Directeur en charge du projet Xbox Series X, ou director of Program Management for Xbox Series X, si vous préférez la version originale. Derrière ce titre, qui dit toute la complexité de l’organisation d’un géant comme Microsoft mais assez peu des enjeux de cette charge, on trouve Jason Ronald. Un ingénieur, en réalité, l’un des géniteurs de la Xbox Series X. C’est cet homme aux faux-airs de Gandalf que nous avons eu l’occasion d’interviewer.
L’occasion de revenir sur le travail que son équipe et lui ont réalisé. Ils ont en effet été chargés d’écrire et de mettre en musique toute la partition technique de la prochaine console de jeux vidéo de Microsoft. Leur but premier était d’optimiser au maximum les composants fournis pour une large partie par AMD et de créer un environnement propice aux développements de titres qui nous en mettront plein les yeux.
Côté composants, on parle bien sûr de l’élaboration de toutes les facettes du processeur, du besoin vital de lui adjoindre la mémoire idoine, sans oublier de parler de la conception et du maillage des modules SSD avec le reste de la plate-forme.
Sur le versant logiciel, nous l’avons surtout entrepris sur la question de la Velocity Architecture. Pour faire simple, c’est le nom donné à la sauce secrète de Microsoft sur cette nouvelle génération. Elle repose à la fois sur le matériel (le SSD et la mémoire vive) mais aussi sur toute une couche logicielle. Cette technologie va, par exemple, accélérer l’exécution des jeux, faciliter la reprise immédiate d’une ou plusieurs parties ou permettre de ne pouvoir installer que certaines parties du jeu (le multi, le solo, les deux).
Bien que Jason Ronald se soit refusé à commenter ou même à nous donner quelques indices sur la teneur de la conférence 20/20 qui aura lieu le 23 juillet prochain, il a quand même pu répondre à bon nombre de nos questions, sous l’étroite surveillance des porte-parole de Microsoft.
La forme indissociable du fond
01net.com : Le boîtier de la Xbox Series X s’inspire grandement de celui d’un mini PC. Vous avez séparé la carte mère de la console en deux parties bien distinctes. Comme c’est parfois le cas à l’intérieur des PC portables. Pourquoi avoir fait ces choix ?
Ce morcellement s’explique tout d’abord parce qu’il n’y a que comme cela que l’on peut isoler ce qui chauffe beaucoup naturellement (l’APU, la mémoire), ou serait au moins amené à dégager beaucoup de chaleur régulièrement, de ce qui chauffe moins.
Une fois cette décision prise, nous avons pu travailler sur un système de refroidissement qui puisse être à la fois compact, performant et silencieux. Un gros radiateur en contact avec plusieurs composants clés, une conception interne qui permet à l’air de bien transiter et, enfin, une expulsion efficace par le ventilateur au sommet.
Nous avons « optimisé » nos composants afin de répondre (aussi) à nos ambitions en matière de design. Nous voulions produire une console qui prenne le moins de place possible dès le départ.
Nous avions réalisé de belles prouesses d’intégration et de miniaturisation entre la Xbox One et la One S. Puis entre la One S et la One X. Nous avons donc continué sur notre lancée.
D’ailleurs, bien que nous présentions la Xbox Series X dressée fière et droite, elle peut aussi être disposée à l’horizontale. Cela n’a aucune incidence sur la manière dont circule l’air ou le comportement du système de refroidissement. Moi je préfère la position verticale, mais beaucoup dans l’équipe de développement la couche sur leur espace de travail.
Le GPU et les technos graphiques
Après cette mise au point sur la forme, le fond. La Xbox Series X est, selon vos propres mots, capable de prendre en charge le ray tracing nativement et de façon matérielle.
À ce jour, il n’y a que Nvidia qui le propose officiellement sur les cartes graphiques RTX pour PC. AMD a laissé sous-entendre que l’architecture RDNA 2/Navi des prochaines cartes serait taillée pour le ray tracing mais rien n’a filtré depuis. Quelle est donc cette recette miracle et secrète ?
