Passer au contenu

Facebook : quand Mark Zuckerberg prend des airs de leader politique

Le long texte publié par le patron de Facebook a des allures de programme politique. Il y décrit un “monde meilleur” qui aurait comme cœur le réseau social qu’il a fondé. 

En 6000 mots, Mark Zuckerberg a écrit l’avenir de Facebook ce 16 février. Peut-être même l’avenir du monde, à en croire ses paroles. Dans un style qui ressemble davantage à un discours d’homme politique qu’à celui d’un dirigeant de la Silicon Valley, l’homme de 32 ans décrit un monde meilleur, dans lequel il aurait évidemment tout sa place. Cette idée de monde meilleur, un concept vaseux repris par la plupart des entrepreneurs californiens, qu’ils vendent un tournevis connecté ou un service de streaming de vidéos de chatons. Pour la première fois, l’un d’entre eux explique point par point comment il va s’y prendre.

Des appels des gouvernements

Dans le texte intitulé «Construire une communauté mondiale», Mark Zuckerberg mentionne le terme d’infrastructure sociale à une quinzaine de reprises. Loin d’être choisi au hasard, il est souvent employé par les instances internationales soucieuses d’améliorer le développement de pays émergents. Si Facebook ne prend pas à sa charge les apports en eau et en électricité, il n’en est pas loin.

Il y a quelques jours, le site annonçait des nouveautés concernant son option Safety Check, qui permet d’informer ses proches en cas de crise (catastrophe naturelle ou attentat). Désormais, les membres concernés pourront également proposer ou demander de l’aide, de la nourriture ou des médicaments.

Selon Mark Zuckerberg, les gouvernements le contactent régulièrement en cas de catastrophe, pour s’assurer que Facebook a bien activé la fonction. Depuis plusieurs mois, Facebook se retrouve donc indirectement chargé de la sécurité de millions de personnes dans le monde en accord avec les autorités locales.

Rassembler les communautés

Dans les mois à venir, ce rôle devrait s’étendre. Le PDG de Facebook nous apprend qu’il souhaite élargir la notion de Safety Check à des missions de moyen-terme. Dans les faits, il est encore difficile de dire à quelles nouvelles fonctionnalités cela pourrait correspondre. Mais assurer la communication entre les habitants – d’une zone de conflit, par exemple – semble plutôt relever de l’ONU que d’un réseau social. Ca tombe bien, Facebook est désormais une infrastructure sociale.

Evidemment, tous les utilisateurs de Facebook ne se trouvent pas en zone de conflit. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils n’ont pas besoin de Facebook pour survivre. Dans son message, Mark Zuckerberg évoque le cas de Christina, jeune femme souffrant d’épidermolyse bulleuse dystrophique. Une maladie rare. En s’inscrivant à un groupe Facebook, elle a pu se mettre en relation avec 2400 personnes touchées par la même affection. Ensemble, tous ont pu éviter de «souffrir seuls».

Pour attirer les utilisateurs vers ce qu’il appelle des «groupes significatifs» (que l’on pourrait traduire par «d’intérêt public»), Mark Zuckerberg promet de renforcer les moyens de les mettre en relation. Il souhaite également faciliter le travail des membres qui sont à la tête de ces groupes en leur donnant davantage de marge de manœuvre pour fédérer les utilisateurs, dans une politique de décentralisation.

Créer de bons citoyens

Mark Zuckerberg veut également se servir de ses nombreux outils comme les vidéos en direct pour prévenir les comportements dangereux ou suicidaires – vraisemblablement en utilisant l’intelligence artificielle. Là encore, il pourrait fonctionner main dans la main avec les autorités locales.

Il réaffirme enfin sa volonté de faire de ses membres de bons citoyens, notamment en les incitant à voter et à mieux s’informer. Le sujet des fausses informations est d’ailleurs assez vite balayé: «notre approche se concentrera moins sur le fait de bannir les fausses informations que de proposer d’autres perspectives» peut-on lire. La diversité plutôt que la sélection.

En résumant le texte du PDG de Facebook, on comprend qu’une nouvelle «infrastructure sociale» veut «construire une communauté mondiale». Le texte est aussi flou et ambitieux qu’un discours politique. On le verrait presque prononcé sur les marches du Capitole… à quelques détails près.

Comme le ferait n’importe quel politicien, Mark Zuckerberg aborde les questions de sécurité, de santé, de solidarité. Il se permet même une citation d’Abraham Lincoln. Mais il manque un mot à son long discours : l’emploi. Pour trouver des solutions à tous nos maux, il parle de communauté (bénévole, bien entendu), de recherche scientifique et surtout d’intelligence artificielle. Mais pour faire tourner sa gigantesque infrastructure sociale, celle qui doit apporter la paix à un quart de l’Humanité, il ne semble compter sur personne d’autre qu’une poignée de jeunes californiens sortis de Stanford ou Harvard.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Raphaël GRABLY