Coauteur de l’ouvrage intitulé Le droit du multimédia, du CD-ROM à l’Internet (collection Que sais-je ?), Eric Barbry est avocat à la cour d’appel de Paris et directeur du
département Internet du cabinet
Alain Bensoussan-AvocatsBonsoir à toutes et tous, nous sommes heureux de recevoir Eric Barbry. Bonsoir à tous et merci pour cette nouvelle invitation.sebosse : Qu’est-ce qui distingue la pornographie de l’érotisme ? Cordialement. Il est extrêmement difficile de répondre avec certitude à cette question, qui pourtant est au coeur du débat, car en réalité la jurisprudence elle-même ne semble pas toujours faire la différence entre l’un et l’autre. Cela dépend
aussi de la culture d’un pays, d’une époque ; ce qui était pornographique hier ne l’est plus forcément aujourd’hui. Cela étant rappelé on peut, je pense, retenir que lorsqu’il n’y a pas de présentation de la relation sexuelle, comme je l’ai lu
dans une décision, dans sa ‘ plus parfaite crudité ‘ on est plutôt dans le domaine de l’érotisme. Mais, attention, récemment les tribunaux ont semble-t-il adopté une définition plus ‘ large ‘ de
l’image porno, en considérant qu’un homme ou une femme nue en ‘ position suggestive ‘ était une image pornographique. Désolé pour la longueur de cette première réponse.X-amer : Les contenus X sont souvent payants via des connexions surtaxées… Il faut donc être consentant pour y accéder : où est l’illégalité ? N’y a-t-il aucune jurisprudence en rapport avec le libre arbitre ?
Vous avez raison sur le principe, mais l’écueil, et je dirai le seul, vient du libellé de l’article du code pénal : il incrimine le fait de diffuser des images à caractère pornographique qui ne doivent pas être vues ou
susceptibles d’être vues par un mineur… Et le susceptible est difficile à éviter.Fleur de sel : Quels sont les organismes officiels qui s’occupent du dossier du porno sur Internet ? Pour vous dire la vérité, alors qu’hier tout le monde semblait ignorer le phénomène, aujourd’hui, beaucoup s’y intéressent. Je pense que quasiment tout le monde est en train de travailler sur le sujet. Le premier, à ma connaissance,
à avoir organisé un ‘ débat ‘ public sur le sujet, mais je peux me tromper, à été Le Forum des droits sur l’Internet.Jesus : Légalement, est-il interdit de diffuser / d’échanger des contenus pornos sur Internet (téléchargement, e-mails, newsgroups, etc.) ? Il faut bien faire la distinction entre les images à caractère pornographique et celles à caractère pédophile. Les images pornographiques, elles, ne sont pas interdites, mais celles à caractère pédophile le sont. Donc le fait de
diffuser ou d’échanger, ou même de télécharger, des images pornographiques n’est pas interdit en soi. Ce qui est répréhensible, c’est le fait que des mineurs puissent y avoir accès.X-Nem : Qu’est-ce que je risque si je transfère des vidéos à caractère pornographique et que je me fais prendre ? Est-ce que la loi punit cet acte ? Si oui, est-il possible de vraiment réprimer ces actes anodins ?
