Cela fait presque un an que nous voulions mettre la main sur lui et ces dernières semaines, encore plus que par le passé. « Lui », c’est Simon Liu, le grand gourou de l’image chez Oppo. Un ingénieur « exécutif » qui détonne dans le milieu : bonnet toujours enfoncé sur la tête, l’homme réservé de prime abord a les yeux qui pétillent quand on questionne ses choix techniques, le phrasé qui s’accélère quand on lui demande de commenter un choix… Jusqu’à ce qu’il s’arrête et demande – fait rare dans les interviews – du temps pour penser et construire sa réponse. Des moments de silence qui font que son argumentaire n’en est que plus étayé.
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Profitant de son passage au MWC de Barcelone, cet ancien de HTC (ahhh, l’optique du One M8 !) et de OnePlus, nous a accordé une interview pour parler de son bébé : la division imagerie.
Il faut dire que dans le domaine, le constructeur chinois s’est déjà taillé une solide réputation. Son actualité récente est importante : capteurs « customs », développés avec Sony, partenariat avec Hasselblad, etc. Une montée en puissance qui a atteint son paroxysme il y a trois mois avec l’annonce du MariSilicon X, une puce IA 100% dédiée au traitement de l’image, une première depuis 2018 et le Pixel Core de Google. C’est dire si nous avions des questions pour Simon Liu…
L’imagerie, une « petite » division de 600 personnes
D’apparence plutôt réservée, Simon Liu est pourtant très direct et franc dans ses réponses – autant dire que c’est un ovni dans le milieu. Interrogé sur les dimensions de son équipe, il répond du tac au tac : « juste sur la photo c’est-à-dire sans les équipes des processeurs (MariSilicon X, ndlr), ou ceux de l’IA, nous sommes environ 600 ».
Un chiffre qui impressionne de prime abord, mais qui serait pourtant assez modeste.
« En fait nous sommes très peu : les 600 personnes ne travaillent pas sur un seul appareil, mais sur tous les smartphones que nous lançons. La vérité est que je demande de nouveaux ingénieurs chaque jour ! », commente, amusé, Simon Liu.
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Car si ce ponte de l’image met en avant régulièrement les innovations de ses terminaux haut de gamme, en tant que 4e constructeur mondial, Oppo produit des gammes entières de smartphones. Qu’il faut bien concevoir et dont même les modèles les plus entrée de gamme consomment des ressources. A titre de comparaison, Apple avait 800 ingénieurs dans sa division image en… 2015.
Hasselblad : une boussole pour les couleurs
Si c’est d’abord les terminaux OnePlus qui ont arboré la mention du constructeur suédois d’appareils photo moyen-format Hasselblad, le fleuron de la marque Find X5 Pro en porte désormais lui aussi le nom. Simple esbroufe marketing ? La PME qu’est Hasselblad a-t-elle vraiment des choses à apprendre à un énorme groupe comme Oppo ?
« Nous savons évidemment construire des modules caméras de smartphone et produire de belles photos sans l’aide d’Hasselblad. Ce que nous recherchons avec leurs équipes, c’est d’améliorer notre science des couleurs. Et de déterminer où nous allons et déterminer quels sont les ‘’bons’’ rendus pour les utilisateurs », explique-t-il.
S’il y a sans nul doute aussi un deal marketing sous-jacent – et peut-être des accords avec le chinois DJI, propriétaire d’Hasselblad – il n’en reste pas moins que la réponse tient la route.
Si le constructeur suédois n’a sans doute rien à apprendre à Oppo en conception de blocs optiques miniatures ou en traitement « pur » du signal, c’est un fait que le rendu des couleurs est un délicat équilibre entre science de l’image et la « culture » des tons.
L’interprétation des couleurs est un art, dans lequel des acteurs de la photo comme Fujifilm tirent leur épingle du jeu – Fujifilm produit sans aucun doute les meilleurs fichiers JPEG en sortie de boîtier (format « interprété ») de toute l’industrie photo classique.
MariSilicon X : une puce pour (re)prendre le contrôle
Attaquer directement l’interview sur le sujet le plus chaud et le plus dingue était hors de question. Mais n’y tenant plus, nous avons embrayé directement sur la puce MariSilicon X, unique processeur d’image déporté 100% custom de l’industrie.
