La vidéo commence par un message d’avertissement : « Attention, ces images contiennent des descriptions d’actes violents contre des personnes et des animaux, des récits de harcèlement sexuel et de trouble de stress post-traumatique, et autres contenus potentiellement dérangeants ». Le ton est donné.
Publié mercredi 19 juin, le reportage de The Verge montre les témoignages inédits de trois anciens modérateurs de contenus de Facebook. Shawn Speagle, Melynda Johnson et Michelle Bennetti ont travaillé dans un des sites de modération de Facebook, à Tampa, en Floride. Six à neuf mois après leur embauche, ils ont craqué. Aujourd’hui, ils racontent face caméra l’envers du décor.
15 000 modérateurs… muselés
Mis en cause régulièrement, le réseau social a renforcé sa politique d’assainissement des contenus. Au total, Facebook emploie 30 000 personnes dédiées à la sûreté et sécurité du réseau social. La moitié est dédiée à la modération de contenus. Tous signent une clause de confidentialité.
En 2017, Facebook a ouvert trois sites au sud des États-Unis : Phoenix, Austin et Tampa. Ces sites sont gérés par l’entreprise Cognizant, liée à Facebook pour deux ans par un contrat de 200 millions de dollars.
Pour les embaucher, les managers n’hésitent pas à leur mentir. L’article relate que que les offres d’emploi de modération de contenu sont trompeuses, avec des postes baptisés par exemple «analyste réseau social ». Derrière ce titre générique se cache en fait une des tâches les plus difficiles : filtrer les horreurs publiées à longueur de journée sur le plus grand réseau social au monde.
Pour les attirer, la rémunération horaire (15 dollars) est à peine plus élevée que le salaire moyen (à peine 9 dollars en Floride). Le revenu annuel de ces travailleurs de l’ombre représente la modique somme de 28 000 dollars –un peu moins de 25 000 euros.
Un pause « bien-être » de 9 minutes par jour
Les conditions de travail sont harassantes. Pendant une journée de travail, les modérateurs n’ont que deux pauses de 15 minutes. Pour déjeuner, seulement 30 minutes. Leur est accordée également une pause de « bien-être » de 9 minutes pour prendre du recul s’ils sont submergés par l’émotion après avoir vu une publication.
Les images sont si violentes (exploitation sexuelle des enfants, maltraitance animale, extrême violence, etc.) que certains modérateurs sont diagnostiqués en situation de stress post-traumatique. C’est un syndrome généralement caractéristique des soldats de retour du front.
Selon le journaliste Casey Newton, qui a aussi interrogé des employés du site de Phoenix, certains employés virent conspirationnistes à force d’être confrontés à des théories du complot. D’autres restent hantés par les images qu’ils ont vues dans la journée. C’est ce que raconte Shawn Speagle au journaliste. Les larmes aux yeux, il décrit une vidéo de torture d’un iguane par deux adolescents qui l’a particulièrement choqué. En six mois, il aurait modéré 100 à 200 contenus par jour.
Harcèlement sexuel, rognures d’ongles et poils pubiens
L’insalubrité des lieux est également en cause. En moins d’un an, les locaux de Phoenix ont été infestés deux fois par des punaises de lit. Face aux préoccupations des employés à propos d’une potentielle invasion de leurs foyers, le manager aurait fait comprendre que Cognizant ne paierait certainement pas le nettoyage. Certains expliquent qu’ils trouvent régulièrement des poils pubiens et des rognures d’ongle sur leurs bureaux.
Les témoignages montrent enfin que l’ambiance de travail est toxique et le harcèlement -dont sexuel- omniprésent. Dans le reportage vidéo, Melynda Johnson compare Tampa à un « atelier clandestin ».
« Nous sommes des corps sur des sièges, témoigne Shawn Speagle qui est sorti de sa dépression. Nous ne sommes rien à leurs yeux. » Avant de conclure : « Je pense que Facebook doit fermer ».
Source : The Verge
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