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Facebook veut savoir si vous êtes énervé(e), et ce n’est pas pour rien

Après l’avoir fait pour les publications puis les conversations Messenger, Facebook permet à ses utilisateurs de mieux exprimer leurs sentiments à propos des commentaires. De quoi en apprendre encore plus sur eux.

Depuis hier 4 mai, Facebook déploie une nouvelle fonctionnalité sur la version ordinateur du réseau social. Pour de nombreux utilisateurs, il est désormais possible d’ajouter une réaction à chaque commentaire d’une publication. Il leur suffit de choisir parmi la palette de six sentiments différents, identiques à ceux qui ont remplacé le bouton «J’aime» en février 2016. Les réactions «J’aime», «J’adore», «Haha», «Waouh», «Triste» et «Grrr» ont également fait leur apparition dans Facebook Messenger il y a quelques jours. A première vue, l’évolution permet de dynamiser nos fils d’actualité et de les remplir de smileys colorés. Mais pour Facebook, l’apport financier pourrait être considérable..

Nos émotions plus intéressantes que notre âge?

A l’occasion de la publication de ses résultats financiers, Facebook a confirmé qu’il atteindra bientôt les deux milliards d’utilisateurs actifs chaque mois – dont 1,3 milliard actifs chaque jour. C’est au niveau des revenus que l’on retrouve les progressions les plus importantes. Sur le premier trimestre 2017, le chiffre d’affaires est en hausse de 49% par rapport à la même période l’an dernier. Le bénéfice grimpe quant à lui de 77% par rapport au premier trimestre 2016.

Malgré ces bons résultats, les cadres de Facebook tempèrent : l’embellie ne durera pas. Ils avancent que les pages sont déjà saturées de publicités et qu’elles ne pourront l’être davantage. Dans le même temps, les nouveaux utilisateurs seront de plus en plus difficiles à aller chercher. Sheryl Sandberg, numéro deux de l’entreprise, avance une solution : mieux cibler les messages publicitaires pour les vendre plus cher. Et c’est là que les réactions pourraient intervenir.

À lire : Facebook reconnaît que ses utilisateurs peuvent être manipulés politiquement

Pour attirer les annonceurs, Facebook promet déjà un ciblage publicitaire très précis. En France, l’audience peut être choisie selon le lieu où elle se trouve, son âge, son sexe, sa situation amoureuse, sa situation professionnelle ou ses centres d’intérêt. Aux Etats-Unis, les utilisateurs se sont vus proposer des contenus différents selon leur couleur de peau. Autrement dit, Facebook permet déjà à ses clients de très bien savoir à qui ils ont affaire. Mais bien qu’elles puissent évoluer dans le temps, ces données sont assez peu dynamiques. Pour aller plus loin dans le ciblage, l’entreprise de Mark Zuckerberg doit chercher ce qui est plus volatile : nos émotions.

Un flot de nouvelles données personnelles

Depuis l’introduction des réactions sous les publications, les annonceurs et éditeurs peuvent mieux cerner l’impact de leurs contenus. Mais comme l’explique Facebook sur sa page qui leur est dédiée, il leur faut garder à l’esprit que «plusieurs choses peuvent influencer le choix de la réaction d’une personne». Autrement dit, il est parfois difficile de savoir si un «Grrr» ou un «J’adore» visent le contenu d’une publicité, la marque dans sa globalité, ou la nature d’un produit.

Page Facebook dédiée aux annonceurs
01net.com – Page Facebook dédiée aux annonceurs

Face à ce manque de précision, l’arrivée des réactions dans les commentaires pourrait permettre d’éclairer la situation. De nombreuses publications génèrent des dizaines, des centaines voire des milliers de commentaires. A partir d’aujourd’hui, Facebook peut accéder à une immense quantité de données supplémentaires pour affiner son analyse – et mieux la revendre à ses clients.

L’exemple du hamburger

Pour comprendre l’impact de cette nouvelle fonctionnalité, il suffit d’imaginer un exemple concret. Prenons le cas d’un vendeur de hamburgers qui décide de diffuser un spot publicitaire sponsorisé sur Facebook. Ce spot met en scène un jeune homme, mangeant un triple cheeseburger au bacon. La vidéo suscite des milliers de réactions, avec une majorité de «J’aime», «Waouh» et «Grrr». Des réactions variées, difficilement exploitables.

Mais en analysant les réactions aux commentaires, Facebook pourra constater qu’un avis négatif venant d’une utilisatrice membre de groupes végétaliens a recueilli beaucoup plus de «Triste» que de «Grrr», notamment chez les moins de 30 ans. Pour l’annonceur, une première piste pourra être étudiée : et si la nouvelle génération était davantage sensible à la cause animale qu’à des centaines de calories vendues à prix réduit? Une analyse qui permettrait à Facebook d’affiner le ciblage pour les prochaines campagnes publicitaires, d’émettre des recommandations… et de faire grimper ses tarifs.

Au premier trimestre 2017, chaque utilisateur a rapporté en moyenne 4,23 dollars (3,87 euros) à Facebook. Les réactions pourraient permettre de faire décoller ce chiffre… à condition de savoir analyser l’immense quantité de données dont le réseau social disposera.

L’autre frein est d’ordre éthique. Il y a quelques jours, Facebook était accusé de tirer profit de l’état de faiblesse de certains adolescents pour leur présenter de la publicité. Dans un communiqué, l’entreprise avait démenti, précisant que les «états émotionnels» des utilisateurs ne sont pas utilisés à des fins de ciblage publicitaire mais uniquement pour «mieux comprendre comment les gens s’expriment sur Facebook». Avec l’ajout des réactions dans les commentaires, le réseau social va encore mieux les comprendre. Si la hausse du chiffre d’affaires s’essouffle, renoncer à l’argent des vendeurs de hamburgers deviendra de plus en plus difficile.

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Raphaël GRABLY