Même type de réponse, tout dépend du contenu de votre cassette et de qui va la voir. Mais si elle ne contient rien d’interdit et qu’elle n’est pas accessible par un mineur, je ne vois pas où est le problème, sauf sur un autre
terrain : celui de la propriété intellectuelle.Tina : A-t-on des chances de voir une signalétique pour les sites comme ça se fait à la télévision ? C’est une des voies explorées, il me semble.Jesus : La nouvelle loi sur l’économie numérique reste silencieuse quant au porno sur internet. Pourquoi ce silence du législateur ? Hypocrisie ? Tolérance vis-à-vis d’une industrie lucrative ? Bonne question, à laquelle j’aimerais avoir une réponse tout comme vous.Charnelle : Un fournisseur d’accès à Internet n’est-il pas dans l’obligation de mettre à disposition des moyens de filtrage ? Si oui, que risque-t-il s’il ne se tient pas à ses obligations ? Oui, vous avez raison. Sur la conséquence cela dépend de la lecture que l’on fait de la loi du 1er août 2000 qui traite de cette obligation. Le texte ne prévoit directement aucune sanction ; en tout cas, il
ne fait pas de lien direct entre cette obligation et une éventuelle sanction. D’après une autre lecture, on peut considérer que le défaut d’un FAI pourrait conduire à supprimer l’irresponsabilité de principe dont il bénéficie quant aux contenus
diffusés. En ce qui me concerne, je pense que l’on doit tirer les enseignements d’une telle obligation, et, que finalement, nous sommes tous éditeurs, fournisseurs d’accès, hébergeurs, parents et responsables.Dalshim : Récemment, aux States, certains sites ont attaqué leurs hébergeurs à cause de pop up qui inondaient leurs sites : dans le cas de pop up à caractère pornographique, en France, si un internaute décide d’attaquer
quelqu’un : est-ce qu’il doit s’en prendre au site, à la régie publicitaire ou à l’hébergeur du site ? Je ne crois pas qu’il puisse s’en prendre à l’hébergeur, qui, d’après la loi, n’est pas responsable des contenus… sauf si celui-ci a pris un engagement contractuel de limiter ce type d’envoi. Pour les autres, pourquoi
pas !Pilk : Que risque un hébergeur de site Web pornographique ? Selon ce que la loi nous dit actuellement (je parle de celle du 1er août 2000), l’hébergeur n’est pas responsable des contenus qu’il héberge, sauf s’il n’a pas suivi une injonction d’un juge. Autrement dit,
aujourd’hui, l’hébergeur ne sera par exemple responsable que si un juge lui a ordonné de supprimer un site et qu’il ne l’a pas fait. La prochaine loi, dite LEN (pour Loi relative à l’économie numérique), est à mon sens plus problématique, car si
l’hébergeur n’a pas (c’est dans le projet) d’obligation générale de contrôler les contenus, il sera responsable lorsqu’il aura hébergé des contenus dont il avait manifestement connaissance du caractère illicite.Jesus : Certains contenus pornographiques étant interdits dans certains pays, mais autorisés dans d’autres, et vice versa, comment s’applique dès lors la législation ? En France par exemple ? Excellente question ! Question centrale même. Pour l’heure, chaque pays fait la ‘ police ‘ chez les éditeurs de contenus qu’il identifie sur son territoire. C’est effectivement bien plus simple, mais à
mon sens, ça ne traite pas le problème (si problème il y a).furax : Peut-on mener des actions en justice contre des sites hébergés à l’étranger ? Sur le principe, rien ne l’interdit, mais dans la réalité c’est difficile à mettre en oeuvre car il faut alors faire exécuter la décision à l’étranger.serge : Ne serait-il pas normal de limiter la publicité pornographique sur Internet ? Je ne vois pas pourquoi, car, encore une fois, la pornographie n’est pas interdite. Mais il est effectivement possible d’envisager certaines limites afin de préserver les mineurs.Sam : Pour entrer dans le jeu répressif et idiot de ces nouvelles lois : un mineur qui irait sur un site pornographique ne devrait-il pas aussi être considéré comme coupable, puisqu’il connaît la nature du site… un peu comme
les clients de prostituées ! On pourrait effectivement arrivé à ce raisonnement !b9feiqp8 : Mais les moyens de filtrage ne peuvent-ils pas empêcher la visite de sites éducatifs auxquels pourraient accéder des mineurs ? Ce peut être un effet inverse, effectivement.thmagnum: Les navigateurs ne sont-ils pas tous équipés d’un système de filtrage des sites ? Dans ce cas, les parents ne peuvent-ils pas agir sur ce que voient les enfants. Il en va de même pour la télévision. C’est bien là le problème. Comme je l’ai indiqué, je crois qu’il n’y a pas un responsable mais que nous sommes tous responsables, et je trouve que ne pas engager les parents à utiliser ces systèmes est une erreur.eve : Quels textes luttent contre le spam pornographique ? Essentiellement, la réglementation dite informatique.Paradisiak : Si le spam pour des sites ou produits pornographiques est puni, est-ce qu’il ne serait pas plus juste de punir aussi tous ces hébergeurs de courrier électronique qui font commerce de leur carnet d’adresses e-mail ?
