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Facebook, un univers impitoyable pour ses employés

Des anciens salariés dénoncent une culture d’entreprise quasi totalitaire où chacun est tenu d’avoir l’air heureux, d’entretenir des liens d’amitié avec ses collègues et de réprimer tout sens critique.

Cantine haut de gamme, bureaux design, salaires confortables, ambiance décontractée… les salariés de Facebook affichent un taux de satisfaction de leur entreprise toujours très élevé dans les sondages. Mais ce sentiment n’aurait rien de spontané. Une douzaine d’anciens employés ayant quitté le groupe entre 2016 et 2018 a même dévoilé au site CNBC l’envers du décor de cette entreprise « cool »  de la Silicon Valley. Les équipes sont tenues d’entretenir la fiction d’un endroit où il fait bon vivre à cause d’un pesant système d’évaluation des performances.

Un épisode est à ce titre symptomatique. Il a eu lieu au cours d’un vaste échange avec les employés organisé par Sheryl Sandberg dans un hôtel de Menlo Park au mois d’octobre dernier pour évoquer le harcèlement sexuel. Une jeune femme prend alors la parole : « J’étais réticente à parler, Sheryl, car la pression pour que nous agissions comme si tout allait bien et pour que nous aimions travailler ici est tellement forte que ça fait mal », a-t-elle déclaré, selon plusieurs anciens employés de Facebook ayant assisté à la scène. « Il ne devrait pas y avoir de pression pour prétendre aimer quelque chose quand on ne le ressent pas comme tel », a-t-elle ajouté, provoquant des applaudissements dans l’assistance.

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Le fonctionnement du groupe serait pyramidal : les décisions sont prises par la direction et les employés doivent les appliquer sans discuter. Si l’un d’eux pose une question un peu insistante lors d’une réunion, il se fait ensuite vertement tancer après coup parce qu’il faut suivre les ordres. Certains n’hésitent pas à parler d’ambiance de « secte ».

La course à la popularité

Chacun est évalué deux fois par an par au moins cinq collaborateurs qui peuvent envoyer leurs commentaires directement à leur pair ou à son responsable. La plupart du temps, ces rapports restent anonymes mais leur contenu peut durablement saper le moral des personnes concernées et bloquer leur progression. Cela incite à tisser des liens d’amitié avec le plus de monde possible. « Un véritable concours de popularité », témoigne un ancien cadre. Ce fonctionnement paraît digne d’une société totalitaire et fait immédiatement penser à un épisode de la série Black Mirror !

En outre, des événements pour renforcer la cohésion des équipes sont organisés en dehors des heures de travail. En théorie, ils ne sont pas obligatoires mais en pratique, ceux qui les sèchent sont mal vus. Enfin, il ne fait pas bon montrer ses faiblesses. Une ancienne cadre souffrant d’une maladie grave avoue avoir tu ses problèmes à ses collègues et renoncé à prendre son congé maladie pour se soigner. Son supérieur lui avait suggéré  plutôt de poser des vacances .. ce qu’elle a fait, de manière à ne pas être perçue comme incapable d’accomplir son travail.

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15% d’effectifs à licencier

Les supérieurs doivent aussi classer leurs subalternes en catégories strictes. Le problème, c’est que chacune ne peut accueillir qu’un pourcentage limité et toujours le même de salariés, quelle que soit la réalité. 10 à 15% des effectifs se retrouvent ainsi obligatoirement sur la sellette, une population fixe destinée à être licenciée. Cela n’est pas propre à Facebook mais des acteurs majeurs comme Microsoft ont fait le choix d’abandonner cette pratique. D’après les témoignages réunis par CNBC, cela aurait pour effet de pousser les employés à se concentrer sur des objectifs à court terme et à proposer des fonctionnalités sans prendre pleinement en compte les éventuels impacts négatifs à long terme sur l’expérience utilisateur ou la vie privée.

En luttant contre le sens critique de ses troupes, l’entreprise a éliminé tous ses garde-fous potentiels internes. Ce qui pourrait être une clef pour expliquer les dérapages répétés en matière de protection des données personnelles sur Facebook et Instagram, le plus conséquent ayant été l’affaire Cambridge Analytica.

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Amélie CHARNAY