D’où vient-il ? Appliquée au directeur informatique, cette question engendre tant de réponses qu’on en arrive à se demander si tous les chemins n’y mènent pas un jour ou l’autre. Qu’il soit simple “responsable” dans une grosse PME ou directeur des systèmes d’information chez Renault, il a pourtant bel et bien reçu une formation de base. Souvent déterminante pour l’accession au poste de chef de l’informatique, elle s’inscrit dans le cadre d’un assemblage savant de compétences. Ce n’est pas une nouveauté : pour être directeur informatique, il faut allier de solides connaissances techniques à un sens pointu de la gestion, de plus en plus associés à une bonne vision stratégique. “Plus on avance, moins les compétences purement techniques comptent et plus on va vers le management, explique Guillaume Rabier, DSI de Vediorbis. Ces compétences s’acquièrent avec l’expérience.” Sauf que, aujourd’hui, les écoles d’ingénieurs ont non seulement pris conscience de ces besoins, mais elles conçoivent aussi leurs cursus avec une volonté indiscutable de ne plus former des techniciens purs et durs.
Accords entre écoles d’ingénieurs et de management
Malgré l’évolution actuelle des écoles, il est en général présomptueux d’envisager la direction informatique comme premier poste. Une ébauche d’explication se trouve dans les offres d’emploi elles-mêmes. Elles imposent toutes ?” ou peu s’en faut ?” une première expérience professionnelle de trois à cinq ans au minimum. De plus, elles maintiennent le flou sur les formations ad hoc, se contentant de préciser un niveau d’études, mais plus souvent “formation supérieure”. Parfois aucune référence n’est faite à cette étape fondatrice de la carrière d’un DI. Les plus précises des offres parlent de “maîtrise technique”, comme Aventis Pasteur, qui était récemment à la recherche d’un responsable informatique de site maîtrisant les environnements Unix et NT. D’autres, tel Siemens, recherchent un “diplômé en école d’ingénieurs”. Pénurie oblige, on ne s’intéresse à la formation qu’à l’étape du tri des CV.Seconde cause justifiant, pour le développeur ou le chef de projet, un passage par la société de services avant d’atteindre le “paraDI” : la pauvreté des programmes des écoles d’ingénieurs ou des cursus universitaires sur les volets non techniques. On distingue tout de même un frémissement dans les formations, notamment dans les écoles d’ingénieurs. Soit via des cours en bonne et due forme ?” droit, gestion, économie, communication d’entreprise, etc. ?”, soit par la validation des stages et des projets, soit ?” de plus en plus ?” par des programmes assez ambitieux, conçus en partenariat avec les écoles de management.Avant que ces formations ne fassent leurs preuves, seules des carrières bien réelles permettent de mieux comprendre comment on devient DI. Dans la plupart des grands comptes, tout d’abord, la sélection est rude. Les patrons de ces services informatiques comprenant souvent plusieurs milliers d’informaticiens justifient quasiment tous d’une solide formation initiale. Jean-Paul Maury, DSI de France Télécom, ou André Ampelas, de la RATP, sont polytechniciens à l’origine. Les anciens de l’Ecole centrale des arts et manufactures monopolisent également les postes élevés : Luc Jarny, chez Natexis Banques Populaires ; Claude Palmieri, d’Auchan, également ancien de Sciences Po ; Guillaume Rabier, de Vediorbis ; Jean-Louis Pierquin, d’Usinor- Sacilor ; ou Mohamed Marfouk, du groupe Danone, en viennent. On retrouve aussi l’Ecole nationale supérieure des arts et métiers à la tête de la DSI de LVMH… En somme, pas de surprise : les écoles prestigieuses siéent aux responsabilités colossales. La logique a été poussée à bout, d’ailleurs, avec certains profils comme Jean-Pierre Corniou, énarque et DSI de Renault, choisi, entre autres, pour sa capacité à prendre des décisions stratégiques.
Les quadras sont jugés sur leur parcours
Pour la plupart des entreprises, une bonne école d’ingénieurs avec option informatique constitue un laissez-passer largement suffisant. De nombreux directeurs informatiques actuels l’ont complété d’un bref séjour en SSII. Cette phase initiatique leur permet de compléter sur le tas leur bagage initial. Cette logique de l’autoapprentissage est devenue beaucoup plus rare. Elle est l’apanage des quadras, davantage jugés sur leur expérience que sur leurs diplômes. On retrouve ici Alain Poussereau, élu directeur informatique de l’année par 01 Informatique en novembre 2001. Après un vague test de recrutement, il entre en 1969 chez Usinor-Dunkerque comme analyste-programmeur. Il se dirige ensuite vers la Caisse nationale d’assurance vieillesse, où il agrégera les compétences techniques et la connaissance de la maison pour devenir, en 1992, “directeur du schéma directeur”, soit l’équivalent du DSI. Egalement issu d’une époque où les formations informatiques n’existaient pas, Serge Mémy, DSI et directeur général adjoint du courtier d’assurances Diot, possède une formation de sciences économiques et de philosophie. Après environ huit ans de vie professionnelle comme analyste-programmeur à la SNCF, puis ayant travaillé pour deux SSII successives, il arrive chez Diot : “C’était en 1979, j’étais chargé de la refonte informatique du groupe. Cinq ans plus tard, je ne me sentais pas vraiment armé pour orienter ce système vers le client. J’ai donc passé un diplôme d’études supérieures de management de l’information.”
Faire d’une opportunité un atout stratégique
Les valeurs de l’expérience professionnelle et de la formation sur le tard sont encore d’actualité. Mais avec une nouvelle donne. L’arrivée continuelle de nouvelles technologies rend difficiles tant leur apprentissage que leur utilisation. Les débuts d’internet ont ainsi connu leur lot d’autodidactes, qui, contrairement à leurs aînés pionniers de l’informatique, se sont révélés sur des secteurs assez pointus. Conception de sites web, administration de réseaux ou sécurité ont ouvert la porte à des passionnés ayant appris par eux-mêmes. Mais, à moins d’une évolution interne vers des postes à responsabilités, aucune entreprise n’oserait leur confier les rênes d’un service informatique. Le poste désormais bien identifié de directeur informatique ne laisse plus la place à ce type de pari.Alors, quelles sont les formations de demain, celles qui mènent le plus rapidement au poste de directeur informatique ? Deux pistes semblent émerger. La première vise l’acquisition d’une solide culture métier. Jean-Jacques Mouchené, directeur général adjoint des technologies de l’information d’Accor, s’est formé en école hôtelière avant de passer par un institut d’économie appliquée aux affaires. La seconde piste s’inspirerait des “directeurs techniques” de start up internet ?” autrement dit, les directeurs informatiques de la nouvelle économie. Couramment de formation ingénieur, voire ingénieur système, on leur demande de savoir identifier une vraie opportunité technologique, puis d’en faire un atout stratégique. Pour ceux-là, on ne demandera plus “d’où viennent-ils ?”, mais plutôt “jusqu’où peuvent-ils mener leur entreprise ?”.
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