Hier, ma machine a eu un hoquet. Oh ! pas le gros hoquet qui la bloque irrémédiablement ; elle a juste commencé à ramer quand j’ai lancé simultanément une connexion sur le Net et ouvert une base avec FileMaker.Je l’ai regardée dans le blanc de l’écran. Un regard méchant, mâle, type Bogart dans Le port de l’angoisse (mais sans cigarette, sinon je tousse) et je lui ai dit : “Si tu plantes, je te crame…” J’ai dit ça doucement, mais fermement. Mon PowerBook a senti que je ne bluffais pas. Il a fait “rouuuuuuuu…” en arrière-plan et j’ai surfé peinard sur le Net. Ma base de données est restée ouverte sagement en attendant que je veuille bien la consulter. Non, mais !On ne peut pas dire que je ne m’en occupe pas de mon portable. RAM, antivirus, pare-feu logiciel, applications dernier cri… Je le bichonne ! Mais avant Noël, il me faisait des gastro et des angines à répétition malgré mes soins intensifs. J’ai décidé de mettre à jour notre relation, d’arrêter de le traiter à l’ancienne, de perdre du temps. Tiens, avant Internet, on laissait les bêtes se guérir tant bien que mal et la vie reprenait son cours. Même que les bêtes, on les consommait et les machines, on les réparait. Aujourd’hui, fini : on décontamine, et brutalement !Depuis que ma machine lit sur le Net les infos du monde en même temps que moi, c’est simple, elle est guérie : plus de tremblante du CD-ROM, plus de coup de fièvre même après 12 heures d’activité, plus de démarrage hasardeux. Elle a compris ce qui l’attend : un virus, un petit bug ? hop ! en quarantaine ; une erreur 401 ou 404 ? wraouf ! un coup de lance-flammes.
J’imagine déjà les dialogues avec les charmantes voix des hot line :
“- Bonjour, je suis bien au support technique… ?
– Ouiiiiiiiii, que pouvons-nous faire pour vous ?
– Ben, j’ai mon système qui coince de temps à autre avec une extension FireWire…
– Ecoutez. On a un brasier demain à 14 heures dans votre quartier. Mettez votre machine dans un sac poubelle pour éviter qu’elle en contamine d’autres, et apportez-la…”Enfin, cela a de la gueule ! On se la joue à la Fahrenheit 451 : les forces de l’ordre autour des fermes et des bureaux, les gyrophares, les masques à gaz, les pelleteuses, les feux de joie. Sans parler des déclarations dramatiques du 20 heures : ” Aujourd’hui, à La Défense, on a recensé 342 nouveaux cas de plantage. Les liaisons à haut débit sont interdites pour les 15 jours à venir. Les employés des tours sont consignés jusqu’à nouvel ordre. “Sur les images, des centaines de moutons et de PC se côtoient dans le godet des bulldozers. Là, une patte gigote ; ici, un écran clignote. C’est beau ces flammes dans la nuit étoilée, surtout accompagnées des odeurs mêlées de merguez grillée et de plastique. J’attends toujours le retour de Julie Christie. Quelle nous ramène un peu de bon sens.Prochaine chronique le samedi 31 mars 2001
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.