Les premiers éléments de réponse nous ont fait peur, Simon Liu nous a expliqué en effet que « les raisons de son développement viennent au-dessus de moi, et c’est une équipe dédiée qui a supervisé son développement ».
N’avait-il rien à dire sur ce bijou gravé en 6 nm ?
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Si, bien sûr. Rien de moins que la raison d’être de cette puce unique.
« C’est assez simple. Il s’agit de prendre le contrôle de l’imagerie. Nos partenaires, comme Qualcomm, font du très bon travail pour servir l’industrie avec un ISP puissant. Mais non seulement il s’agit de leur puce et de leurs choix, mais en plus nous n’avons pas les recettes et les secrets de leur partie logicielle, de leurs API, etc. Nous ne pourrons jamais tirer parti de 100% du potentiel de l’ISP tiers, car ils doivent aussi protéger leur savoir-faire », explique très ouvertement l’ingénieur.
« Ce contrôle c’est ce qui explique le succès d’Apple : ils tirent 120% de leur ISP parce qu’ils le maîtrisent entièrement. Avec le MariSilicon X, nous avons la puce que nous voulions et nous pouvons implémenter nos propres algorithmes. Charge à nous de choisir où, du capteur, de l’ISP du SoC ou de notre puce, nous plaçons les différents éléments de processing », poursuit Simon Liu.
À la manière de GoPro qui a mis quatre générations pour maîtriser pleinement son GP1, avant de passer au GP2, Simon Liu prévoit « qu’il faudra plusieurs générations pour tirer le meilleur de notre puce ». Mais au moins il s’agit désormais de leur puce. Qui pilote des capteurs eux-aussi, avec des éléments développés par Oppo.
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Des capteurs aux petits oignons
Dans cette démarche de prise de contrôle des éléments, le capteur a une place clé. Mais pas question ici de développement 100% maison.
« Sur ce plan, évidemment que nous allons poursuivre sur la voie des co-développements, notamment avec Sony. En déterminant avec eu la place du processing, en réglant très précisément certains éléments et en ajoutant notre propre partie logicielle dans la puce », relate Simon Liu.
Il nous livre au passage des détails d’importance sur ces capteurs semi-custom :
« Si des constructeurs concurrents peuvent désormais acheter le capteur custom que nous avons développé avec Sony, ils n’ont pas accès à son plein potentiel. Nous avons conçu des éléments matériels et logiciels avec Sony qui ne sont pas accessibles à la concurrence », décrit-il.
Selon donc qu’il s’agisse d’un capteur « étagère » ou co-développé avec un constructeur en amont, tous les IMX de Sony ne sont pas égaux selon qui les pilotent.
Compromis technologique, « le boîtier gagne toujours »
Comment Oppo compte aller plus loin et devenir le roi de la photo ?
« Tout d’abord je veux dire que nous sommes loin de pouvoir revendiquer quoi que ce soit », répond humblement l’ingénieur.
« Je suis très content du Find X5 Pro et nous avons fait du très bon travail, mais nous avons encore beaucoup à apprendre, notamment dans la maîtrise des couleurs, et de notre puce », tempère-t-il.
Alors que Oppo a commencé à se faire remarquer par ses téléobjectifs puissants (Find X2 Pro), puis avec une optique « macro » (Find X3 Pro), nous lui faisons remarquer qu’il est difficile de cerner là où veut aller Oppo.
« Ça aussi nous sommes en train de le déterminer, autant avec Hasselblad, qu’avec notre MariSilicon X, ou encore en fonction des besoins du marché », poursuit-il.
Mais alors Oppo va-t-il faire grandir la taille des capteurs ou, à l’inverse, multiplier les modules ?
« Si ça ne tenait qu’à moi, je mettrais évidemment les capteurs les plus grands possibles ! Mais avec le peu d’espace dont nous disposons et avec les contraintes de consommation énergétique et de processing, tout est question de compromis », précise-t-il.
Avant de conclure que « évidemment, je ne peux rien vous dire de nos plans futurs. Si ce n’est que même avec toute la meilleure volonté du monde, il nous faut faire des choix. Parce qu’à la fin, c’est toujours le boîtier du téléphone qui gagne ».
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