Ming-Chi Kuo, analyste pour la société KGI Securities, n’a pas toujours vu juste. Il avait notamment annoncé que les iPhone 6 adopteraient un écran en saphir. Pour autant, il a déjà mis dans le mille à quelques reprises. Aussi, quand il prédit qu’Apple « pourrait lancer des Mac qui utilisent des processeurs ARM 64-bit conçu par ses soins d’ici un an ou deux », la circonspection est de mise. D’autant qu’il construit sa réflexion sur le fait que ses puces maison, les fameuses Apple Ax, qu’on retrouve notamment dans les iPhone et les iPad, atteignent désormais « un niveau de performances se situant entre les processeurs Atom et Core i3 d’Intel ».
L’analyste avance même un nom précis de puce, l’Apple A10x, qui serait produite par Samsung et prendrait place dans un Mac commercialisé en 2016. Cette puce serait gravée en 10 nanomètres, tandis que son aînée l’A9X serait fabriquée par TSMC en 16 nm.
Pas assez de puissance ?
C’est à ce moment des prédictions qu’on commence à douter. Les puces ARM évolueront-elles assez d’ici un ou deux ans en termes de puissance ? Car, si les puces ARM (RISC) progressent à une vitesse assez remarquable depuis plusieurs années, elles ne peuvent pour l’instant que concurrencer l’entrée de gamme des puces Intel (CISC). A l’avenir, les puces Intel aussi évolueront vers des ratios puissance/consommation encore amélirés… Ce qui signifie que de telles processeurs ne pourraient prendre place que dans les machines d’entrée de gamme d’Apple. Leur faible consommation en énergie pourrait même les destiner exclusivement aux MacBook Air.
La question du logiciel
Au-delà de la puissance, se pose la question du logiciel. Une question double d’ailleurs, puisqu’elle concerne aussi bien le système d’exploitation que les applications.
En ce qui concerne l’OS, on peut imaginer sommairement deux scénarios. Le premier, ces Mac ARM ne fonctionnent qu’avec un seul système d’exploitation – Mac OS X, puisqu’on serait dans un cadre d’usage d’ordinateur portable. Dans ce cas, il est nécessaire aux ingénieurs d’Apple de redévelopper l’OS pour la plate-forme RISC. La firme de Cupertino a déjà parcouru le chemin inverse quand elle est passée des PowerPC aux processeurs Intel. La réalisation de ce « retour » aux sources de Mac OS X n’est donc pas inenvisageable.
Pour autant, un OS n’est rien sans ses applications, sans sa logithèque. Et, ce retour au RISC impliquerait que de nombreux éditeurs adaptent leurs produits pour ces nouvelles machines… Seraient-ils prêts à le faire pour des Mac ? Par le passé, Apple a déjà su convaincre des géants comme Adobe de sauter le pas. Mais surtout, désormais, la firme de Cupertino a une arme qui faciliterait la transition de nombreux logiciels vers une nouvelle plate-forme matériel : « Avec l’App Store et le Mac App Store, Apple a mis en place une politique et des exigences techniques, qui impliquent notamment la présentation du code pour sa validation », nous explique Samir Rinaz, directeur délégué de l’ETNA, l’Ecole des Technologies Numériques Appliquées. « S’il y a un changement de processeur, le développeur devra simplement recompiler son application », qui pourra être disponible aussitôt.
Le second scénario pourrait faire écho à une rumeur, celle d’un Mac capable de faire tourner les deux systèmes d’exploitation d’Apple, iOS et Mac OS. Dès lors, on pourrait effectivement imaginer que cette machine embarque deux puces, un processeur Intel (x86) et un SoC ARM. Se pose ensuite la question de savoir quel facteur de forme épousera cette machine ? Une sorte d’hybride dont l’écran devient une tablette, comme on l’a déjà vu dans l’univers PC ? Apple seul le sait.
Faire ses gammes
Cette solution hybride aurait également un avantage, si Ming-Chi Kuo a vu juste dans sa boule de cristal. Elle impliquerait de ne pas imposer une complexification de la gamme. Le message commercial – très important chez Apple – à faire passer serait simple. Ainsi, ces machines seraient le chaînon manquant entre les iPad et les MacBook, et non un ordinateur portable d’entrée de gamme profondément différent de la gamme à laquelle il appartient, qu’il s’agisse des MacBook Pro ou du MacBook Air.
En définitive, ce dernier, véritable machine à écrire du XXIe siècle, dont on ne recherche pas tant la compagnie pour sa puissance que pour son endurance et sa légèreté, pourrait peut-être être le candidat idéal au passage partiel ou total à ARM, même si cela pourrait compliquer et troubler la vision qu’on a des ordinateurs et de la stratégie d’Apple.
Pour quel intérêt ?
D’autant que la question qui se pose en définitive est la suivante : quel intérêt pourrait en retirer Apple ? Ming-Chi Kuo pense que la société de Tim Cook aurait à gagner en liberté si elle adoptait ses propres puces pour ses Mac. Elle serait ainsi maître de son calendrier de lancement de sorties et n’aurait plus à attendre qu’Intel mette à jour ses puces.
Une contrainte qui avait été mise en avant par certains analystes au moment du lancement de l’iMac à écran Retina 5K pour expliquer que toute la gamme – notamment les 21,5 pouces – ne bénéficiait pas de ce saut qualitatif. Une contrainte qui est également démentie par le fait qu’Apple a déjà eu plus d’une fois la primeur d’un nouveau processeur Intel.
Alors quoi ? Quel intérêt ? D’un « point de vue stratégique », avançait Samir Rinaz, Apple pourrait également trouver intéressant de différencier ses machines de celles de la concurrence. Une éventualité envisageable mais qui aurait tout de même un curieux goût de retour en arrière, du temps où les Mac tournaient avec des PowerPC, ce qui ne facilitait pas toujours la tâche d’Apple pour vanter ses produits…
A l’inverse, qu’aurait à perdre Tim Cook en se lançant dans cette expérience ? Une cinquième position au classement des plus gros vendeurs de PC au monde, peut-être. Un univers matériel et logiciel cohérent et simple à comprendre, loin de la dichotomie Windows 8/Windows RT. Même si, avouons-le, juste pour voir ce que ça donnerait, on aimerait bien qu’Apple franchise ce Rubicon technologique.
Reste que « cette prédiction à la Nostradamus » a un intérêt, qu’elle s’avère ou non. Elle montre que les puces ARM ont gagné une légitimité forte depuis quelques années et ont prouvé qu’elles pourraient bien concurrencer encore plus le tout x86 d’Intel. Patience, nous devrions savoir d’ici un an ou deux, si Ming-Chi Kuo a raison ou s’est encore trompé.
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Source :
9to5mac
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