Ils sont effectivement un des maillons de cette fameuse chaîne de responsabilité.Jesus : Concrètement, quelle structure est chargée de surveiller le net ? La police ? Un autre organisme ? Avec quels moyens ? Officiellement, il n’y a pas d’organisme chargé de contrôler ou de réguler internet. Les dossiers sont généralement traités par les autorités judiciaires et policières… pour l’instant.reneboudinet : Que peut-on faire contre les petits e-mails qui viennent s’insérer dans les forums même si l’internaute est sous un pseudo adolescent avec contrôle par AOL ? Cela dépend du contrôle effectif ou non du forum.trent75 : Pourquoi un produit pornographique ne peut-il pas être considéré comme un produit quelconque répondant à la demande d’un certain public ? Il est, à mon sens, considéré comme un produit comme les autres à destination des adultes. Encore une fois, la difficulté est celle posée par le texte même de l’article 227-24 du code pénal.eliott : Canal+ en diffuse, alors pourquoi non sur le net ? Excellente question ! L’avantage de la télévision par rapport à Internet, c’est qu’elle bénéficie d’un texte spécifique qui n’existe pas pour Internet. C’est bien tout le problème et le débat actuel.raouf : Quels sont les moyens logiciels disponibles pour limiter l’accès aux sites pornographiques ? Quel type de loi peut-être appliqué aux producteurs des sites porno ? Il existe sur le marché plusieurs solutions logicielles qui permettent de rendre un site inaccessible, dès lors qu’il est identifié comme étant à caractère pornographique. Il n’y a rien, aujourd’hui, mais je pense que le sujet est en
train d’être débattu qui impose aux éditeurs de s’identifier comme tels.france : Que dit la loi 227-24 ? En gros elle dit que le fait de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte a la dignité
humaine, soit de faire commerce d’un tel message, est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur.Jesus : Existe-t-il un texte de loi européen encadrant le porno sur Internet ? Un projet ? Il existe effectivement plusieurs textes communautaires sur le sujet et de nombreux rapports en cours ou déjà diffusés. A la différence de notre droit actuel et particulièrement pour ce qui concerne les NTIC, l’Union européenne prône
avant tout l’utilisation de technologies de contrôle ou de restriction d’accès.motcha : Serait-il légal d’instaurer le paiement d’un passe valable pour surfer sur les sites porno pour un mois par exemple ? Comme canal +. Rien ne s’y oppose si le titulaire du pass est un majeur.OfficeDépot : Il y a quelque chose qui me chiffonne : interdire le porno pourquoi pas (même si je suis contre ce genre de totalitarisme), mais comment faire pour l’interdire légalement ? Pour le moment, la législation reste
floue non ? Non, elle n’est pas floue. Elle est, à mon sens, tellement précise et contraignante qu’elle aboutit en pratique à une quasi-interdiction du porno sur Internet. Ce qui n’était effectivement pas l’esprit, ni l’objectif du législateur.Demon : Article 227-24: Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la
dignité humaine, soit de faire commerce d’un tel message, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 500 000 F d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur. Selon vous, est-ce que fabriquer des sites
pornographiques c’est porter atteinte à la dignité ? C’est un jugement de valeur auquel vous ne m’en voudrez pas de ne pas répondre.trent75 : Que préconisez-vous de votre côté ? Interdiction ou non ? Pourquoi ? Je ne vois pas pourquoi il faudrait interdire le porno, sauf à considérer que le seul moyen de protéger les mineurs serait la prohibition. Mais alors, pourquoi ne pas interdire la vente de cigarettes ou l’alcool ? Ce serait le
meilleur moyen d’empêcher les mineurs de fumer ou de boire, et je crois que fumer ou boire nuit gravement à la santé.cramouille courtepin : A propos du sujet de ce chat, s’il faut interdire le porno sur Internet, c’est par rapport aux enfants : y a-t-il des chiffres pour mesurer l’impact de tels sites sur la population mineure française ?