La Series X est la première console de la famille à prendre en charge le ray tracing au niveau hardware, je le répète et je le confirme. C’est, comme nous l’avons déjà évoqué, grâce à l’architecture graphique RDNA 2 d’AMD que cela est rendu possible. Je ne peux pas vous détailler comment tout cela fonctionne, malheureusement. Ni même vous mettre sur une quelconque piste. [NDLR : Nous avons demandé à Jason si les unités pour le ray tracing étaient dédiées comme sur les RTX ou si elles étaient de type hybride : opération classique et RT).
En tout cas, ce que je peux vous dire, c’est que cette prise en charge est bien entendu épaulée par des outils logiciels, accessibles aux développeurs, et à utiliser comme bon leur semble. Nos ingénieurs ont réussi un tour de force, c’est maintenant aux créateurs de jeu de savoir si oui ou non ils souhaitent l’exploiter pour leur jeu. C’est eux qui choisissent.
Notre collaboration avec AMD sur la One et la One X s’est bien passée. Donc, nous avons décidé de refaire appel à eux pour la puce de la Series X. Tout en intégrant nos technologies maison, comme la version spéciale de DirectX dédiée à de nouvelles technologiques graphiques comme le ray tracing, ou encore le VRS ou le Mesh Shading (voir ci-dessous).
À lire aussi – DirectX 12 Ultimate : Microsoft, Nvidia et AMD unissent consoles et PC pour apporter le meilleur aux jeux
Ensemble, nous avons créé une console qui, dans cinq ou sept ans, sera assez puissante et répondra toujours aux besoins des développeurs afin que ces derniers puissent créer des jeux totalement fous pour nos joueurs.
De la Full HD à la 8K
Que peut-on attendre de la Xbox Series X en matière de définition, débit d’image et surtout quelles sont les technologies graphiques et d’affichage prises en charge pour permettre à la puce d’afficher jusqu’à 60 ips en 4K ? Voire de la 8K ?
Là encore, ce sont les développeurs qui ont les clés en main. Notre plate-forme est capable de générer 120 images par seconde en Full HD, et de s’y tenir. Atteindre et rester à 60 images par seconde en 4K est aussi une possibilité offerte par les composants AMD de notre console. Nativement.
Aller plus loin ? Oui, c’est aussi possible en utilisant les technologies graphiques qui sont de plus en plus communes dans le monde du développement. Je peux, par exemple – vous dire que la Xbox Series X prend en charge le VRS (Variable Rate Shading) qui permet à un développeur d’allouer plus de puissance de calcul graphique pour rendre moins visible tel élément plutôt que tel autre. Il sera alors un peu moins bien défini à un instant T. Ou encore le Mesh Shading qui permet de multiplier le nombre d’éléments « simples » à l’écran, en faisant appel à des ressources propres de la puce.
La console prend aussi en charge le Super Sampling, comme la Xbox One X, ou encore le Dynamic Resolution Scaling qui, comme son nom l’indique permet à un développeur d’indiquer à la console quand et si elle peut réduire un peu la taille de l’image à un instant T pour maintenir un nombre optimal d’images par seconde.
D’ailleurs, il n’est pas impossible que certains jeux proposent dans leurs options plusieurs niveaux de performances et de rendus. Cela permettrait par exemple d’activer ou non le ray tracing. Ou de limiter la définition de l’image et, ainsi, de favoriser la vitesse d’affichage. On peut tout imaginer, nous avons conçu une console qui comblera tous les besoins des développeurs.
Le SSD, l’un des nerfs de la guerre
La guerre des consoles next-gen va se mener sur beaucoup de terrains dont le stockage. Non seulement sur la vitesse mais aussi la possibilité de l’augmenter a posteriori. À part les modules externes, quelles sont les options offertes par la Xbox Series X ?
Nous n’avons rien annoncé sur la possibilité d’augmenter la capacité de stockage interne de la console. Mais comme vous le rappelez, des extensions de stockage externes seront disponibles à la sortie de la console. Nous les avons conçues avec Seagate et elles proposent des vitesses de transfert qui permettent par exemple au jeu proposant la Velocity Architecture de tourner de la même façon que s’ils étaient installés sur le SSD interne de la console.
