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Européennes 2024 : que proposent les candidats en termes de protection des droits sur le Web ?

Après un premier volet général sur les programmes des candidats aux Européennes, voici le deuxième épisode de notre couverture sur ces élections. Cette semaine, nous nous sommes demandé ce que proposaient les candidats en termes de protection des droits dans l’espace numérique.

Données personnelles, protection des mineurs, vie privée renforcée… Après un premier volet général sur les programmes des candidats aux Européennes en matière numérique, 01net.com se penche, dans ce deuxième article, sur une thématique particulière : la protection des droits sur le Web. Les candidats aux élections européennes, qui auront lieu le 9 juin prochain, proposent-ils de mettre fin au suivi de nos faits et gestes sur internet, à des fins publicitaires ? De davantage protéger les mineurs utilisateurs des réseaux sociaux ? Souhaitent-ils contraindre les messageries chiffrées comme WhatsApp à scanner nos messages, pour lutter contre la pédopornographie ?

Pour la majorité des 38 listes en lice, le numérique est à peine – voire pas du tout – évoqué. Cette fois, nous nous sommes concentrés sur tous les partis qui proposent des mesures en la matière, qu’importe les intentions de vote. Si l’on a noté des thèmes communs comme l’IA et la protection des mineurs, les approches diffèrent.

Beaucoup de protection des mineurs

Commençons par la proposition défendue par le plus de candidats : la protection des mineurs face aux réseaux sociaux. Cela est loin d’être une surprise : ces derniers mois, les affaires et débats liés à la santé mentale des adolescents, au cyberharcèlement ou à l’influence des grandes plateformes se sont multipliés.

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La protection des mineurs fait partie des listes défendues par la majorité présidentielle et ses alliés (« Besoin d’Europe ») et par les Républicains (« La droite pour faire entendre la voix de la France en Europe »). Pour ces derniers, il faudrait « créer une majorité numérique européenne à 15 ans » – et donc calquer l’obligation comprise dans la toute juste promulguée loi pour sécuriser l’espace numérique (SREN) dans la législation européenne.

Côté Renaissance et la liste menée par Valérie Hayer, même son de cloche. En sus d’un « contrôle parental par défaut sur les mobiles », le parti de la majorité présidentielle souhaite « mieux protéger nos enfants avec la majorité numérique à 15 ans sur les réseaux sociaux ». Il prône aussi « la vérification systématique de l’âge pour l’accès aux sites internet interdits aux mineurs », au niveau européen. Dans la loi franco-française SREN, une mesure de vérification d’âge pour les sites pornographiques est déjà prévue, mais sa mise en œuvre reste complexe, comme nous vous l’expliquions dans cet article. L’Arcom, dans son projet de référentiel publié en avril dernier, a précisé que cette vérification passerait, pour les six premiers mois, par la présentation d’une carte bancaire. Pour la suite, chaque site devrait mettre en place des vérifications d’âge basées sur le « double anonymat ».

À l’opposé de cette idée, le parti pirate souhaite, quant à lui, « défendre le droit de communiquer anonymement contre les politiques de vérification obligatoire de l’âge ». La liste défendue par Caroline Zorn (tête de liste) et Pierre Beyssac (n°2) prône plus largement un « droit à la confidentialité des données numériques contre les politiques qui, de manière générale et sans discernement, recherchent automatiquement des contenus suspects dans les chats privés, les messages, les courriels ou les photos (Chat Control) ». Par là même, les pirates se prononcent donc contre le projet de règlement européen CSAR (pour « Child Sexual Abuse Regulation ») – qu’ils sont d’ailleurs les seuls à évoquer. Le texte envisage d’imposer aux messageries chiffrées le scan de nos conversations aux fins de détection de contenus pédopornographiques (voir notre article) – ce qui reviendrait, pour des spécialistes, à mettre fin au chiffrement des conversations.

Côté LFI (liste « La France insoumise – union populaire »), les Insoumis veulent de manière générale « renforcer les dispositions des règlements sur les services numériques pour mieux encadrer l’activité des GAFAM et garantir la protection des citoyens ». Ils militent aussi pour inciter les 27 pays de l’UE à réguler les « coffres à butin » payants (« loot boxes ») des jeux vidéos comme des jeux d’argent — des loot boxes souvent acquises par les mineurs. Pour des associations de défense des consommateurs, ces coffres à butin peuvent développer une addiction au gain : ils constituent un danger pour les mineurs, danger qui a poussé certains pays européens à les interdire.

