Les sociétés Internet seront-elles les victimes collatérales des attentats du 11 septembre ? Depuis dimanche, le moratoire de 1998, qui permettait à des sociétés comme AOL, Amazon ou eBay d’être dispensées de taxes sur les biens et services vendus en ligne, autrement dit d’être exemptées de TVA (taxe sur la valeur ajoutée), n’existe plus.En effet, le Sénat américain a refusé d’entériner jeudi la proposition du sénateur démocrate Dorgan, laquelle visait à étendre pour deux années supplémentaires l’exemption fiscale pour les sociétés Internet.Pourtant, la Chambre des représentants, la seconde assemblée législative américaine, avait prolongé mardi, jusqu’en 2003, cette niche fiscale.
Un manque à gagner pour les collectivités locales
Cette situation inédite s’explique de deux manières. Tout d’abord, la majorité des Etats ont beaucoup de mal à boucler leur budget. D’une part, parce que les rentrées fiscales sont inférieures aux prévisions du fait du ralentissement économique actuel, et, d’autre part, parce les gouverneurs ont dû faire face à un surplus de dépenses pour renforcer la sécurité contre le terrorisme.Pour maintenir l’équilibre de leurs finances, une solution consiste donc à collecter la TVA ?” laquelle alimente les budgets des Etats ?” auprès des sociétés Internet. Selon le
New York Times
, la manne avoisine les 2 ou 3 milliards de dollars pour le seul commerce électronique en 2000.Deuxièmement, les travaux du Congrès ont été retardés suite aux attentats du 11 septembre. Les législateurs ont dû examiner en urgence des textes relatifs à ce dernier dossier. Puis, le Sénat a fermé ses portes pour le week-end, après la découverte dans ses bâtiments de bacilles de la maladie du charbon.En conséquence, les sénateurs n’ont pas été en mesure de prolonger le débat sur l’exemption de TVA pour les sociétés Internet après le rejet de la proposition du sénateur Dorgan, jeudi.
Vides juridiques
Reste que la taxation des sociétés Internet dans les prochaines semaines semble peu probable. En effet, le Congrès doit au préalable adapter la législation sur la vente à distance.De leur côté, les autorités locales, qui sont majoritairement favorables à la TVA sur les ventes sur Internet, doivent aussi simplifier les outils de collecte de cet impôt. Selon le Washington Post, plus de 7 000 collectivités (Etats, comtés, villes) sont en mesure de revendiquer une partie des recettes à venir.Or, faute d’une simplification, aucune société Internet n’est en mesure de savoir quel est le récipiendaire de la TVA dont elle devra s’acquitter.
Risque de fracture numérique ?
Parallèlement à ces obstacles légaux, il existe au sein du Congrès des partisans du maintien de l’exemption fiscale pour les sociétés Internet. Il s’agit en premier lieu des élus des Etats où les nouvelles technologies représentent une part importante du tissu économique local, comme par exemple la Californie.Les législateurs craignent aussi que la fin de l’exemption fiscale ne pousse les entreprises de la nouvelle économie à se délocaliser. L’autre impact serait de créer un fossé aux Etats-Unis entre des Etats repoussoirs, où le prélèvement de la TVA risque de provoquer une faible percée des activités Internet, et des Etats attractifs, où l’effet d’aubaine attirerait plus de sociétés de la nouvelle économie.Le
Washington Post
estime que la mise en application de la TVA représenterait entre 10 et 15 % du prix de la facture mensuelle adressée par un FAI à ses abonnés. Autrement dit, des sociétés comme AOL, basée actuellement à Dulles en Virginie ?” l’une des régions les plus touchées par le ralentissement économique ?”, auraient tout intérêt à s’installer dans un Etat qui prélève la taxe la plus faible possible.
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