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Européennes : les programmes numériques des partis politiques passés au crible

Les partis politiques se sont tous emparés du numérique… avec des nuances. Une étude de Renaissance Numérique a scruté les propositions de six partis français.

Les élections européennes passionnent peu. Et pourtant ! Les enjeux pour le numérique sont extrêmement sensibles. Depuis les révélations d’Edward Snowden, les pays d’Europe ont pris conscience de l’importance de ces sujets qui ont des répercussions directes sur l’innovation, la culture, l’emploi, l’éducation, l’économie, la neutralité et les libertés civiles. Et ce n’est qu’un début : demain, il faudra aussi s’attaquer aux données de santé qui seront générées par des milliards d’objets connectés qui entrent dans notre quotidien.

Pour résumer, l’Europe cherche à se réapproprier une souveraineté qui lui échappe sur un Internet dominé pas les Américains en général et par les géants de l’Internet en particulier. Elle veut redéfinir une gouvernance. Sont en jeu différents accords d’échanges de données, comme les accords Swift et Harbour sur la finance, le commerce, et les données des passagers aériens. Déjà l’an dernier, le parlement européen a rejeté un traité anticontrefaçon en raison de préoccupations sur la vie privée et la liberté sur Internet.

Sur ces thèmes, comment se positionnent les différents partis, quelle que soit leur vision de l’Europe ? Si la plupart des partis semblent s’accorder sur les grands dossiers (très haut débit, 4G, innovation, fiscalité…), ils proposent des nuances en fonction de leur sensibilité politique.

Pour y voir clair, le Think Tank Renaissance Numérique et la revue Contexte ont scruté les programmes de six partis : le PS, les centristes, l’UMP, EELV, le Front de Gauche et le Front National. 01Net s’est permis d’y apporter son éclairage.

Notre dossier spécial élections européennes.

Le Parti Socialiste veut une Europe Numérique

Pour le PS, il est temps de construire une Europe du numérique. C’est un enjeu majeur pour l’innovation, la croissance et l’emploi. Mais c’est aussi un sujet essentiel aussi « du point de vue stratégique et industriel, tant la dépendance vis-à-vis de l’extérieur est importante dans ce domaine. »

Le Parti Socialiste estime que « l’Europe doit viser une meilleure autonomie en matière de technologies, d’infrastructures, de réseaux, mais également de production de services. » Le message est clairement adressé aux Américains.

En terme d’infrastructures, ce programme propose un cadre réglementaire pour « accélérer le développement de nouvelles technologies telles que la 4G », le Cloud ou le Big Data.

Quant au haut débit, les socialistes notent que « les réseaux existants en matière de télécommunications arrivent en fin de vie dans de nombreux pays européens. Il faut équiper l’ensemble de notre continent de l’Internet à haut débit. » Ils affirment que « des centaines de milliards d’euros [seront] nécessaires sur les deux prochaines décennies pour câbler toute l’Union européenne. »

Pour Renaissance Numérique, cette ambition dans le haut-débit, qui est un thème traité à l’Europe par la commission ITRE, montre une volonté de se démarquer des États-Unis, dont la surpuissance numérique, inquiète les Européens. Le PS demande d’ailleurs la suspension des accords Swift (transfert des données bancaires) et Harbour (transferts de données commerciales).

Enfin, le PS demande que les Européens puissent défendre leur droit dans les tribunaux américains en cas de litige avec une entreprise américaine. Ce rêve européen risque, s’il se réalise, devenir le cauchemar des Américains.

Le programme du Parti Socialiste.

Alliance Centriste (UDI/Modem) veut une agence européenne de cyberdéfense

Si globalement les centristes de l’UDI et du Modem partagent les mêmes objectifs sur l’économie, la fiscalité et l’innovation, le point central de leur programme repose sur la cyberdéfense.

Ils ont rédigé 65 propositions générales dont la 51e demande la création d’une « agence européenne de cyberdéfense » qui sera « gardienne de la souveraineté européenne sur son cyberespace ». Le G29, groupe des Cnil européennes, verra son rôle renforcé. Ainsi, le G29 « sera chargé d’assurer la neutralité et la confidentialité d’Internet. Il s’assurera que les accords passés, notamment avec les États-Unis, n’aillent pas à l’encontre des principes de respect de la vie privée et des droits fondamentaux du citoyen européen. »

Le programme de l’Alliance Centriste.

UMP : une stratégie pour les contenus culturels

Pour l’UMP, l’axe central du numérique repose sur la protection des contenus culturels. Le parti présidé par Jean-François Copé propose la création d’un « espace européen de la culture » pour promouvoir la diversité culturelle et linguistique.

La protection des ayants-droits reste le domaine de prédilection de l’UMP. Le parti de droite propose de réduire la fiscalité et le taux de la TVA pour les biens culturels physiques ou numériques.

Sur ce point, Renaissance Numérique fait remarquer qu’une réforme européenne est programmée après les élections. Idem pour « le droit d’auteur [qui] devrait être réformé dans les années à venir, pour l’adapter au développement du numérique. »

Le programme de l’UMP.

« Europe Ecologie Les Verts » veut un « habeas corpus » de l’Internet

Les droits de l’eCitoyen sont la colonne vertébrale du projet du groupe EELV. Rejoignant la proposition faite par le député européen travailliste britannique Claude Moraes après les révélations d’Edward Snowden, il demande la création d’un « habeas corpus » des droits du numérique.

À l’instar du code de bonne conduite inventé par les Britanniques au XVIIe siècle, ce programme vise à mettre l’ensemble des citoyens européens sur un pied d’égalité. Il intègre dans ce texte la neutralité du Net, le droit à l’oubli, la protection des données personnelles, mais aussi la fin des traités Swift et Harbour sur le transfert des données bancaires et commerciales.

Sur la neutralité, EELV « s’oppose à la censure de contenus par les entreprises comme Facebook ou Twitter, de façon arbitraire, sans décision de justice. » Cette proposition se détache de l’arrêt récemment rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne qui, dans récente une affaire sur le droit à l’oubli, confie aux moteurs de recherche la responsabilité de déréférencer des contenus.

Le programme EELV.

Front de Gauche : rompre avec les Américains !

Dans son programme de six pages intitulé « Rompre et refonder l’Europe », le Front de Gauche demande la rupture avec une Europe dépendante des intérêts géostratégiques américains. Ce programme évoque de nombreux sujets, dont ceux du numérique, dans un texte court qui propose de mettre « en échec les accords qui livrent les données personnelles des citoyens européens au gouvernement des États-Unis sous couvert de lutte contre le terrorisme. »

Il veut l’abrogation de « l’accord des données sur les passagers aériens européens qui se rendent aux USA ou les survolent ainsi que l’accord SWIFT qui donne accès aux données bancaires des citoyens européens. » L’accord Harbour n’est pas mentionné, mais il serait surprenant que le Front de Gauche le soutienne.

Le programme du Front de Gauche.

Le Front National défend le droit d’asile? numérique

Comme d’autres partis politiques, le FN soutient le droit à l’oubli et refuse le traité transatlantique.

Par contre, il plaide, comme le Parti Pirate (les autres ne l’évoquent pas dans leur programme), pour accorder le droit d’asile aux lanceurs d’alerte et aux cybermilitants engagés dans la défense des libertés, comme Edward Snowden.

Le programme du FN.

– Retrouvez l’intégralité de notre dossier sur les Européennes 2014.

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Pascal Samama