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Eric Ochs (IDC) : ” La crise du Net devrait durer au moins deux ans “

Pour Eric Ochs, directeur général d’IDC France, l’avenir des start-up B-to-C et B-to-B va encore s’assombrir. Son verdict : la crise va durer, les investisseurs délaissant Internet pour d’autres marchés plus rentables.



01net. :
Pourquoi pensez-vous que la crise affectant les sociétés Internet va durer au moins 18 à 24 mois ?
Eric Ochs : Nous assistons actuellement à une crise mondiale de l’informatique. Selon la dernière étude IDC concernant le marché américain des PC, les dépenses informatiques des particuliers et des entreprises sont en baisse. Nous pensons même que les ventes mondiales de PC devraient baisser de 6,3 % cette année. Cette contraction du marché va affecter toute l’économie Internet.En effet, tous les grands acteurs de l’informatique comme Oracle, Cisco ou Sun enregistrent une baisse du nombre de leurs clients. Ce n’est pas le manque d’argent qui est en cause, le malaise est bien plus profond. En fait, c’est la valeur ajoutée de l’investissement dans l’Internet qui est mise en doute. Les entreprises et les investisseurs se rendent compte qu’il ne tient pas ses promesses : les places de marché sont coûteuses et n’entraînent pas de baisse significative des coûts, les sites de commerce électronique ne vendent pas moins cher et ne sont pas rentables, etc.Nous sommes dans la phase de l’après euphorie. Elle peut durer plusieurs années…Votre cabinet d’études affirmait le contraire il y a seulement quelques mois. Pourquoi changer d’avis maintenant ? Comme tous les autres cabinets d’études, IDC était devenu beaucoup plus prudent dans ses prévisions ces derniers mois. Nous sentions que le marché était en train de changer. Maintenant, nous avons une vision beaucoup plus claire de la situation. La multiplication des avertissements sur profits et les chiffres marquant la baisse des investissements informatiques des entreprises confirment aussi qu’Internet va subir une crise durable et meurtrière pour nombre de start-up.Pourtant, les capital-risqueurs investissent encore dans les entreprises technologiques ?Oui, mais de quelles technologies s’agit-il ? Très peu de start-up Internet sont parvenues à lever des fonds ces derniers mois, les capital-risqueurs se désintéressent du marché Internet.L’avenir est aux outils informatiques appliqués et à très haute valeur ajoutée. En clair, les start-up qui seront capables de développer des technologies servant des industries comme le pétrole, la santé, la pharmacie-chimie ou encore l’agrochimie ont toutes les chances de réussir. Ces secteurs n’ont pas encore fait leur révolution informatique et s’apprêtent à investir de fortes sommes pour leur recherche et développement.Sans argent, que vont devenir les start-up B-to-C ou les places de marché ? Leur devenir est incertain, bien évidemment. Le problème, c’est qu’Internet est entré dans une phase de rupture technologique. Les capital-risqueurs ont compris qu’ils ne gagneraient pas d’argent en investissant dans ce type de start-up, à faible valeur ajoutée. Ils nettoient donc leurs portefeuilles et se tournent vers de nouveaux marchés, comme ceux que j’ai cités précédemment.C’est pour cela que tant de start-up ont du mal à lever des fonds : Internet est redevenu plus marginal aux yeux des capital-risqueurs, il ne s’agit plus d’un vecteur susceptible de leur faire gagner beaucoup d’argent. L’industrie du PC est parvenue à générer quelques grandes sociétés comme Compaq, Dell ou encore Microsoft. Mais, l’industrie Internet n’a créé aucune société à la fois rentable et avec un fort chiffre d’affaires.

” Internet est et restera longtemps une économie marginale “

Alors, tous les sites de commerce électronique vont disparaître ? Non, bien sûr. Mais l’argent n’est plus aussi disponible qu’auparavant. Les start-up essaient de se faire racheter par des grands groupes, mais peu d’entre elles trouvent preneur. Le taux de mortalité des start-up devrait donc être très élevé dans les prochains mois.Cependant, dans deux ans, le commerce électronique devrait repartir. Actuellement, Internet est avant tout un média de communication. Mais, au fur et à mesure de sa diffusion dans les foyers et de l’amélioration de la technologie, Internet deviendra un canal de commerce rentable. Il suffit d’attendre que l’outil soit mieux adapté au marché.Que faut-il faire pour séduire les consommateurs sur Internet ?Il va falloir améliorer l’ergonomie du Web, les technologies de compression pour développer le rich media, les outils transactionnels, etc. Alors, seulement, Internet sera un moyen de gagner de l’argent pour les entreprises.En ce qui concerne le marché français, je pense qu’il y aura de la place pour environ 50 sociétés à 400 millions de francs de chiffre d’affaires. Ces sociétés auront compris que, sur Internet, on ne vend pas moins cher. Le bon raisonnement est : “Je vais payer plus cher parce que c’est Internet, et je suis prêt à payer parce qu’on m’apporte de nouveaux services : paiement à distance, livraison à domicile, etc.”Gardons tout de même à l’esprit que dans trois ans Internet ne représentera encore que 1,3 % de la consommation des ménages. Internet est et restera pour longtemps une économie marginale.

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Propos recueillis par Antonin Billet