Quelque 3,5 milliards d’euros. C’est le montant des économies attendues par le ministre de la Santé avec le
projet de coordination des soins entre hôpitaux et acteurs privés de la santé. Un chiffre sérieusement ‘ contestable ‘, selon Jean Dionis du Séjour, député du Lot-et-Garonne
et auteur du rapport NTIC et systèmes de santé, tant la liste des points à préciser reste impressionnante.Quelles données seront stockées dans le dossier médical personnel (DMP) ? Le patient pourra-t-il supprimer certaines d’entre elles ? Qui fera vivre le dossier de chaque patient ? La gestion du DMP est évaluée à
10 euros par patient et par an, mais quid des coûts d’assistance téléphonique pour le médecin ou le patient ? Etc.Avant de déterminer le montant des économies potentielles, les professionnels attendent donc de connaître les spécifications précises du cahier des charges du dossier médical. ‘ Nous sommes imbriqués dans une analyse
systémique, où il reste difficile d’isoler le DMP des mécanismes du type annuaire ou messagerie, qui conditionnent le nouveau système de santé ‘, explique Franck Droin, patron du cabinet de conseil Kadris, spécialiste des
assurances maladie et complémentaires.Et, de toute façon, la coordination des soins ne générera pas immédiatement, et à elle seule, un quelconque retour sur investissement. Il faudra transformer les méthodes d’évaluation de la prise en charge des patients, en ville
comme à l’hôpital.
Une réforme attendue depuis plusieurs décennies
Préparé puis lancé par les deux derniers ministres de la Santé, et désormais inscrit dans la loi du 13 août 2004 sur l’assurance maladie, le DMP constitue le socle du futur système d’information de santé.
‘ On passe de l’incitation à l’obligation ‘, traduit Yannick Motel, délégué général de la fédération Lesiss, qui regroupe la plupart des professionnels de la santé.Un enjeu dont l’urgence se mesure néanmoins au nombre de conférences qui lui seront consacrées du 15 au 18 mars prochain, dans le cadre des salons Medec et Informedica, qui se tiendront au Palais des Congrès et à la Porte
Maillot, à Paris.Concrètement, à partir de la mi-2007, le DMP devrait favoriser la communication entre les systèmes d’information des établissements hospitaliers publics et des cliniques privées avec celui de l’assurance maladie, ceux des
réseaux de santé (organisés autour d’une pathologie) et ceux des libéraux, à commencer par les médecins de ville.‘ Des catégories professionnelles, tel les cancérologues, ont déjà développé une culture de partage des informations médicales, et font figure de pionnières, précise Dominique Le Halle, journaliste spécialiste
de la santé et animatrice des conférences d’Informedica. Aujourd’hui, on assiste toutefois à un changement de mentalité. ‘ Pour sa part, Jean Dionis du Séjour considère cette date de 2007 comme une simple
‘ échéance de mobilisation ‘, le chantier risquant de durer plus longtemps que prévu.Il n’empêche, en dépit des retards, la machine est lancée. Ce dont, d’ailleurs, se félicitent la majorité des professionnels de la santé, la fédération Lesiss en tête. Ainsi, le ministre a nommé l’équipe de maîtrise
d’ouvrage.Sous la forme d’un GIP, elle sera pilotée par Dominique Coudreau, ancien directeur général de la Cnam et directeur de l’Agence régionale d’hospitalisation d’Ile-de-France. Ce dernier s’appuiera sur
Pierre Bivas, ancien conseiller technique de Hervé Gaymard et de Jacques Barrot, et sur Jacques Beer-Gabel, successivement DSI au ministère de la Santé, chez Rhône-Poulenc et à la Société générale. L’arrêté concernant la mission DMP devrait
bientôt paraître au Journal officiel.
Déposé chez un hébergeur agréé
Pour l’instant, la loi indique seulement que le DMP se situera physiquement chez un hébergeur internet agréé, et qu’il appartiendra au patient. Les conditions et autorisations d’accès aux données personnelles
seront précisées par décret, après avis de la Cnil. Mais on sait qu’il se présentera sous la forme d’un entrepôt de données placé dans un coffre-fort électronique, et qu’il sera alimenté par l’ensemble des
acteurs.Le DMP devrait donc aider les organismes de santé à économiser des frais d’archivage (historique médical, analyses, radios, etc.), mais aussi à éviter les pertes ou détériorations de données, tout en facilitant la recherche dans
les divers documents.Les gains ne seront donc pas seulement financiers : ‘ En garantissant la traçabilité des données, le DMP informatisé évitera au patient les examens redondants, explique Didier Guidoni, associé chez Ineum
Consulting. Depuis le PMSI [programme de médicalisation des systèmes d’information, NDLR], la plupart des hôpitaux disposent d’une informatique médicale codée, mais pas encore d’un véritable
dossier médical. Ils devront donc investir un peu moins dans les murs et davantage dans les systèmes d’information. ‘ Ces derniers représentant, selon le consultant, seulement 1,5 et 3 % de leur budget en France, contre 5
à 6 % dans les pays anglo-saxons.
Pas de refonte des systèmes d’information existants
Un travail coûteux en ressources humaines va donc s’engager dans les établissements de santé, afin d’organiser le circuit d’information du DMP. Il faudra, au minimum, coordonner les autorisations d’accès au
dossier et mettre en place les procédures de sécurité, selon Michel Feugas, directeur adjoint du groupement pour la modernisation du système d’information hospitalier (GMSIH).Techniquement, les pouvoirs publics n’ont pas opté pour la refonte des équipements existants, envisageant plutôt l’interopérabilité des systèmes d’information des différents acteurs du DMP, ainsi que l’avait
demandée la fédération Lesiss. L’absence de cahier des charges n’empêche donc pas les groupes de travail de normalisation de s’activer pour structurer l’information médicale. Edisanté et la Cnamts travaillent de concert
sur un protocole baptisé XDS, capable de gérer les flux entrants de documents médicaux dans le DMP.
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