« Précédent troublant », « impôt discriminatoire », « rupture brutale de règles établies de longue date» : les grands groupes numériques ne tarissent pas de reproches à propos de la taxe Gafa à la française. À Washington, des représentants d’Amazon, de Facebook, de Google et d’autres personnalités du numérique ont été entendus, lundi 19 août, lors d’auditions dans le cadre d’une enquête ouverte par les services du représentant américain au Commerce (USTR), au sujet de l’impôt français sur les services numériques.
Cette investigation a été lancée aux États-Unis après la promulgation de la loi le 11 juillet 2019 à Paris. Dix personnalités ont été entendues, dont l’avocat Gary Sprague, de la firme d’avocats Baker and McKenzie représentant divers groupes allant d’Airbnb à Expedia, en passant par Microsoft et Twitter (liste exhaustive à consulter ici en PDF).
Un impôt « déraisonnable »
Unis, les Gafa ont dénoncé la rétroactivité, l’aspect discriminant et le caractère doublon de cet impôt vis-à-vis du système américain. « On n’a jamais vu d’impôt rétroactif », s’est insurgé Alan Lee de Facebook. Tous critiquent le manque de « directives » pour appliquer la loi. Chez Google, Nicholas Bramble, estime que « taxer une poignée de grands groupes de l’internet n’a pas de sens quand tous les secteurs deviennent numériques ».
Lors de son audition, Peter Hiltz, directeur de la planification fiscale d’Amazon, a cité le cas révélateur d’un voyageur américain en France qui surfe et achète sur le site américain de la firme. « Sa transaction sera taxée en France, mais aussi aux Etats-Unis au niveau du bénéfice », a-t-il argumenté. Preuve, selon lui, de l’inadéquation de la taxe. Le directeur garantit en tout cas qu’elle aura « un impact négatif sur Amazon et des milliers de petites et moyennes entreprises » qui travaillent avec la plate-forme. Le géant américain du retail a déjà annoncé qu’il ferait peser sur ses partenaires le coût de la nouvelle taxe.
Une « fracture radicale »
Aux côtés des firmes privées, le président du Conseil national du commerce extérieur américain, Rufus Yerxa a aussi protesté contre cette « fracture radicale par rapport à la pratique habituelle ».
Un avis largement défavorable que partage l’USTR. Dans un avis public daté du 16 juin 2019, l’institution a déclaré que cet impôt était « déraisonnable » car trop éloigné des normes du système fiscal américain [PDF]. Fidèle à lui-même, le président Donald Trump a donné son avis sur Twitter, qualifiant la taxe du président français de « bêtise » :
France just put a digital tax on our great American technology companies. If anybody taxes them, it should be their home Country, the USA. We will announce a substantial reciprocal action on Macron’s foolishness shortly. I’ve always said American wine is better than French wine!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) July 26, 2019
Comme le rapporte Bloomberg, le chef de l’État américain menace de taxer à 100% les vins français en guise de représailles. La mise en place d’une telle taxe douanière pourrait être décidée d’ici le 26 août 2019 dès lors que l’enquête sera close. Pour l’instant la Maison Blanche n’a pas confirmé les provocations « Trumpesques ».
« Une solution imparfaite »
L’attaque potentiellement portée au patrimoine français suit la logique implacable du talion… La taxe instaurée par Paris vise clairement les mastodontes outre-Atlantique. Elle concerne une trentaine de groupes réalisant au moins 25 millions d’euros de chiffre d’affaires en France et 750 millions d’euros dans le monde qui devront s’acquitter de cet impôt. Tous -ou presque- sont américains.
Appliqué sur toutes les opérations effectuées depuis le 1er janvier 2019, l’impôt sera calculé à partir du chiffre d’affaires réalisé par les grandes entreprises de l’internet présentes dans l’Hexagone, alors qu’elles sont pour la plupart basées aux États-Unis, où elles sont imposées sur leur bénéfice.
« C’est une solution imparfaite pour remédier à un système de taxation caduque », a reconnu Jennifer McCloskey, du groupement professionnel Information Technology Industry Council, lors de l’audition.
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Le besoin d’une réforme du système d’imposition de ces transactions numériques fait consensus auprès des autorités et des industriels américains. Mais c’est l’échelle qui pose problème. À défaut d’une taxe européenne, la France a fait cavalier seul. Or, c’est plutôt sous l’égide de l’Organisation du Commerce et du Développement Économique (OCDE) que les États-Unis imaginent une taxation des services numériques. Une piste qu’ils comptent défendre lors du prochain G7 qui se tiendra à Biarritz, fin août 2019.
Source : Business Insider et AFP
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