Surréalisme et désir, c’est à ce cocktail détonnant que nous invite la grande exposition du moment à la Tate Modern de Londres (*), présentant les ?”uvres de peintres “étiquetés” surréalistes (Max Ernst, Giorgio de Chirico, Salvador Dali, René Magritte…), ou simplement inspirés par ce mouvement initié par André Breton dans les années 1920 (Marcel Duchamp, Leonora Carrington, Claude Cahun…). Du sublime à la transgression, de la poésie à l’outrage, l’exposition explore toutes les formes de désir exprimées par ces artistes pétris de théories freudiennes sur la sexualité, plaçant l’érotisme débridé au c?”ur de leur processus de création. Il y en a pour les romantiques, avec les ?”uvres faussement innocentes de Paul Delvaux (sur le site de l’exposition, www.tate.org.uk/modern/exhibitions/surrealism/room4.htm) et celles vraiment touchantes de Magritte (l’émouvant The Lovers (I et II), évoquant la pureté d’une passion aveugle, est en ligne sur www.artchive.com/artchive/M/magritte.html). Il y en a aussi pour les poètes, avec le sublime dessin automatique de Miró, Une étoile caresse le sein d’une négresse ( www.tate.org.uk/modern/exhibitions/surrealism/room6.htm).Il y en a encore pour les coquins (le cou de Lee Miller photographié par Man Ray est d’une beauté phallique : www.tate.org.uk/modern/exhibitions/surrealism/room5.htm) et, surtout, les déviants et fétichistes (Salvador Dali et son Téléphone-homard : www.tate.org.uk/modern/exhibitions/surrealism/room8.htm ; Giacometti et sa Femme à la gorge tranchée ( www.tate.org.uk/modern/exhibitions/surrealism/room13.htm). “Jamais la sexualité, dans toutes ses dimensions, n’avait été aussi manifestement célébrée par les artistes que dans le mouvement surréaliste”, commente la critique d’art Louisa Buck, sur les pages que consacre la BBC à l’exposition ( www.bbc.co.uk/arts/tate/surrealism/surreal1.shtml). La célébration des instincts sexuels est vécue comme un antidote au contrôle exercé par la raison, comme l’incarnation de “l’automatisme psychique pur”, vanté par André Breton dans le Manifeste du surréalisme (très bien commenté sur le site www.france.diplomatie.fr/culture/France/biblio/folio/breton/biblio.html. Une philosophie qui écarte tout jugement moral et qui “objectivise” le corps, à commencer par celui de la femme.Objet d’art et de désir, les femmes sont tout à la fois des muses et des machines à donner du plaisir pour les surréalistes : La mariée mise à nu par les célibataires, même, de Duchamp ( www.tate.org.uk/modern/exhibitions/surrealism/room1.htm) propose une vision ironique de la mécanique du désir, quand Le viol de Magritte (à visionner sur www.iro.umontreal.ca/~bengio/images/magritte-le-viol.jpeg) fait de la femme, tête posée sur un pénis, un trophée pour l’homme. L’artiste allemand Hans Bellmer va, lui, jusqu’à imaginer une poupée gonflable en kit, sorte de “femme idéale”, puisque malléable à merci…“Les femmes ont néanmoins trouvé leur compte dans le surréalisme, estime Louisa Buck, certaines d’entre elles ayant profité du climat libertaire pour se muer elles-mêmes en artiste.” C’est la bonne surprise de l’exposition : on découvre le surréalisme au féminin, avec Dorothea Tanning, ou encore Meret Oppenheim, dont le comique Déjeuner de fourrure n’a rien à envier à l’érotisme au masculin, la misogynie en moins…(*) “Surrealism : Desire Unbound”, Tate Modern, Londres, jusqu’au 1er janvier 2002.
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