Attention ceci n’est pas un test ! Si la marque française Pixii a accepté de nous laisser prendre en main son appareil photo – le premier fabriqué en France depuis plus de 40 ans ! – on nous a bien fait comprendre qu’il ne s’agissait pas d’un produit final. « Ce n’est même pas une présérie puisque nous en sommes en train de mettre en place l’outil industriel », explique David BARTH, fondateur de l’entreprise et ancien de Canonical/Ubuntu. Pour une fois, c’est bel et bien un vrai prototype que nous avons eu en main, avec son lot d’éléments non finis, tant sur le point de vue du logiciel – « les mises à jour sont toujours quotidiennes ! », nous a-t-on assuré – que du côté du matériel.
S’il semble définitif quand on le déballe pour la première fois de sa boîte – elle aussi un modèle d’essai – ce prototype du Pixii affiche en effet des éléments non finaux. Les porte-dragonnes sont dans un métal pas encore parfaitement poli – « le sous-traitant vient juste de nous envoyer les nouvelles pièces », relate Mr. Barth – le verre du viseur télémétrique bouge un peu car il est assemblé à partir de pièces non définitives, les molettes sont encore en cours de calage, etc. Un vrai prototype ajusté à la main par un ingénieur qui tente encore d’améliorer les derniers détails ! Mais un appareil fonctionnel, qui mesure la lumière, prend des photos et les envoie au smartphone – celui de Mr Barth qui dispose de l’application actuellement en cours de peaufinage.
Outre son caractère français dont nous vous avons parlé longuement dans notre article de présentation, ce Pixii a surtout comme argument de poids d’être un télémétrique numérique qui n’est pas un Leica et qui est donc moins cher – aux alentours de 3500 euros. Si le tarif reste élevé, on est loin des 7000 euros et plus pour un M10, un tarif deux fois supérieur qui met la visée télémétrique hors de portée de bien des photographes.
Tout en aluminium, avec des lignes simplifiées au maximum, le Pixii joue la carte de la « pureté » jusqu’au bout : dépourvu d’écran LCD, il envoie des prévisualisations des images au smartphone en Wi-Fi (bientôt en Bluetooth). Et permet au photographe de ne pas subir la tentation de regarder le dos de son écran après chaque déclenchement, comme du temps de l’argentique. Une conception qui rappelle les Leica M Edition 60, Leica M-D et le tout nouveau M10-D. Mais en deux fois moins cher.
Comme tous les Leica, le Pixii est en monture M et s’accommode de toutes les optiques qu’elles soient signées Leica, Voigtländer, Zeiss, Minolta, etc.
Capteur APS-C avec global shutter
La première révélation que l’on peut vous faire, c’est que le boîtier est équipé d’un capteur APS-C de 12 Mpix. Un capteur européen dont la principale qualité est d’être à obturation globale – « global shutter » en anglais – c’est-à-dire qui élimine tout risque de déformation des verticales lors de la prise de vue.
Moins grand que le capteur plein format 24×36 classique, il décevra les amateurs du genre mais ce composant est pour l’heure « trop cher dans les volumes dans lesquels nous achetons les composants », nous explique David Barth. « Il fallait lancer l’aventure avec un positionnement tarifaire attractif par rapport à Leica qui a déjà son flux de production et profite de volumes d’achat supérieurs – et paye donc ses composants moins chers. Nous avons de ce fait décidé de commencer avec de l’APS-C », justifie-t-il.
Contrairement aux capteurs APS-C traditionnels, celui du Pixii n’est pas au format 3/2 mais au ratio 4/3 : quand un capteur Nikon DX mesure 25,1 x 16,7 mm, celui de notre prototype est un peu moins large et un chouia plus haut – 22,5 x 16,9 mm. Un ratio qui est moins clivant et moins marqué paysage que le 3/2 mais qui, là encore, secouera les plus traditionalistes ! Si la définition d’image est modeste – 4096 x 3072 soit 12 Mpix et des photosites de 5,5 microns – elle est largement suffisante pour la plupart des photographes de rue et autre photographes documentaires ou reporters, cibles privilégiées des boîtiers à visée télémétrique.
Ce capteur a deux forces. D’abord il a été conçu pour une cible industrielle (contrôles vidéo à haute vitesse, etc.) donc avec un cahier des charges d’imagerie intraitable. L’autre avantage – et non des moindres – de ce capteur est qu’il intègre un système d’obturateur électronique « global » et qu’il permet de se passer complètement d’un obturateur mécanique. Une simplification bienvenue pour la petite entreprise bisontine.