À noter que la liste d’extrême droite de Marion Maréchal Le Pen et d’Eric Zemmour, Reconquête (« la France Fière »), estime que « les trois fléaux majeurs qui menacent la santé mentale et physique de la jeunesse européenne » sont « les drogues, l’addiction aux écrans et l’exposition à la pornographie ». Ce parti propose de « mettre en œuvre une grande campagne européenne de prévention », sans donner davantage de précision.

Lutte contre le cyberharcèlement

À côté de la protection des mineurs, des partis ont aussi inscrit dans leur programme la lutte contre le cyberharcèlement, à l’image de Place publique – PS. La liste menée par Raphaël Glucksmann (« Réveiller l’Europe ») défend de manière générale une « régulation de l’espace numérique et des réseaux sociaux pour lutter contre le cyberharcèlement, les pratiques abusives, la manipulation de l’information et les ingérences étrangères en ligne ».

Si aucune mesure concrète n’est listée, Europe Territoires Écologies, une coalition dont fait partie le parti transnational Volt, prône de son côté la création d’un « fonds européen pour lutter contre les violences faites aux femmes, y compris les violences numériques ». La liste Gauche unie – parti communiste souhaite, quant à elle, « réviser la directive sur la lutte contre les violences à l’égard des femmes (…) y compris ses dispositions sur l’exploitation sexuelle et la cyberviolence à l’égard des femmes ».

Pas mal de mesures liées à l’IA

Sans surprise, la frénésie autour de l’IA n’a pas non plus échappé à certains partis politiques, qui lui ont réservé quelques propositions.

Volet sécuritaire

On trouve ainsi chez LFI tout un volet sécuritaire mis en avant. Le parti de Jean-Muc Mélenchon défend une interdiction « des identifications biométriques et les technologies répressives » — la biométrie étant définie par la CNIL comme étant « l’ensemble des techniques informatiques permettant de reconnaître automatiquement un individu à partir de ses caractéristiques physiques, biologiques, voire comportementales ». En France, l’expérimentation de la VSA, la vidéosurveillance dopée à l’IA, qui consiste à identifier dans une foule des événements enregistrés, a été très critiquée par des associations de défense des droits comme étant un véritable danger pour la vie privée. Elle a été autorisée à titre d’expérimentation jusqu’en mars 2025.

Le parti pirate soutient de son côté « les initiatives visant à interdire l’utilisation de systèmes d’armes autonomes létaux dans les guerres cinétiques et numériques ».

Impacts sociaux

Côté liste du parti communiste (« Gauche unie pour le monde du travail, soutenue par Fabien Roussel »), l’approche diffère. Les communistes ont axé leurs propositions en se basant sur l’impact de l’IA sur la société et l’emploi. Il faut « mettre en place des garde-fous démocratiques permettant d’assurer leur déploiement utile à la société et la maîtrise de leurs effets potentiellement destructeurs, notamment en termes d’emplois », plaide la liste menée par Léon Deffontaines.

Les communistes militent aussi pour développer « les moyens publics de suivi et d’anticipation des impacts sociaux et environnementaux des technologies numériques ». Ils mettent enfin en avant la nécessaire « formation des professionnelles et professionnels sur ces questions ».

La lutte contre les biais discriminatoires

Dernier volet défendu par certains partis en matière d’IA, la lutte contre les biais discriminatoires des IA génératives. Ces outils qui permettent de générer du code, du texte ou des images sont entraînés en majorité sur des données qui se trouvent sur le Web. Or, on sait que ces data sont, par exemple, biaisées en faveur des hommes. Et selon des experts, les IA vont avoir tendance à reproduire les stéréotypes de genre, voir à « surtyper la réalité ». Ce qui n’est pas sans conséquence sur les personnes discriminées.

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LFI souhaiterait aussi que soient adoptées des règles contre ces biais discriminatoires des intelligences artificielles. Même son de cloche chez Europe Territoires Écologie (dont fait partie Volt) qui défend la mise en place d’un « défenseur des droits européen pour développer des standards communs pour éviter les biais algorithmiques et garantir l’audit obligatoire des IA les plus sensibles pour empêcher les discriminations ».

