Montpellier, Rennes, Clermont-Ferrand, Caen, Brest, Angoulême, Tours… Les villes de l’Hexagone sont gagnées depuis quelques mois par un curieux phénomène de mode : les apéros géants, organisés à partir d’invitations lancées sur le numéro un des réseaux sociaux, Facebook. Mercredi 12 mai, la ville de Nantes connaissait son deuxième événement du genre, après celui de novembre dernier. Aujourd’hui, la question de ce type de manifestation est posée par certains élus, après le décès d’un des participants.
Que s’est-il passé à Nantes ?
Dans la nuit de mercredi 12 à jeudi 13 mai, l’apéro géant organisé sur la place Royale de Nantes a réuni quelque 9 000 personnes. La préfecture avait interdit le rassemblement, mais il a quand même eu lieu. Un jeune homme de 21 ans, qui y avait participé, est décédé hier, jeudi, des suites de ses blessures. Il a effectué une chute de 5 mètres en passant par dessus la rambarde d’un escalier menant au pont de la Rotonde, qui surplombe des voies de chemin de fer.
Selon Ouest France, le procureur de la République de Nantes a indiqué que sa chute était la combinaison d’une prise de risque et d’une alcoolisation excessive de 2,4 g/l de sang, résultat de l’absorption de 10 à 15 verres d’alcool fort. Par ailleurs, d’après le quotidien régional, 57 personnes ont dû être hospitalisées et 41 autres ont été placées en garde à vue. L’apéro géant a donné lieu à une fête hors norme, mais aussi à des bagarres, des dégradations, des vols, des ivresses manifestes. Selon l’AFP, 570 personnes avaient été mobilisées, dont 370 policiers et gendarmes, une centaine de sapeurs-pompiers, une cinquantaine de secouristes et autant d’agents municipaux.
Le 12 mai, un apéro géant organisé via Facebook avait également eu lieu à Montpellier. Il aurait réuni environ 10 000 personnes et s’est traduit par 29 prises en charge par les secours, dont 10 hospitalisations et 4 interpellations.
Faut-il interdire ce genre de manifestation ?
Au lendemain du drame nantais, qui imputable à l’alcool avant tout, aucun politique ne demande l’interdiction pure et simple des apéros géants organisés par Facebook ou tout autre réseau social. La secrétaire d’Etat au Développement de l’économie numérique, Nathalie Kosciusko-Morizet, ne souhaite pas une interdiction systématique, mais en appelle à la responsabilité des organisateurs. Sur Europe 1, elle a invité ceux-ci à comprendre que « s’il y a des règles de sécurité qui sont mises en place, ce n’est pas pour les ennuyer, c’est vraiment qu’il y a des risques ». Et d’évoquer le cas des organisateurs de « raves » – du moins de certaines de ces fêtes techno – qui collaborent désormais avec les autorités.
Même son de cloche du côté de Marc-Philippe Daubresse, ministre de la Jeunesse, qui ne croit pas à l’interdiction. « Il faut discuter avec les associations de maires et les associations de prévention, sans pour autant rejeter les mesures d’ordre public, mais celles-ci ne suffisent pas » a-t-il dit au micro de RTL.
Pour les députés socialistes Claude Bartolone et Jean-Christophe Cambadélis, il ne faut pas interdire mais réguler. Le maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault (PS) a également expliqué à Ouest-France que l’interdiction pure et simple n’était « pas forcément la solution ». Mais il demande « une concertation entre l’Etat, les mairies, les services de santé, etc., pour voir comment on peut juguler ce phénomène. Il faut prendre le problème à la racine et casser cette spirale des apéros géants d’une ville à l’autre ».
Le maire de Nantes a été entendu, puisque dans un communiqué, le ministère de l’Intérieur annonce la tenue d’une réunion de travail la semaine prochaine sur la problématique de ces apéros géants. Elle se tiendra avec les représentants des ministères, les préfets et les maires principalement concernés et « aura pour objet d’évaluer la mise en œuvre des instructions déjà données aux préfets, de préciser les mesures permettant de faire face à ce type d’événements “spontanés”, de limiter les risques qu’ils font encourir, notamment aux mineurs qui s’y rendent, et de coordonner la réponse des différents acteurs locaux ».
Ces apéros géants sont-ils légaux ?
Dans son communiqué, la Place Beauvau rappelle que « toutes les manifestations sur la voie publique sont soumises à l’obligation de déclaration préalable auprès du préfet du département où est prévue la manifestation. La méconnaissance de ces dispositions expose à des sanctions pénales qui peuvent être aggravées en cas de mise en danger de la vie d’autrui. »
Les organisateurs doivent également obtenir l’autorisation d’occupation du domaine public communal auprès du maire. A défaut d’être en conformité avec la loi, ils risquent des poursuites selon l’article 439-1 du code pénal. Les sanctions se montent à 6 mois de prison et 7 500 euros d’amende.
De plus en plus de préfectures – mais pas toutes – interdisent la tenue des apéros géants, comme ce fut le cas à Lille fin avril, dans l’Ariège ou encore dans le Gard. Les préfectures de Savoie et de Haute-Savoie viennent, elles, d’annoncer par arrêté l’interdiction des fêtes prévues à Chambéry et Annecy ce vendredi et samedi. Idem en Ardèche, à Aubenas,et à Troyes, dans l’Aube. Pour des raisons de sécurité publique, mais aussi de coûts imputés ensuite aux contribuables.
A Paris, un apéro géant était annoncé pour le 23 mai sur le Champ-de-Mars. Le maire, Bertrand Delanoë, soutient « les initiatives prises par la préfecture de police, compétente dans la capitale pour gérer ce type d’événement, pour dissuader les organisateurs de cette initiative de la mener à son terme ».
Le souci est que, même prohibés, certains apéros se tiennent quand même : difficile d’empêcher des milliers de personnes de converger vers un même endroit. A Nantes, malgré l’interdiction, le regroupement a bien eu lieu. Mais les forces de l’ordre sont autorisées, selon l’article 439-1 du code pénal, à disperser tout attroupement susceptible de troubler l’ordre public.
Et vous, pensez-vous que les autorités doivent systématiquement interdire les apéros géants organisés via Internet, pour casser l’effet de mode ? Faut-il les encadrer plus fortement ? Ou laisser faire ? Nous attendons vos avis.
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