« Voix de vieille pédale ! », « connard », « raciste », « ne répond jamais ce fdp [fils de pute, ndlr] »… On s’arrête là. Mais voici un petit aperçu des commentaires des standardistes d’Europe 1, stockés pendant près de vingt ans, à propos des auditeurs lorsqu’ils appelaient au standard.
C’est ce que pointe un rapport de la Cnil rédigé en 2017, révélé par Médiapart. Ce document resté confidentiel jusqu’à maintenant n’a entraîné aucune sanction.
Des commentaires « non adéquats » et « insultants »
L’enquête de la Cnil a démarré le 7 juillet 2016, alors que l’antenne est exceptionnellement délocalisée à Marseille. Les contrôleurs de l’instance indépendante chargée de la protection des libertés numériques cherche à savoir comment Europe 1 sélectionne les auditeurs qui passent en direct.
Par un échange de questions, les standardistes doivent « qualifier » l’appel. Les données recueillies sur l’auditeur sont alors enregistrées dans un logiciel de stockage de données appelé « Chamane ». En plus des renseignements classiques à remplir (nom, prénom, profession, numéro de téléphone, qualité d’élocution), une case spéciale dédiée aux « commentaires » interpelle la Cnil. Elle permet « aux standardistes de faire part de leur appréciation personnelle », selon le rapport.
483 fiches à caractère injurieux
Le hic c’est que des commentaires jugés -pudiquement- « non adéquats » et « insultants » par la Cnil complètent les fiches des auditeurs. Dans son rapport, la Cnil constate des remarques sur la santé : « Patrice séropositif », « plus alcoolique mes fesses ! », « arrêt maladie, traitement pour un cancer ». Mais aussi des notes à propos de l’origine ethnique ou sexuelle supposée : « accent juif tunisien, insistant et désagréable », « accent du Maghreb, pas toujours claire, bavarde, a besoin de parler de son cancer », « il est homo », « c’est un ancien hétéro, qui est devenu homo ».
Au total, « plus de 483 fiches contiennent des commentaires relatifs à la qualité des auditeurs ». Et les exemples sont aussi nombreux que violents : « gros con », « FACHO !!! », « raciste et mal aimable compare très finement les Arabes et les Chinois », « connard qui nous a déjà bien fait chier ».
Certes, il n’est pas proscrit de récolter des informations sur les auditeurs au motif qu’ils « sont amenés à prendre la parole à l’antenne, et où la station cherche à déterminer quelles interventions seraient susceptibles de valoriser le contenu des émissions », selon la Cnil. Toutefois, l’autorité indépendante qualifie ce fichage d’« excessif » et « contraire aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 ».
La législation française interdit formellement de récolter sans consentement des données à caractère personnel relatives à la santé ou à l’orientation sexuelle, ou qui font apparaître les origines raciales ou ethniques, ou encore les appartenances religieuses, sous peine d’amendes pouvant atteindre 1,5 million d’euros.
« Ni la direction de la radio ni les standardistes n’avaient connaissance de la conservation des données. La conservation des données sur une longue période provient d’une erreur technique. », rétorque Anne Fouconnier, la secrétaire générale d’Europe 1, interrogée par Mediapart.
Un « erreur technique » aujourd’hui « corrigée »
.@Mediapart révèle un rapport de la @CNIL mettant au jour, en 2017, des pratiques honteuses de fichage des auditeurs d’@europe1. La direction avait alors corrigé ces dérives inadmissibles. C’est dans le respect de nos auditeurs que nous dessinons chaque jour l’avenir d'@europe1.
— Laurent Guimier (@laurentguimier) February 24, 2019
La direction d’Europe 1 assure avoir nettoyé ses fichiers après le passage de la Cnil. Si 448 numéros étaient blacklistés en 2017, il ne resterait plus que cinq numéros interdits d’antenne. Le principe de la liste noire n’est pas hors la loi. Néanmoins elle est limitée dans le temps et la personne concernée doit en être informée pour être en mesure de la contester.
Mais ce n’est pas la première fois qu’Europe 1 est épinglé par la Cnil. En 2015, comme le rappelle Mediapart, l’entreprise avait été mise en demeure de respecter la réglementation en vigueur concernant le recueil de données. Saisie par un usager, l’autorité indépendante avait fait supprimer définitivement les données du plaignant.
Interrogé par le site d’Edwin Plenel, un membre de la commission estime qu’il s’agissait d’un problème de management :
« On est là pour accompagner les entreprises dans leur mise en conformité. Pas pour les pénaliser. […] Ce n’est pas comme si le recueil de données faisait partie de leur modèle économique. »
Source : Médiapart
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