Coauteur de l’ouvrage intitulé Le droit du multimédia, du CD-ROM à l’Internet (collection Que sais-je ?), Eric Barbry est avocat à la cour d’appel de Paris et directeur du département
Internet du cabinet
Alain Bensoussan-Avocats.Bonsoir à toutes et à tous, nous avons le plaisir d’accueillir Eric Barbry ! Bonsoir et merci pour cette nouvelle invitation.alain52 : Qu’est-ce qu’un spam ? Le mot spam lui même n’existe pas sur le plan juridique. Pendant longtemps on a parlé d’envoi massif de messages non sollicités, et aujourd’hui on semble restreindre, sur le plan juridique au moins, la notion de spam à l’envoi par
courrier électronique et autres formes électroniques de messages dits de ‘ prospection commerciale ‘.bernard : Quelles sont les nouvelles dispositions de la loi concernant le spam ? Il y a en ce moment même, en discussion à l’Assemblée nationale, un projet de loi extrêmement intéressant, qui s’intitule Loi pour la confiance dans l’économie numérique. Ce projet de loi comporte plusieurs dispositions relatives à
la publicité, et plus particulièrement à l’envoi, par différents moyens, de messages de prospection commerciale. Le texte actuel dispose que ‘ est interdite la prospection directe, au moyen d’automates d’appel, télécopieurs et
courriers électroniques, de toute personne qui n’a pas exprimé son consentement préalable à recevoir de tels appels ou courriers électroniques ‘. Mais le texte, qui comporte tout de même une exception, fait l’objet de débats
animés, notamment de la part des professionnels de l’e-business.Stillee : Pourquoi la fin du spam ? La fin du spam, car le principe actuellement posé par le projet de loi parle d’interdiction sauf si… et que l’exception qui est prévue est très réductrice.mdp : Pouvez-vous nous dire si les principes actuels de l’opt-out respectent l’article 12 ? Le texte de l’article 12, comme je l’ai indiqué, précise qu’est interdite la prospection commerciale à toute personne qui n’a pas manifesté son consentement préalable à recevoir de tels messages, c’est le principe de
l’opt-in. Mais elle prévoit une exception, qui relève à mon sens de l’opt-out, c’est-à-dire que l’on peut dans certains cas réutiliser les informations obtenues auprès de clients pour procéder à l’envoi de
tels messages sous réserve de ne plus en recevoir.lucie : Bonjour Maître. Est-ce que des entreprises françaises ont déjà été condamnées pour avoir spammé des boîtes aux lettres électroniques ? Il y a ou il y a eu plusieurs affaires à ma connaissance, mais elles ne portaient pas à proprement parler sur la possibilité ou non de recevoir de tels messages à titre de prospection commerciale. La principale d’entre elles a visé
un internaute, qui, ‘ spammant ‘ sans cesse, a vu résilier son contrat d’accès par son FAI. Refusant cette résiliation, il avait engagé une action qui a tourné à son désavantage, au motif d’une violation non pas d’une règle
de droit mais du contrat qu’il avait signé avec son FAI et qui comportait une charte excluant le spam.alfonse : Je lance une activité sur Internet, et j’aimerais informer des internautes de mon service. Cette base est de 20 000 adresses e-mails. L’envoi ne se ferait qu’une seule fois. Est-ce considéré comme du spam ?
C’est bien là l’un des cas flagrant, pour moi, où le texte se montre particulièrement restrictif et peu clair. Car il ne fait pas la différence entre les différentes formes de prospection commerciale. Dans une conception
‘ large ‘, on considèrera sans doute que le fait d’envoyer un tel message est par nature une prospection commerciale, alors qu’en réalité il s’agit d’un acte naturel de publicité même s’il est ciblé.mdp : Tout le problème est là Eric : ‘ expression du consentement = nul n’est censé ignorer la loi ‘. (ce qui est bien le principe de l’opt-out) Encore une fois, je ne peux que vous renvoyer au texte qui, dans l’esprit et la présentation qui en est faite par le Gouvernement, vise à préserver le consommateur et à limiter les abus. Le problème est à mon sens surtout que, en
voulant limiter les abus, on condamne un certain nombre de pratiques qui ne sont pas toutes à critiquer.barbu aussi : Pour le spam, une fois de plus, la nouvelle législation risque de s’arrêter à nos frontières, ou au mieux à celles de l’Europe ? Eh oui ! Mais il faut savoir que le texte vient avant tout d’une directive européenne, donc qu’il repose sur une volonté d’harmonisation dans l’Union européenne, et que des textes similaires ont été ou seront adoptés hors CE.