Haro sur les données personnelles

Alors que ces derniers mois, le nouveau modèle Pay or consent de Meta a fait couler beaucoup d’encre, certaines listes s’attèlent à renforcer la vie privée sur le Web et à réduire la collecte et le suivi de nos données personnelles. C’est le cas du parti pirate qui plaide par exemple pour « interdire l’usage des données à caractère personnel à des fins de profilage dans des circonstances où il est possible de déterminer clairement le comportement et les attributs personnels des personnes ». Pour ce parti, il faut « assurer de manière absolue le droit au respect de sa vie privée, ce qui inclut le droit des individus à contrôler leurs informations personnelles et à ne pas faire l’objet d’une surveillance omniprésente ».

On retrouve chez Europe Territoires Écologie – dont fait partie Volt – l’idée de « renforcer la mise en œuvre du RGPD et sa supervision afin de garantir le droit fondamental à la vie privée ». Il faut aussi, expliquent-ils, « éduquer et sensibiliser à l’échelle européenne à la valeur des données à caractère personnel et aux méthodes de protection de ces données, car “on a tous quelque chose à cacher” ».

En ligne de mire, la liste vise à atténuer ce qu’on appelle parfois le « privacy paradoxe » : le fait d’être, en théorie, réticent à céder ses données personnelles, tout en les cédant, en pratique, à tout site Web lorsqu’on nous propose des politiques de confidentialité.

Haro sur le transfert de nos données

À côté du renforcement de la vie privée, les Insoumis prônent, de leur côté, le refus « de tout accord d’exfiltration de données personnelles et stratégiques en dehors de l’espace français et de l’Union européenne ». Par là même, la liste LFI menée par Manon Aubry vise les accords comme le DPF, le texte qui a pris la suite du Privacy Shield, et qui autorise les transferts de données des Européens vers les États-Unis.

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Nos data sont en effet souvent transférées dans d’autres pays pour y être traitées, avec parfois des problématiques de respect de la vie privée, comme c’est le cas pour les États-Unis. Des lois extraterritoriales (comme la loi Fisa) imposent aux entreprises américaines, dont font partie les géants du numérique (Google, Amazon, Meta, Microsoft…) de partager des informations avec les services secrets américains, s’ils le demandent. Ce y compris si les données proviennent de l’étranger (et donc d’Europe), qu’importe le pays de stockage ou de traitement.

Même son de cloche au parti pirate, qui « s’oppose à l’échange de données personnelles avec des pays qui ne disposent pas de garanties efficaces. De tels transferts ne peuvent être autorisés que dans des circonstances exceptionnelles, en cas d’urgence et sous réserve de garanties et de limitations appropriées ».

À l’extrême droite, le parti Reconquête de Marion Maréchal Le Pen défend une « relocalisation sur le sol européen des données numériques des sociétés et particuliers européens (construction et sécurisation de data centers assurant notre souveraineté dans ce domaine) ». La liste RN de Jordan Bardella évoque, quant à elle, un « cloud européen pour stocker nos données stratégiques », sans pour autant préciser s’il s’agit de données personnelles ou autres.

La possibilité de vendre nos données personnelles

À noter que les Républicains proposent d’établir «  à l’échelle de l’Union européenne un véritable droit de propriété sur nos données personnelles pour redonner de la maîtrise aux citoyens face à la domination des grandes entreprises américaines (GAFAM) et chinoises (TikTok) ». Cette mesure, qui reviendrait à pouvoir vendre nos données personnelles, va à l’encontre des modèles économiques des géants du numérique – dont le cœur du modèle repose sur l’exploitation (exclusive) de nos données personnelles.

Une exploitation que les GAFAM ne sont pas près de partager, comme le montre l’expérience de la start-up italienne Hoda. Cette dernière voulait proposer à ses abonnés de récupérer leurs données personnelles collectées par des géants numériques pour les traiter de manière « plus éthique » et rémunératrice. L’article 20 du RGPD prévoit en effet que tout citoyen européen puisse recevoir ses données de manière structurée et lisible, et qu’il puisse les transférer à qui il le souhaite. Mais la petite entreprise italienne a dû mener plusieurs batailles juridiques pour mettre fin à ce qu’elle considérait être comme « des obstacles » de Google, qui rendaient difficile le partage de ces données.