Je crois qu’il faudrait poser la question aux nombreux spécialistes, sociologues en particulier, qui font ce type d’étude d’impact.Jesus : La loi interdit la détention de contenus pédophiles. Un internaute visite ‘ par erreur ‘ un site pédophile. Plusieurs images se retrouvent donc dans les fichiers temporaires de son disque dur. Est-il
en infraction ? La loi fait elle une différence entre stockage volontaire et stockage logiciel ? Non, l’erreur n’est pas possible, et elle est extrêmement difficile à démontrer.René : Si j’ai un site perso pour adultes et qu’un adolescent tombe dessus et que ses parents portent plainte contre moi, qu’est-ce que je risque ? Sachant que je ne fais pas de publicité !!! Vous risquez au maximum les peines que j’ai indiquées en application de l’article 227-24 : 3 ans de prison et 75 000 euros d’amende.cramouille courtepin : On parle d’interdire des sites X, mais avec les logiciels d’échange P2P, n’importe qui peut avoir accès non seulement à des vidéos porno, mais carrément à des films pédophiles. La législation est-elle la même
dans ce cas ? La législation actuelle ne tient pas compte de la technique. En tout cas, pas de la technique propre à Internet. Tous les autres supports (télé, cinéma, radio, ..) font l’objet d’une réglementation particulière mais pas Internet. Je
ne suis d’ailleurs pas certain qu’il faille une énième réglementation, mais plutôt une tentative de définition en fonction des technologies et des capacités de contrôle des uns et des autres.lollo : Est-ce que les FAI ont ce que l’on appelle un devoir d’information envers leur public mineur en matière de pornographie ? Ils n’ont pas d’obligation en ce sens. Ils sont, par contre, tenus de donner une information et un outil de contrôle ou de restriction d’accès.Jesus : Pour reprendre la question de cramouille courtepin : qu’en est-il des fichiers au nom falsifié disponibles sur Kazaa (par exemple) ? Par exemple, je télécharge un film classique et je récupère sans le savoir un
contenu pédophile … Ce serait regrettable, mais sauf à pouvoir démontrer qu’il s’agit réellement d’une erreur …Fleur de sel : Avez-vous constaté une recrudescence de dossiers de ce type ces derniers temps ? Non, pas spécialement.bloob : Quelles sont les plaintes en général ? Il n’y a pas à ma connaissance de plaintes comme on peut en avoir en contrefaçon pour la musique par les industriels du secteur ou ceux de l’audiovisuel pour les mêmes raisons. En réalité, les cas ont souvent été engagés par les
autorités policières elles-mêmes pour obtenir des jurisprudences qui leur permettraient de savoir ce qu’il faut véritablement faire dans de telles situations.Kyrdes : Le plus simple ne serait il pas d’autoriser le porno sur Internet (sachant qu’il y en aura toujours) et d’en limiter l’accès aux personnes majeures en demandant par exemple un numéro de carte de crédit comme c’est le cas aux
USA ? Oui, c’est une solution, mais certains mineurs ont des cartes de crédit donc…olivier : Quand pensez-vous que la loi dite LEN sera en application et que contient-elle exactement ? Ce qu’elle contient serait long à exposer : je vous engage à lire les archives des chats, car le dernier chat juridique portait sur ce thème. En ce qui concerne la date, il semble que le projet de loi sera débattu à compter de
fin février au parlement.zim : Que risque un éditeur de sites pornographiques, mis à part la suppression de son site ? Toujours la même chose : le maximum étant ce que prévoit le code pénal.GILBERT : Soyons bref, interdire sur Internet, ok … mais les mineurs on d’autres sources pornographiques tels que les buralistes, la télévision, les affiches, et les annonces subjectives que l’on rencontre partout : ne
pensez-vous pas qu’il faudrait commencer par cela ? Pour être bref, j’approuve sans réserve.Merci Eric Barbry, le mot de la fin ? Au risque de faire hurler, mais j’en ai maintenant l’habitude, je pense que nous sommes tous responsables de ce qui est diffusé sur Internet, et qu’en ce qui nous concerne particulièrement ?” le porno sur
internet ?” la préservation des mineurs est l’affaire de tous : non des seuls éditeurs, qui, pourtant, sont les seuls aujourd’hui à répondre de cette obligation devant les tribunaux. J’attends donc avec une certaine impatience une
évolution du cadre réglementaire. Interdire sur Internet n’est certainement pas la solution.
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