Mais vous avez raison de penser que l’application de la loi elle-même se limite aux frontières, qui n’existent pas vraiment sur Internet.ph : Si j’envoie massivement des mails à des adresses mail d’entreprise (de type : [email protected]), est-ce considéré comme un spam, sachant qu’une telle adresse n’est pas vraiment une donnée personnelle, mais plutôt un
élément d’identification d’une entreprise ? Oui… et non, l’avenir nous le dira. Il faut d’abord bien distinguer entre le droit au spam et la problématique de la préservation des données personnelles. Il s’agit de deux problèmes différents. Même si le spam était libre, il
faudrait respecter le droit de l’informatique et des libertés, à savoir déclarer son fichier, proposer un droit d’accès aux internautes et répondre à l’obligation de sécurisation du fichier. Oui et non… parce que le texte actuel semblerait pouvoir
être modifié comme excluant le spam par principe à l’attention des particuliers, mais l’autorisant à destination des professionnels.Stillee : Faut-il condamner en bloc toutes ces pratiques de prospection, et quel est le risque pour un spameur (amende prison..) ?Je pense effectivement qu’il y a spam et spam, d’abord du fait des contenus, ensuite par les objectifs poursuivis et enfin par les cibles visées ; et sur ce point le texte qui globalise le tout me semble porter à critique. Pour
ce qui concerne les sanctions, elles sont aussi prévues dans le texte à l’article 12.zaze : Ce texte de loi, s’agit-il de l’exacte transposition de la directive européenne ? Le texte de la directive laisse en fait une grande liberté de man?”uvre aux Etats membres, puisque son principe est de dire : ‘ Les Etats membres qui autorisent les communications commerciales non
sollicitées par courrier électronique [autrement dit on peut interdire ou accepter] veillent à ce que ces communications soient identifiées de manière claire et non équivoque dès leur réception. ‘spamy : Avez-vous personnellement traité d’une affaire concernant le spam ? Oui, mais en ma qualité d’avocat je ne suis pas en mesure d’en parler.Chriss : Les logiciels espions sont-ils concernés par cette loi ? Comment y mettre fin, définitivement ? Je ne sais pas ce que vous appelez exactement les logiciels espions, mais ce n’est à mon sens pas dans ce texte qu’il faut chercher la réponse, plutôt dans la directive dite ‘ Données personnelles et communication
électronique ‘, qui doit être transposée en droit interne dans l’année…mdp : Eric, la case précochée est-elle en accord avec l’article 12 ? Je pense que cela doit être possible, même si l’esprit et la lettre du texte me laissent des doutes quant au fait de ‘ préformater ‘ la réponse de l’internaute. Si tel était le cas, je pense qu’il faudrait
en tout état de cause mettre un message d’alerte clair à destination de l’internaute.barbu aussi : Comme vous l’avez dit tout à l’heure, les professionnels de l’e-business risquent de faire barrage ou d’amender sérieusement ce nouveau dispositif de loi : n’est-il pas un peu mort-né, car remettant en cause l’une
des dynamiques de l’e-business ? Je ne crois pas si, et c’est semble-t-il la volonté des différentes parties prenantes, l’ouverture se résume à l’e-business au sens B to B du terme, c’est-à-dire que le texte final contraindrait le spam à destination des
particuliers, mais serait plus largement accepté pour les prospections à destination des professionnels.Lilian : Est-ce que la loi considère une adresse électronique comme une donnée personnelle, sachant qu’elle est exposée en home page de mon site perso ? Oui, car elle permet par un recoupement de fichiers d’identifier, dans bien des cas, une personne physique.ph : Actuellement, j’ai une base sur laquelle je fais de la prospection commerciale. Elle a donc été constituée en opt-out. Dois-je, avec la nouvelle loi, demander leur accord à tous mes prospects ? Sous réserve que le texte reste ce qu’il est et si vous êtes sous l’emprise de la loi dans son principe : oui, mais si vous êtes dans le cadre de l’exception, alors non.rugf : Connaissez-vous l’origine du terme spam ? Que signifie-t-il exactement ? Merci. Désolé de vous décevoir je n’ai pas été jusque là mais je vais tenter