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Autre problème : la proposition des Républicains irait à l’encontre de la conception actuelle de la législation européenne et française. Cette dernière protège ces data au titre de la protection de la vie privée, à l’opposé d’une logique qui serait de vendre ces dernières.

Liberté d’expression contre censure sur le Web

À l’heure où TikTok a été bloqué en Nouvelle-Calédonie, certains partis politiques s’inquiètent d’une possible censure sur le Web. Pour l’éviter, le parti pirate milite pour « préserver une liberté d’expression sans restriction dans la mesure où elle n’empiète pas sur les droits et libertés d’autrui en limitant les restrictions qui ne doivent intervenir que dans des circonstances extrêmes ». Il s’inquiète aussi de la neutralité du Net qu’il faut « préserver en interdisant la restriction ou la priorisation basée sur la nature du contenu/service et en limitant les mesures de gestion du trafic pour des raisons techniques et appliquées de manière claire et transparente ».

Même topo chez LFI, qui souhaite « inscrire la neutralité du Net, c’est-à-dire l’accès égal de chacun et l’égalité de traitement, dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ». Côté liste communiste, le parti de Fabien Roussel propose aussi de « garantir la neutralité du Net au niveau continental ». On retrouve la même idée au sein de la liste Pace (parti des citoyens européens, pour l’armée européenne, pour l’Europe sociale, pour la planète) qui souhaite « garantir l’accès de tous les citoyens aux “biens communs” », dont « la neutralité du réseau ». 

À l’extrême droite, l’approche est différente : on évoque l’idée d’une censure sur les réseaux sociaux ou sur le Web qu’il faut combattre. Il faut « garantir la liberté d’expression la plus large possible, sans biais politiquement corrects qui servent souvent à déguiser la censure », plaide par exemple Reconquête, sans pour autant préciser ce que serait cette censure ou ces biais politiquement corrects. La liste Les Patriotes (Florian Philippot) prône de son côté la « défense de la liberté d’expression contre la censure des réseaux sociaux », sans plus de détails.

Les logiciels libres comme moyen de renforcer la vie privée

Un autre moyen de renforcer sa vie privée en ligne serait d’utiliser des logiciels libres et des données ouvertes, selon le parti pirate. Ces deux outils permettent de « contribuer, de manière significative, au renforcement de l’autonomie, de la souveraineté personnelle et de la vie privée de tous les utilisateurs et à la diffusion des connaissances », écrivent-ils. « Les logiciels libres, (des logiciels qui peuvent être utilisés, analysés, diffusés et modifiés par toutes et tous), sont essentiels pour permettre aux utilisateurs de conserver la maîtrise de leurs propres systèmes techniques », ajoutent-ils.

Accessibilité, lutte contre la fracture numérique

Un dernier thème commun à deux listes est à noter : la lutte contre la fracture numérique. Le parti pirate milite pour garantir l’accès à l’internet à haut débit à un prix abordable et dans des conditions favorables pour permettre aux personnes de participer aux affaires numériques. Il souhaite d’ailleurs « inclure le droit à la “participation numérique” dans la Charte européenne des droits fondamentaux ».

Place publique – PS milite aussi pour « lutter contre la fracture numérique », « en imposant que tout investissement privé dans le numérique s’accompagne de financements pour renforcer les infrastructures et services numériques dans les territoires ruraux ».

Défenseur des droits européen, éducation au numérique… les autres propositions des candidats

Restent les autres points relatifs aux droits numériques que nous n’évoquerons pas tous de manière exhaustive. Les Écologistes militent pour mettre en place « un Digital Green and Social Deal pour soutenir les organisations qui façonnent des services et produits numériques bons pour les humains et la planète (notamment dans les technologies bas carbone et à empreinte écologique minimale) ». Qu’est-ce qu’un numérique qui serait bon pour les humains et la planète ? EELV n’en dit pas plus.

Place publique-PS  veut, de son côté, « assurer l’éducation (…) au numérique partout en Europe », sans plus de précision. La liste de Raphaël Glucksmann  souhaite également « créer un “défenseur des droits” élu par le Parlement européen ». La proposition se retrouve aussi chez Volt, calquant une autorité administrative franco-française qui serait chargée de défendre les droits et libertés individuelles des 448 millions Européens, au niveau de l’UE.

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