Vous pourrez aussi brancher un disque dur externe à la console sur lequel des jeux de génération précédente seraient installés.
Concentrons-nous un peu plus sur le « Quick Resume ». On en connaît les grandes applications, mais son mécanisme demeure un peu opaque. Est-il possible d’en savoir un peu plus sans trahir de secrets des dieux ?
Quick Resume fait partie de notre technologie Velocity Architecture. Nous en avons déjà pas mal parlé lors de nos précédentes annonces et nous serons amenés à le refaire avant le lancement de la console. Aussi, je ne vais pas pouvoir répondre de façon complète à votre question. Sachez toutefois que c’est en associant les capacités de l’OS et les possibilités offertes par la Velocity Architecture [NDLR : et celles du SSD] que vous pourrez lancer plusieurs jeux en même temps, et passer d’une partie à l’autre, le plus rapidement et naturellement possible, et la reprendre là où vous l’avez précisément laissée.
Pour faire très simple, c’est un peu comme si nous faisions une photo instantanée de votre progression, que nous faisions un beau pliage de la photo pour ne pas la déformer, et que nous la placions dans un tiroir facile d’accès – le SSD. De la sorte, elle peut être ressortie et « dépliée » rapidement, à tout moment.
Ce qui est fort, c’est que cela fonctionne même si vous avez été obligé de redémarrer la console complètement suite à une mise à jour ou parce qu’elle était passée en veille.
L’avenir de l’écosystème Xbox se lit aussi dans les cieux
Le cloud a toujours été plus ou moins dans le paysage chez Microsoft. Même du temps de la Xbox One. Beaucoup de promesses ont été faites et de perspectives tracées, mais nous n’avons jamais vu d’interaction concrète entre l’actuelle One et le cloud.
Quid pour la Xbox Series X ? Va-t-elle être clairement orientée Cloud gaming ou va-t-elle pouvoir être utilisée pour partager de la puissance de calcul à quelque niveau que ce soit ?
Il faut comprendre que la Xbox Series X est une partie de l’écosystème jeu. Tout comme le xCloud. D’ailleurs, notre vision à long terme pour notre projet de cloud gaming a joué un rôle dans la façon dont nous avons pensé et conçu la console et sa manière d’évoluer dans notre environnement.
Le SoC AMD de notre console, notre solution logicielle mais aussi les outils de développement que nous mettons à disposition permettront aux artistes 3D de faire la transition vers le cloud quand viendra le moment. Et s’ils le souhaitent bien entendu.
Mais pour le moment, je ne peux pas vous en dire plus, l’année 2020 bat encore son plein.
La rétrocompatibilité : Microsoft et Sony luttent pied-à-pied
Terminons par la rétrocompatibilité, encore un champ de bataille sur lequel Sony et vous vous affrontez. Comment les vieux jeux vont-ils se comporter une fois lancés sur la Xbox Series X ? La console virtualise-t-elle une plate-forme identique à celle qui servait initialement à faire tourner le jeu ? Les titres peuvent-ils tourner à plein ou doivent-ils être nécessairement optimisés ?
Les jeux rétrocompatibles sont actuellement jouables sur la Xbox One X, vous le savez. Ils le seront également sur la Series X. C’est en partie grâce au fait que nous ayons conçu une puce très puissante en collaboration avec AMD, comme sur nos autres consoles. Sur la Xbox Series X, les anciens jeux pourront tourner à plein, parfois même mieux que sur les consoles pour lesquels ils ont été développés au départ, sans même avoir été optimisés spécialement pour la plate-forme.
À découvrir aussi : Notre dossier complet sur la Sony PlayStation 5
Ils pourront l’être, c’est aux développeurs d’en décider, et ainsi profiter d’améliorations graphiques ou de davantage de fluidité d’affichage. Les développeurs pourront aussi décider de les rendre compatibles avec le Smart Delivery par exemple. Ou encore de leur faire profiter du Auto HDR que nous avons annoncé il y a peu et qui permet, pour rappel, d’appliquer un traitement HDR même sur des jeux qui ne sont pas compatibles nativement avec cette technologie.
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.