de trouver la réponse avant la fin de ce chat. Si un chatteur a la réponse…fabienne : Mis à part l’e-mail, quelles autres formes prend le spam ? La loi évoque la télécopie et les automates d’appel, mais à mon sens il y a aussi et surtout les SMS et autres messages du même genre.freddy : Bonjour, ce n’est peut-être pas dans vos compétences, mais je me risque quand même : existe-t-il des logiciels pour se prémunir du spam ? Difficile de répondre à la question pour ce qui concerne l’internaute? mais il existe des moyens de lutter contre le spam. Pour les FAI d’abord, qui tentent de lutter avec les moyens qui sont les leurs contre ce type de messages. Et
il y a aussi un certain nombre de services qui identifient des serveurs susceptibles d’héberger des spammeurs, et qui ‘ black-list ‘ ces serveurs, qui dès lors ne sont plus accessibles.samantha : Quel est le rôle de la Cnil dans la lutte contre le spamming ? Le rôle de la Cnil (et sur ce point elle tente de le mettre en ?”uvre) est non pas de lutter contre le spam en tant que tel, ce qui à mon sens ne relève pas de sa sphère de compétence, mais de lutter contre l’utilisation de
fichiers en dehors du cadre de la loi du 6 janvier 1978, loi dite informatique et libertés.mdp : La Loi est-elle rétroactive ? Non, sauf pour les dispositions pénales plus douces, ce qui n’est pas le cas.neo : La réponse concernant l’origine du terme spam se trouve sur www.01net.com, dans le
glossaire. Bravo à 01net. 🙂dalhia : Si on repère le site qui nous a spammé, peut-on se plaindre auprès de son hébergeur ou de son fournisseur d’accès ? Qui est responsable légalement ? Sur le plan légal, mis à part celui qui envoie le message, je crains que nous n’ayons pas grand chose d’autre sauf des prestataires, dont le ‘ métier ‘ serait axé sur ce type de service. Mais la réponse peut
aussi être contractuelle, car on peut imaginer (mais, je vous rassure, ce n’est pas le cas) que les FAI se proposent de lutter contre le spam et que cela fasse partie de leur politique. Sur le plan pratique, à l’inverse, bon nombre de FAI proposent
des services visant à permettre à leurs abonnés de se plaindre de tel ou tel spam, mais les résultats restent maigres.mdp : Eric, que pensez-vous personnellement de cette Loi ? Excellente question ! D’un point de vue de détail, je vous renvoie à l’un des chats précédents. D’une manière générale, je pense qu’il faut une réglementation. Je pense que la loi comporte sans doute quelques approximations
(notamment sur la spam) du fait d’une trop grande globalisation. Elle souffre aussi de quelques difficultés de compréhension et sur ce point nous pourrions faire comme nos collègues espagnols ou anglais, prévoir un glossaire hébergeurs et des
éléments non prévus (cookies, moteurs de recherche, liens hypertextes, …).Elisa : Selon vous, la seule réponse efficace au spam, c’est le consentement préalable ? Non, encore une fois, il n’y a pas à mon sens une seule réponse, mais des solutions différentes en fonction des situations (objectif, cible, contenu).gaby : Est-ce que cette loi peut mettre en difficulté des entreprises spécialisées dans le marketing ? S’agit-il d’un nombre important d’entreprises ? Oui sur les conséquences et oui sur le nombre d’entreprises, sauf à ce qu’elles aient anticipé le texte, ce qui n’est pas le cas pour la majorité d’entre elles.mdp : Pourquoi ne proposerait-elle [NDLR : la loi] pas des exemples concrets sur lesquels nous pourrions nous appuyer ? Mystère… Non, pour être plus réaliste, il n’est pas dans l’esprit du législateur français d’éclairer la loi par des définitions (ou rarement) et encore moins par des exemples. En l’espèce, s’agissant de textes
juridico-techniques, je pense qu’il s’agit d’une erreur et que les incompréhensions de bonne ou mauvaise foi existeront.Merci beaucoup, Eric Barbry. Le mot de la fin ? La loi LEN est en projet et fait l’objet de nombreux débats, parfois contradictoires. Il est donc difficile de se forger une opinion arrêtée. Rendez-vous donc pour un prochain chat, lorsque les choses seront devenues définitives, si
vous le voulez bien. 🙂
Merci à vous tous pour toutes ces questions.
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