Faut-il y voir un signe d’encouragement à l’adresse de ses pairs ? Gérard Mestrallet, le président de Suez, a maintenu mardi 18 septembre la cotation de son groupe à Wall Street, vingt-quatre heures après la réouverture de la première place boursière mondiale. Le groupe français fortement implanté outre-Atlantique, souhaite ainsi montrer, après l’attentat qui a rayé de la carte les deux tours du World Trade Center, sa “confiance dans l’économie américaine et dans sa capacité de rebond“. Beaucoup d’économistes, d’analystes et de chef d’entreprises aimeraient partager le même élan d’optimisme. Certes, les commentaires abondent sur la solidarité exprimée par les banques centrales américaine et européenne ou les appels au calme lancés aux détenteurs d’actions. Mais, après le temps des discours, business is business, comme le souligne le groupe de communication publicitaire Havas Advertising, “ il faut maintenant reprendre le cours des choses “.La nervosité est surtout perceptible dans les agences de publicité, qui subissent les premières les mouvements erratiques de l’économie. Par décence, ou pour absorber l’arrêt brutal de leurs activités comme pour les compagnies aériennes, de nombreux annonceurs ont suspendu leurs campagnes. Chez Havas Advertising, où l’on évoquait déjà un risque de récession avant les attentats du 11 septembre, on penche plutôt pour une aggravation de la situation, au-delà des annulations de campagnes d’Air France, l’un de ses gros clients. Havas Advertising réalise 45 % de son chiffre d’affaires aux États Unis.Maurice Lévy, président du groupe Publicis, aussi présent outre-Atlantique, ne s’attend pas à un impact tel qu’ont pu le connaître les pays industrialisés au moment du choc pétrolier ou de la guerre du Golfe, sans pour autant exclure une baisse de la consommation des ménages.
Des estimations pessimistes
Les appels au civisme économique et le sursaut d’orgueil attendu des ménages américains ne sont pas acquis et ne suffiront pas à inverser les dernières estimations de Zenith Media. Fin août, la société de conseil en achat d’espace avait déjà révisé à la baisse ses estimations, avec un recul de marché mondial de 4,7 % au lieu des quelque 1,5 % enregistrés cette année et une diminution de 0,8 % contre une hausse de 2,8 % en 2002.Personne, aux États-Unis, ne semble se faire d’illusions quant à l’évolution de la conjoncture. Ainsi, tous les analystes s’accordent à souligner que l’union sacrée des milieux économiques et politiques ne remet pas les compteurs à zéro. Les États-Unis doivent gérer le suréquipement des entreprises américaines en haute technologie, la chute de l’indice de confiance des ménages (à son plus bas niveau depuis 8 ans avant l’attentat), sans oublier la montée en flèche du chômage, qui a atteint 4,6 % en août. “ Nous n’avons pas fini de mesurer toutes les conséquences de ces actes terroristes sur le monde économique, indique Paul Sapho, directeur de l’Institut du futur. Avant ces événements, nous prenions l’avion comme on prend un tramway. Ces jours-là sont derrière nous.” L’impact sur l’économie du renforcement de la sécurité dans le transport aérien pourrait être plus important que prévu. “ Ce n’est pas la circulation de l’information qui est en cause, indique Medea Benjamin, directrice du groupement d’intérêt économique Global Exchange à San Francisco. Le net est suffisant sur ce point. Mais la valeur ajoutée du contact humain reste irremplaçable pour des négociations économiques de haut niveau. “
Apple Expo annulé
L’impact économique et psychologique des attentats américains se mesure aussi à l’aune des mesures préventives prises de part et d’autre de l’Atlantique. Steve Jobs, le président d’Apple, et ses équipes ne viendront pas à Apple Expo Paris, la grand-messe annuelle de la firme américaine, qui devait se tenir dans la capitale du 26 au 30 septembre. “ Nous regrettons de décevoir nos utilisateurs et nos développeurs. Mais leur sécurité est pour nous une priorité“, écrit le 17 septembre Steve Jobs à sa filiale française. L’événement de portée européenne est donc annulé et tous les voyages transatlantiques sont reportés jusqu’à nouvel ordre. Le fabricant d’ordinateurs, qui s’estime “ très exposé“, surveille aussi le courrier qui parvient à l’entreprise.Comme Apple, beaucoup d’entreprises limitent au maximum le déplacement de leurs collaborateurs. ST Microelectronics a annulé tous les vols internationaux. En revanche, le séminaire de San Jose (Californie) du 2 au 4 octobre est maintenu, ainsi que le Microprocessor Forum, du 15 au 19 octobre 2001. Malgré la prophétie (” Only paronoid will survive “) d’Andy Groove, co-fondateur d’Intel, le leader mondial des microprocesseurs maintient en France ses principales manifestations et programme toujours l’arrivée de managers d’ici à la fin du mois de septembre. Bien entendu, des mesures de sécurité ont été prises, comme la protection des sites de production. Plusieurs manifestations sont tout de même maintenues, comme l’IT Forum, qui rassemble à Monaco start-up et acteurs confirmés de la net économie. En revanche, les organisateurs devront se passer des têtes d’affiche, telles Carly Fiorina, présidente de HP-Compaq ou Joe Pecci, CEO d’EMC.
Trop grande dépendance
Passés les messages de soutien, les mesures de sécurité, certains, comme le Cigref (Club informatique des grandes entreprises françaises), deviennent plus pragmatiques. L’association s’interroge sur le type de réseau internet qu’il faudrait bâtir pour répondre à des événements exceptionnels. Sébastien Bachollet, délégué général adjoint, constate que dix des treize serveurs racines, qui gèrent les noms de domaine à l’échelle mondiale, sont basés aux États-Unis. Selon lui, “cette dépendance vis-à-vis d’un seul État est une faiblesse pour une infrastructure qui est, de fait, globale. Les événements qui se sont produits outre-Atlantique nous rappellent malheureusement cette réalité“.* à San Francisco
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