Le capteur plein format 24×36 mm est en train de faire un hold-up sur la photo : la plupart des constructeurs basculent massivement vers ce standard, comme en témoignent les annonces récentes de Canon, Nikon et celles de Panasonic et Sigma au salon Photokina, qui se déroule en ce moment à Cologne.
Le 24×36 est au cœur des appareils photo numériques professionnels depuis plus de dix ans et se base sur le standard des appareils photo à pellicule « classiques » qui nous ramène… au début du XXe siècle ! A quelques exceptions près – Fujifilm notamment, lire l’encadré à la fin – l’industrie ne jure plus que par un « standard » alors que l’aventure des appareils photo hybrides a vu naître (et mourir) plusieurs formats.
Dans l’ordre croissant, le monde des appareils photo numériques à optiques interchangeables a ainsi accueilli des petits capteurs comme le Pentax Q (capteur de compact au format 1/2.3’’) ou le Nikon 1 (capteur 1 pouce), des capteurs intermédiaires comme le Micro 4/3 et l’APS-C et, en haut de gamme, les capteurs plein format 24×36 mm et les différents standards de moyen format (à partir de 33 x 44 mm).
Certains formats sont morts (Pentax Q et Nikon 1) et si des offres différentes existent toujours – Fujifilm a une belle part de marché avec son APS-C – l’industrie a entamé sa conversion vers le format de capteur 24×36 mm : après le lancement des Nikon Z7 et Z6 en août dernier et l’annonce du Canon EOS R il y a deux semaines, voici que Panasonic et Sigma rejoignent Leica et sa monture L. Sans compter l’annonce en mai dernier par Sigma de l’adaptation de toute sa gamme optique ART au format Sony FE (hybrides plein format) ou du lancement par Tamron de son premier zoom au format FE en juin dernier. Pour tout le monde (ou presque), l’avenir de la photo rime avec plein format.
La qualité d’image coûte que coûte
Derrière ce « consensus » – qui reste une compétition acharnée en acteurs essentiellement nippons – se cache une crainte : après avoir vu le marché des appareils photo compact phagocyté par les smartphones, les entreprises du monde de la photo « classique » ont bien compris que pour continuer à vendre du matériel, il faut proposer une vraie différence de qualité d’image.
Et à mesure que les ténors du smartphone tels que Huawei, Samsung ou Apple ajoutent des modules caméras et des processeurs sans cesse plus performants à leurs terminaux, le vieux monde de la photo perçoit nettement la puissance du visual computing, cet « art » qui permet de combiner des informations provenant de plusieurs capteurs pour produire de beaux clichés. Suffisamment en tous cas pour que le smartphone suffise au plus grand nombre pour les photos quotidiennes.
Face à ces surdoués équipés de puissantes puces de calcul et profitant de budgets de R&D très importants, l’industrie photo traditionnelle, qui ne peut se convertir au smartphone (Panasonic a déjà échoué par le passé avec son CM1 et un acteur comme Sony voit ses Xperia balayés d’année en année), préfère la jouer conservateur. Et parie massivement sur un mot qui plaît aux ingénieurs japonais : la qualité d’image.
Grand capteur + super optique = duo gagnant ?
Dans le domaine de la photo numérique, trois piliers influent sur la qualité des clichés : le capteur, l’optique et le traitement numérique (processeurs + algorithmes). Afin de faire la différence avec les téléphones qui profitent d’une partie électronique performante, les constructeurs photo jouent donc sur les deux tableaux restant que sont le capteur et l’optique. Faire grossir le capteur, c’est récupérer plus de détails, récolter plus de lumière, moins souffrir du bruit numérique en basses lumières, etc.
Quant aux optiques, outre leur qualité et leur luminosité – les lancements de focales fixes à f/1.4 explosent ces dernières années –, il faut aussi compter sur la flexibilité (on peut en changer) et sur les zooms, pour l’heure hors de portée des téléphones – les petits téléobjectifs des iPhone et autre Huawei P20 Pro sont encore trop médiocres.
Le bokeh ou la recherche du (beau) flou
Finalement, ce qui fait la différence entre appareil à capteur plein format et son optique ultra lumineuse face à un smartphone, c’est l’effet appelé « bokeh » (son nom japonais), ce flou d’arrière-plan qui permet d’isoler un sujet – souvent un visage – de son environnement. Un effet tellement recherché qu’il était au cœur de la présentation de la partie photographique… des derniers iPhone XS et XR lors de la soirée de lancement (au passage on prononce « boké » et pas « bokeu/bokou » comme le fait Mr Schiller) !
S’il est de mieux en mieux simulé par les smartphones, la qualité du rendu est inégale d’un cliché et l’autre… et la qualité d’image toujours très inférieure à ce que propose un véritable appareil. La preuve : Wiko et Blackberry ainsi que Huawei et Samsung se sont récemment fait épingler pour avoir utilisé des images produites par des reflex à capteur plein format pour prouver la qualité de leurs smartphones. Preuve, s’il en est, que ce standard est le maître étalon de la qualité d’image.
Il faut dire que le 24×36 mm a fait ses preuves : c’est celui qui historiquement, a bénéficié du plus grand nombre d’optiques du côté des appareils argentiques et des reflex numériques… et du plus grand nombre de constructeurs engagés. Avant l’aventure numérique, toute l’industrie était déjà en rang d’oignon derrière la pellicule 135 mm, dite 24×36 mm (formats et marques « exotiques » mis à part). A cette époque, si des pellicules plus grandes existaient – 120 mm, plans films, etc. – c’était déjà le 24×36 mm qui offrait le meilleur ratio entre portabilité et qualité d’image.
A l’heure des hybrides numériques, la donne n’a pas changé et le marché se (re)convertit massivement à ce vieux standard qu’est le 24×36. Une histoire qui se répète ?
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