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États-Unis : quand des messages échangés sur Messenger deviennent des « preuves » lors d’un procès pour avortement

Des échanges sur Messenger sont devenus des preuves de culpabilité d’une mère de famille dans un procès aux États-Unis. Sur cette messagerie, cette dernière expliquait à sa fille de 17 ans souhaitant se faire avorter en dehors des délais légaux qu’elle était parvenue à se procurer des médicaments pour interrompre sa grossesse. Les deux femmes n’avaient pas sélectionné l’option de chiffrement de la messagerie de Facebook, une option qui les aurait mis à l’abri d’une telle situation.

Attention à vos échanges sur les messageries non chiffrées : ils pourraient servir de preuves qui joueront contre vous pendant un procès aux États-Unis. Cet avertissement, donné lors du revirement de la Cour suprême américaine en juin 2022 – qui a mis fin à la protection fédérale du droit à l’avortement – est bel et bien devenu réalité… pour le plus grand malheur de cette mère et de sa fille. Tout commence au début du printemps 2022. Jessica Burgess, la quarantaine, apprend que Celeste, sa fille de 17 ans, est tombée enceinte, raconte The Verge.

La jeune femme, qui ne souhaite pas poursuivre sa grossesse, en est à près de 23 semaines de gestation — soit trois semaines de trop pour se faire avorter au Nebraska, l’État où les deux femmes résident. Depuis, ce seuil a été abaissé de 20 à 12 semaines. C’est alors que la mère et la fille vont avoir la mauvaise idée d’échanger sur la façon de mettre fin à cette grossesse non désirée sur Facebook Messenger, la messagerie de Meta, sans avoir sélectionné l’option de chiffrement.

Un signalement à la police et un mandat pour accéder aux conversations Messenger

Car quelques jours plus tard, Jessica Burgess parvient finalement à se procurer des interruptions volontaires de grossesse médicamenteuses, en les achetant sur le Web. Sa fille les prend, ce qui provoque la fin de sa grossesse non désirée. Le fœtus aurait ensuite été brûlé et enterré sur un terrain, avec l’aide d’une autre personne, un homme de 21 ans. Ce dernier a été condamné à une simple mise à l’épreuve, selon le procureur dont les propos sont rapportés par nos confrères. On ignore comment cette affaire est finalement arrivée aux oreilles de la police locale. Un article du média américain Jezebel précise seulement que « quelqu’un a signalé à la police qu’il y avait eu une IVG et qu’un fœtus avait été enterré ».

Mais on sait que les autorités du Nebraska ont retrouvé les restes de ce fœtus. Ils ont ensuite demandé à Meta, la maison mère de Facebook, les échanges qui avaient eu lieu entre la mère et la fille sur Messenger. Ce sont ces éléments qui ont permis aux enquêteurs d’arrêter la quadragénaire. Confrontée à ces messages, devenus « des preuves » qui ont étayé le dossier du procureur en charge de l’accusation, cette dernière a fini par plaider coupable d’avoir aidé sa fille à se procurer l’IVG médicamenteuse. Sur Messenger, les deux femmes discutaient de la façon dont la grossesse pouvait être interrompue, et de leurs plans pour effacer toute trace de cette dernière. On peut aussi y lire que la mère avertit sa fille qu’elle s’était procurée l’IVG médicamenteuse. Elle lui explique aussi comment prendre ce médicament pour mettre fin à sa grossesse.

Messenger, par défaut, n’est pas chiffré

Cette affaire montre à quel point il faut être prudent dans son usage des réseaux sociaux et des messageries, même si ce procès a lieu aux États-Unis et non en France. Les Américaines ne pensaient certainement pas, avant l’arrêt Roe v. Wade, que pratiquer l’IVG allait devenir illégal dans leur pays, et que leurs messages pourraient servir de preuves dans des affaires pénales pouvant les mener à des peines de prison. L’occasion de rappeler que Messenger, par défaut, n’est pas chiffré, contrairement à d’autres messageries comme Signal, WhatsApp ou iMessage, rappellent nos confrères. Et bien souvent, les utilisateurs ne pensent pas à activer cette option. Or si les deux femmes l’avaient enclenché, ni Meta, ni les enquêteurs n’auraient pu avoir accès aux contenus de leurs échanges. Le chiffrement de bout en bout (en anglais, « end-to-end encryption » ou E2EE) est une technologie qui permet de sécuriser une discussion, cette dernière n’étant visible que par l’expéditeur et le destinataire des messages, seuls détenteurs d’une clé.

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Dans cette affaire, le tribunal américain n’a pas encore prononcé les sentences qui tomberont en juillet pour l’une et en septembre pour l’autre. Mais les deux femmes risquent gros : la mère a plaidé coupable pour trois chefs d’accusation (manipulation de restes humains, fausse déclaration et avortement après 20 semaines de gestation), elle risque jusqu’à deux ans d’emprisonnement. La jeune fille, qui a aussi plaidé coupable, risque également une peine de deux ans de prison.

Les géants du numérique sont tenus de partager ces informations demandées via un mandat

Le fait que les Gafam soient sollicités par la police américaine pour traquer les femmes qui tentent de mettre fin à une grossesse n’est pas nouveau. Au mois de mars dernier, plusieurs médias américains, dont Business Insider et Mashable, expliquaient que dans la majorité des cas, les géants numériques fournissent les informations demandées, tout simplement parce que la loi les y oblige. Dans le système judiciaire américain, les recherches sur Google sur les cliniques pratiquant l’avortement, ou l’historique des messages peuvent être demandés via un mandat. Et elles le sont fréquemment : Meta déclarait, en mars dernier, recevoir plus de 400 000 demandes en ce sens chaque année, auxquelles le groupe a répondu favorablement dans 76 % des cas.

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Et si les géants du numérique déclarent étudier chaque demande, et ne pas hésiter à « s’opposer aux demandes trop larges ou juridiquement contestables », dans les faits, le refus de partage de ces données serait assez exceptionnel. Eric Goldman, professeur de droit interrogé par Business Insider, le 5 mars dernier, expliquait qu’il faut se mettre dans la peau des géants du numérique. Il faut imaginer que ces derniers reçoivent des milliers de demandes, et qu’ils « ne sont pas susceptibles de s’opposer à toutes les demandes illégitimes des forces de l’ordre, parce qu’ils craignent pour leur propre responsabilité, ou parce que c’est tout simplement trop coûteux de s’y opposer »., soulignait-il. Résultat : nos confrères répètent à nouveau qu’aux États-Unis, il faut non seulement s’abstenir de faire des recherches concernant une IVG sur le Web. Mais il ne faut pas non plus discuter de ce sujet sur des messageries non chiffrées.

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Source : The Verge


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