Mécanique simplifiée au maximum
Deux molettes, un bouton, un déclencheur et une trappe à batterie : voici les seuls éléments mécaniques du Pixii. La mémoire ? Intégrée à l’une des deux cartes électroniques (on sort les images via la prise Micro USB). L’obturateur ? 100% électronique comme on l’a vu ci-dessus. Le « global shutter » évite les problèmes de déformations des verticales des capteurs CMOS traditionnels qui fonctionnent, eux, sur la base du rolling shutter (le global shutter lit ainsi toute la surface du capteur en une fois, quand le rolling shutter lit ligne par ligne, ce qui peut entraîner des décalages verticaux sur les sujets mobiles).
« Cet obturateur électronique nous a permis d’éviter d’avoir à intégrer un obturateur mécanique », raconte David Barth. De quoi limiter le risque de panne mécanique… et limiter les coûts de développement et de fabrication. « Il n’y a plus qu’une entreprise qui commercialise les obturateurs mécaniques et non seulement c’est un coût supplémentaire à l’achat, mais en plus c’est un casse-tête mécanique pour maintenir un bon niveau de précision quand on l’intègre dans l’appareil ». De la simplicité, Pixii en avait bien besoin, parce que la petite entreprise s’est heurtée, lors du développement, à un défi majeur : développer un télémètre.
Un télémètre parti de zéro
Qui fabrique encore des télémètres optiques pour la photo de nos jours? « Mis à part Leica – qui ne les vend pas à d’autres – aucune entreprise ne produit plus de télémètres pour appareils photo », explique David Barth. Cosina qui fabriquait ses Voigtänder, les Ikon de Zeiss et feu les RD1 et RD1x (numériques !) d’Epson, a jeté l’éponge lorsque la marque a arrêté de produire des boîtiers et la seule option d’achat était « de faire appel à des spécialistes suisses de l’optique, ce qui aurait été hors de prix. Notre seule option était d’apprendre à faire un télémètre nous-même ! ». Et ici intervient le choix d’implantation géographique de Pixii : Besançon est le fleuron de l’horlogerie française.
Pour l’heure, ce premier prototype n’offre pas encore le même niveau de qualité qu’un Leica – logique ! – mais le travail réalisé est déjà impressionnant avec des cadres de visée bien visibles. Puisqu’il n’y a pas d’obturateur mécanique, l’appareil émet un léger bruit quand il déclenche et une disparition temporaire du cadre marque que la photo a été prise. Il reste encore à peaufiner la stabilité du firmware – il est arrivé que le cadre ne s’efface pas – mais l’appareil est déjà très agréable à utiliser… pour qui aime la visée télémétrique qui est, rappelons-le, à mise au point uniquement manuelle !
Superbe objet
Qu’on l’aime ou pas, il faut reconnaître que le style très industriel du Pixii, est réussi. Son design est encore plus monobloc qu’un Leica et renforce le côté « iconique ». S’il faudra évaluer les placements, le toucher et l’opérabilité des commandes du point de vue ergonomique, au niveau du look, c’est du très bon boulot. Et cela rappelle un peu la philosophie Apple. Pour la petite anecdote, le numéro de code temporaire du Pixii est A1112. Et David Barth d’expliquer que ce numéro est un hommage au « premier iPod shuffle, qui était le premier iPod d’Apple dépourvu d’écran ». Comme le Pixii.
L’aspect monolithique de l’appareil est aussi agréable au toucher, ne serait-ce que du point de vue de la solidité ressentie : le froid et la rigidité de l’aluminium inspire confiance. On déplore cependant que le design épuré à l’extrême ait limité les grips à leur plus simple expression : rien devant et un minuscule repose-pouce à l’arrière… qui n’est rien d’autre que la prise Micro USB !
Le « half-case », ce demi étui qui rajoute du grip et protège le bas de l’appareil semble bien être un accessoire absolument nécessaire pour ceux qui utiliseront l’appareil de manière intensive. Notons au passage le choix pertinent de Pixii de ne pas développer sa propre batterie mais de s’appuyer sur la Sony NP-FW50, la même qui est au coeur des Alpha 7 de génération Mark I et Mark II, comme l’A7R Mark II : les batteries compatibles de ce modèle sont en effet dénichables aux alentours de 15 euros, ce qui réduira bien la facture d’usage.
Beau et bien construit dans cette version prototype, le Pixii n’est donc pas un énième projet fantôme mais un vrai produit fini qui ne demande qu’un peu de polissage avant de passer son vrai baptême du feu : le test complet et donc celui, critique, de la qualité d’image. Rendez-vous en décembre !
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