Après le Pipe (Public Investment for Private Equity), dernier tour de passe-passe anglo-saxon pour lever de l’argent frais quand on est fortement endetté, et le rachat d’actions par l’entreprise émettrice, voici un nouveau mécano boursier : le rachat des Obligations convertibles en actions nouvelles ou existantes (Oceane).
Miroir aux alouettes ?
L’éditeur de jeux vidéo Titus Interactive est en train, sous réserve du feu vert de la COB (Commission des opérations de Bourse), de faire école en la matière. Nombre de valeurs du Nouveau Marché sont candidates à ce nouveau type de lifting financier. Les dirigeants d’Infogrames, conseillés par les équipes de la Société générale, pourraient prochainement tenter l’aventure. Pourquoi cette mode soudaine ? Tout simplement parce qu’en ce moment, la mécanique complexe des Oceane favorise davantage les entreprises émettrices du Nouveau Marché (en chute de 70 % depuis le début de l’année) que les actionnaires. Il reste à savoir si cette nouvelle opération n’est pas un miroir aux alouettes, pour les entreprises comme pour les actionnaires.Pour répondre à cette question, il faut remettre à plat tout le mécanisme des obligations convertibles d’un troisième type. Ces dernières sont des titres (cotés en Bourse) à caractère obligataire (elles versent chaque année un dividende connu d’avance) émis par une société qui donne le droit ?” mais non l’obligation ?” à leurs détenteurs de les convertir en actions à tout moment, mais pendant une période déterminée.Quelle différence y a-t-il par rapport à une simple obligation convertible (OC) en action ? Tout simplement, l’initiative de la conversion (date et parité, c’est-à-dire le nombre d’actions que l’on peut échanger pour une Oceane) est entre les mains de l’émetteur et non du souscripteur. Les fins limiers du marketing financier de la Société générale n’ont pas inventé innocemment ce nouvel outil de financement pour les entreprises : 85 % des émissions d’OC se réalisent désormais sous forme d’Oceane.
Modulation du capital
D’abord, l’émetteur peut décider à tout moment de la conversion des obligations en actions. Le souscripteur n’a alors que sept jours ouvrés pour se décider (contre trois mois pour des OC classiques). Ensuite, les titres émis par la société peuvent être prélevés sur la part du capital autocontrôlé ou sur les titres obtenus lors d’un programme de “rachat de l’entreprise de ses propres actions”. Enfin, les Oceane, à l’inverse des convertibles classiques, permettent à l’entreprise de maîtriser l’effet dilution (abaissement relatif de la valorisation de l’entreprise par rapport au nombre d’actions), car elles n’obligent pas l’entreprise à créer de nouvelles actions. Autrement dit, les Oceane permettent à une entreprise de modeler son capital en fonction de ses besoins. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les dirigeants de Titus ?” numéro 3 français des jeux vidéo ?” se jettent sur une telle bouée de sauvetage. Ils proposent aux détenteurs d’Oceane d’échanger leurs titres à raison de trois actions pour une obligation. La belle affaire. Les Oceane Titus ont été émises le 18 février 2000 à 70 euros, avant que la bulle des TMT n’explose ! À l’origine, les taux de conversion étaient de une obligation convertible pour une action jusqu’en juillet 2005. Le hic, c’est que l’action Titus Interactive ne cote plus que 3,3 euros !
La parité révisée
Pour que la conversion reste attrayante pour le détenteur d’une Oceane, il faudrait mathématiquement que le cours de l’action rebondisse au-delà de 73,3 euros. Soit une multiplication par 25 d’ici à quatre ans ! Autant dire qu’il y a loin de la coupe aux lèvres. Pour compenser cette déroute boursière, la direction financière a imaginé une habile man?”uvre. Elle propose, comme le droit le lui permet, une nouvelle parité de trois actions pour une Oceane. “Cette démarche n’est pas contestable en soi car elle était stipulée lors du contrat d’émission”, remarque Colette Neuville, la passionnaria des petits porteurs et présidente de l’Adam (Association de défense des actionnaires minoritaires). C’est tout bon pour Titus ! Si l’ancienne parité d’échange avait été maintenue, les Oceane représenteraient les trois quarts de la dette globale de l’éditeur. Si 75 % des titulaires d’Oceane répondent positivement à l’offre de l’entreprise, cela aura pour conséquence de ramener de 5,2 à 0,2 le rapport dettes sur capitaux propres. Voilà pourquoi l’opération est suivie avec un intérêt manifeste par beaucoup dentreprises endettées du Nouveau Marché. Et, il y en a !
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