ou des vidéos éphémères, les fameux Snaps. Cette fonctionnalité empêche de garder une trace des échanges, ce qui ravit évidemment les trafiquants. Dans le sillage de Snapchat, de nombreuses applications concurrentes ont ajouté la possibilité d’envoyer des contenus éphémères, comme Facebook Messenger ou Instagram. Ces communications sont une aubaine pour les criminels, qui veulent éviter de laisser des preuves derrière eux.
Snapchat, une plaque tournante de la drogue
Ces dernières années, Snapchat est progressivement devenu l’une des principales plaques tournantes de la drogue en ligne. Plusieurs enquêtes judiciaires, notamment en France, révèlent que les dealers de stupéfiants s’appuient sur l’application pour communiquer avec leurs clients, et même faire de la publicité pour leurs produits. La pandémie de Covid-19, accompagnée de ses confinements à rallonge, a accéléré la migration des dealers de la rue vers les réseaux sociaux. Avec les contacts adéquats, on peut aisément commander des drogues dures (cocaïne, héroïne, ecstasy, amphétamine…) ou douces (cannabis) via Snapchat, avec la même facilité qu’on commande une pizza.
« Avant l’existence de Snapchat, il n’y avait aucun moyen pour ces revendeurs de trouver ces enfants, et aucun moyen de leur apporter la drogue », regrette Laura Marquez-Garrett, avocate au Social Media Victims Law Center.
Conscient de l’invasion des dealers, Snap a pris des mesures pour protéger ses utilisateurs, particulièrement les plus jeunes. L’an dernier, Snapchat s’est mis à limiter les suggestions comptes appartenant à des adolescents âgés de 13 à 17 ans auprès d’adultes. De cette manière, les potentiels dealers, ou des prédateurs sexuels, auront plus de mal à contacter les jeunes. Par contre, rien n’empêche un adolescent en quête de drogue de contacter un vendeur…
Au cours de l’année écoulée, le réseau social a par ailleurs supprimé plus de 400 000 comptes ayant mis en ligne des contenus avec de la drogue. Contactée par Bloomberg au sujet de l’épidémie de Fentanyl, l’entreprise d’Evan Spiegel déclare tout mettre en œuvre pour traquer les vendeurs de substances illicites sur sa plate-forme :
« Nous nous engageons à faire notre part pour lutter contre la crise nationale d’empoisonnement au fentanyl, qui comprend l’utilisation d’une technologie de pointe pour nous aider à trouver et à fermer de manière proactive les comptes des trafiquants de drogue ».
Pour lutter contre la drogue, Snapchat bloque aussi les résultats de recherche concernant des mots liés aux médicaments. L’application redirige automatiquement les utilisateurs vers des informations officielles sur les risques du Fentanyl.
Contrairement à ce que prétend Carrie Goldberg, Snapchat n’est pas la seule plate-forme gangrenée par le trafic de drogue. Pour écouler leurs produits, les trafiquants passent également par des messageries comme WhatsApp et Telegram. Sur ces messageries chiffrées, les dealers organisent leur business de la même manière qu’une boutique légitime. On y croise des opérations promotionnelles, des formules d’abonnement et des livraisons à domicile. D’après Gus Michael Bilirakis, élu républicain à la Chambre des représentants, le trafic de drogues passe aussi par Facebook Messenger.
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Source : Bloomberg