Sur le papier, l’initiative EU-Student Vote a de quoi faire s’esbaudir tout inconditionnel de la démocratie électronique. Annoncée comme la première élection paneuropéenne sur Internet, EU-Student Vote souhaite emporter l’adhésion des étudiants européens, en leur proposant d’élire en ligne des représentants à un ” Conseil étudiant européen “. Ce groupe de pression, créé pour la circonstance, devrait par la suite défendre leurs intérêts auprès de l’Union européenne.Du 9 au 23 mai, les urnes virtuelles sont donc ouvertes sur le Web. ” Tout se fait en ligne, à l’exception de la vérification des cartes d’étudiants qui nous sont envoyées par fax “, précise Régis Jamin, vice-président d’Election.com, le prestataire technique responsable des opérations de vote. A l’arrivée, sur un collège électoral estimé par EU-Student Vote entre 12 et 25 millions d’étudiants, on dénombrerait 80 000 participants…
Une campagne électorale entièrement numérique
Depuis le lancement de l’initiative il y a seize mois, l’intégralité de la campagne électorale s’est déroulée sur Internet. ” Les listes (cinq au final) se sont formées en ligne, confirme le président d’EU-Student Vote, Franck Biancheri. Chaque liste avait son site et sa propre liste de diffusion “. Au niveau d’EU-Student Vote, une newsletter rédigée en cinq langues étaient régulièrement envoyée à quelque 35 000 fidèles au projet. Le site officiel aurait déjà enregistré près de cinq millions de visites.Malgré tout, la légitimité du futur“Conseil étudiant européen “, qui devrait sortir des urnes le 23 mai, reste sujette à caution. Et si UE-Student Vote se prévaut aujourd’hui sur son site de quelques lettres de soutiens, obtenues auprès de grands responsables politiques européens, les institutions (Commission européenne, Parlement européen, et Gouvernements des états membres) se sont montrées beaucoup plus rétives.” Nous n’avons pas sollicité de parrainages de la part des institutions car la démocratisation ne viendra pas d’en haut “, détaille Franck Biancheri. Dans le même registre, le président d’EU-Student Vote rejète la terminologie de lobby à propos du projet, et préfère parler du futur Conseil étudiant européen comme ” d’une institution qui vient de la base “.
Combler un ” vide “… pourtant bien rempli
Pour cette première édition, l’opération était dotée d’un budget de 250 000 euros, obtenus auprès de divers partenaires privés. Pour 2004, année du prochain scrutin, Franck Biancheri affiche des ambitions bien supérieures, en prédisant d’ores et déjà “un million d’euros pour un million de votes”.” Avant EU-Student Vote, il y avait un vide complet ” explique-t-il pour justifier sa démarche de création d’un conseil représentant les étudiants européens. Un vide complet ? A voir… Depuis 1982, les étudiants sont représentés auprès des institutions européennes par l’ESIB ( The National Unions of Students in Europe). Cette structure, présente dans 32 pays, regroupe des responsables des principales organisations et syndicats étudiants de chaque pays. Pour la France, la FAGE et l’UNEF-ID sont représentées.” La présence des syndicats dans les universités, comme d’ailleurs le taux de participation aux élections, est très faible “, déclare pour sa part Franck Biancheri. Nous avons contacté 8 000 opérateurs du monde universitaire européen (associations d’étudiants, universités, ministères, professeurs) pour assurer la promotion d’EU-Student Vote. Et les syndicats ont ignoré le projet, en pariant sur le fait que tout cela n’aurait pas lieu. “
” Opération commerciale ” ou révolution démocratique ?
A l’UNEF-ID, Raphael Chambon, responsable des relations internationales et membre de l’ESIB, regrette simplement ” qu’à aucun moment, ni l’UNEF-ID, ni l’ESIB n’aient été contactés directement “. Par ailleurs, à l’évocation du projet EU-Student Vote, le syndicat s’interroge sur les garanties démocratiques d’un scrutin contrôlé entièrement par un prestataire et des fonds privés.Pour Raphael Chambon, EU-Student Vote a tout d’un ” coup de bluff médiatique “, à la légitimité douteuse, et ” sans aucun relais dans les milieux universitaires. Les “étudiants-cobayes” serviraient d’alibi à une opération commerciale “. L’objectif serait, en dernier ressort, de prouver la viabilité du vote à distance par Internet, toujours interdit par la loi française.La mésentente ou la méprise avec les organisations représentatives du monde étudiant trouve peut-être son origine dans les ambitions sans complexe d’EU-Student Vote. En effet, l’argumentaire plaçait la barre assez haute en insistant sur ” le ras le bol de voir les technocrates de Bruxelles et de nos ministères, appuyés par quelques lobbies opaques, décider seuls de lancer un nouveau programme européen, ou de travailler à l’harmonisation de diplômes (…) sans consulter les étudiants “.Il est vrai que le futur Conseil étudiant européen ne sera pas un lobby, mais une ” institution qui vient de la base “…
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