Eric Thoilliez s’occupe, depuis deux ans, de l’organisation des Intranets d’or. Ce prix créé avec le magazine Entreprise et Carrières récompense les meilleurs intranets de ressources humaines. Hormis un intérêt marketing évident pour ses propres activités, la Cegos trouve là un moyen de familiariser ses consultants avec ces outils. Avec entre vingt et trente candidats par an, la société dispose d’un point de vue rare sur l’évolution de ces intranets.Chaque édition des Intranets d’or apporte-t-elle sa vague d’innovations ?On enregistre clairement un ralentissement cette année. Pour moi, il existe trois types d’intranets de ressources humaines (RH) : les premiers sont ceux dits de “communication” (avec des news, un annuaire). Les deuxièmes sont ceux intégrant du workflow (gestion des congés et des réductions du temps de travail ou RTT, inscriptions aux formations…). La RTT, notamment, a fait exploser leur développement. Enfin, les troisièmes sont ceux qui touchent à la gestion des compétences (knowledge management, gestion de la mobilité, e-learning, etc.). Le problème, c’est que cela coûte très cher. Pas en frais techniques, mais en réunions, en création de groupes de travail. Cette année, le jury a récompensé Arcelor parce qu’il était le seul à proposer un outil relevant de cette démarche. Dans les intranets, toute la partie développement de compétences, aide à la décision et pilotage des évolutions de carrières reste à réaliser.Pourquoi le développement des intranets stagnerait-il ?En raison d’une baisse des investissements liée à la crise plus qu’à un manque d’intérêt pour le sujet. Mais le “papy-boom” nous laisse espérer un retournement de situation. Une entreprise ne peut pas laisser perdre du savoir-faire. Un intranet sert à le formaliser et le conserver. Autre raison d’espérer : le coût des licences des progiciels de gestion intégrés. Si elles comparent l’utilisation qu’elles font de toutes les fonctionnalités prévues dans ces outils et le prix qu’elles y mettent, les entreprises préfèrent développer leur propre application.Vous dites également que la RTT a été un moteur. En est-il de même de l’e-learning ?Ce n’est pas facile de répondre. On croyait tous, il y a un an et demi, que l’e-learning allait exploser. Il reste encore des choses à faire en la matière. En réalité, ce que l’on peut observer pour l’instant relève davantage de la gestion des connaissances que de la formation en ligne.Comment s’opère la sélection aux Intranets d’or et comment est attribué le prix ?C’est un jury d’entreprises qui remet le prix. La Cegos vérifie la valeur des dossiers. On va sur place, on teste, on vérifie ce qu’apporte l’intranet à l’entreprise. Le jury opère alors sa sélection en fonction de l’innovation et de la valeur ajoutée, pas de la technique. Même si cette dernière rend certaines choses possibles. Toute entreprise peut être candidate dès l’instant où elle propose un véritable service aux utilisateurs. Par exemple, les Autoroutes du Sud de la France ont été récompensées, l’an dernier, pour les bornes interactives qu’elles ont mises en place pour les employés des péages. Enfermés dans leurs cabines, ils sont isolés, loin de tout. Ils disposent donc d’une salle dédiée, où ils peuvent aller saisir et consulter leurs données RH. Chez Péchiney Emballage Alimentaire, c’est encore mieux. L’intranet s’adresse à une population d’ouvriers ne possédant pas de PC à portée de main. D’où l’installation d’un décodeur sur leurs postes de télévision pour accéder à l’information RH de chez eux.Les entreprises ont-elles toujours les mêmes idées au même moment, ou se distinguent-t-elles ?Une tendance est apparue ces deux dernières années : les intranets communautaires. Un intranet dans l’intranet. C’est étonnant, car ce n’était pas une utilisation prévue au départ. L’entreprise veut un outil groupe, puis de petites communautés de collaborateurs souhaitent avoir leur espace de travail, avec forum et chat. En 2001, la RATP, où il existe un correspondant RH par ligne de métro, en était le seul exemple sur vingt-cinq dossiers. Cette année, sur trente-trois, on en a au moins dix. Le problème de cette tendance, c’est la multiplication des sites. Or, il faut au moins une charte, des normes et un portail donnant accès à tout cela. Chez France Télécom, ils ont créé de nombreux sites, mais ils ont dû en ajouter un au-dessus pour s’y retrouver. Idem chez Air Liquide, qui compte cent soixante sites.Toutes les entreprises parviennent-elles à créer des outils à la hauteur de leurs moyens ? Avez-vous déjà été déçu ?Chaque entreprise a sa propre culture. Son intranet en est le reflet. J’ai vu, chez un grand de l’industrie, un intranet mal fichu, grouillant d’informations mais sans organisation, parce qu’on préférait plutôt investir tous les moyens dans l’activité de base de l’entreprise. Dans une autre entreprise, a priori douée pour le marketing, faute de temps, rien n’est formalisé en interne. La culture orale prédomine. Cela se retrouve dans l’intranet, qui compte des milliers de pages éparses. A l’inverse, on trouve Schlumberger et sa culture d’ingénieurs. C’est carré, les meilleures lignes de réseau sont utilisées. Ou Ikea, un bel exemple du “comment faire bien avec peu”. Deux ou trois logos, une charte ergonomique. C’est simple et sobre. A l’image de la signalétique de leurs magasins !Les entreprises informatiques ?” SSII, éditeurs ou autres ?” s’illustrent-elles particulièrement ?Non. Nous avons une ou deux SSII candidates par an. Je pense qu’elles préfèrent déléguer leurs informaticiens pour fabriquer l’intranet de leurs clients plutôt qu’investir dans leur propre outil. Néanmoins, Ajilon et Devoteam, candidates cette année, présentaient des projets prometteurs, techniquement très au point, mais sans doute moins complets que ceux d’autres sociétés. Et ce par manque de temps et de ressources.
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.