La contestation de la mondialisation est sans doute durablement installée dans notre paysage politique. De ce point de vue, le succès de la taxe Tobin auprès des responsables poli- tiques, de droite comme de gauche, montre bien que la raison économique pèse peu lorsqu’une proposition entre en résonance avec un état de l’opinion publique. Nombre de Français partagent l’idée que le monde est plus instable, plus inégalitaire et qu’il mérite d’être mieux organisé. En même temps, ils ne peuvent qu’être séduits par un dispositif qui, leur dit-on, taxe les spéculateurs, redistribue les richesses au niveau mondial, régule le système financier inter-national, sans impliquer le moindre effort contributif personnel. Faut-il malgré tout répondre aux critiques des antimondialistes et évaluer leurs propositions ? L’effort paraît vain mais il faut le tenter ne serait-ce que pour expliciter les enjeux et mettre les citoyens du monde face à leurs responsabilités nouvelles.Les faillites du développement des pays du sud du Sahel ou les à-coups de la croissance sud-américaine sont parfois évoqués pour mettre en cause la logique de libéralisation des échanges et de leur régulation par l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Faut-il réinventer le protectionnisme ? Certains antimondialistes le pensent, malgré les échecs avérés des systèmes soviétiques et développementistes. Il faut clairement les isoler. Pour autant la libéralisation, la déréglementation et la privatisation ne sont pas toujours la solution. La question du développement, de l’aide publique, voire même d’une solidarité fiscale entre les peuples peut être alors posée.
Non à l’arrêt de la libéralisation
Les concessions excessives faites à Marrakech par les pays en voie de développement (PVD), notamment sur la propriété intellectuelle et les services, sont invoquées en faveur d’un arrêt du mouvement de libéralisation. S’il est vrai que les pays développés n’ont pas toujours respecté leurs engagements en matière de libéralisation des importations textiles et ont maintenu des subventions agricoles ou des dispositifs antidumping pénalisants, la solution ne réside pas dans l’arrêt du processus. C’est une explicitation des conditions dans lesquelles les PVD peuvent faire valoir les droits, qui leur sont reconnus en matière de propriété intellectuelle, et une réaffirmation des calendriers de libéralisation des importations qu’il faut plutôt rechercher.Le pouvoir excessif acquis par l’OMC, et notamment par son instance de règlement des différends, est stigmatisé : il incarnerait le triomphe des technocrates sur les politiques. Là aussi, une difficulté réelle est pointée, mais le diagnostic est erroné et la solution envisagée, régressive. L’OMC tranche des différends commerciaux, c’est son rôle. Mais il y a de moins en moins de sujets commerciaux purs : que se passe-t-il quand il y a conflit de normes, comme dans le b?”uf aux hormones (norme commerciale contre norme sanitaire) ou le travail des enfants (norme commerciale contre norme sociale) ou encore la pêche de crevettes (norme commerciale contre norme écologique) ? La réponse est simple : il n’y a pas de hiérarchie. Les protocoles de Montréal ou les règles de l’Organisation internationale du travail (OIT) ne sont pas opposables à l’OMC. Raison de plus pour mettre au travail les politiques pour qu’ils se saisissent de ces arbitrages, pour qu’ils bouchent les trous du système de régulation au lieu d’incriminer les technocrates.
Le dialogue s’impose
Le mérite des antimondialistes est de mettre le doigt sur les insuffisances de la régulation, sur la persistance de la grande pauvreté, sur les effets dévastateurs des crises. L’existence même de ces oppositions contribue à la prise de conscience d’une responsabilité commune des citoyens de notre planète. Le dialogue simpose donc avec les antimondialistes, ne serait-ce que pour faire la part entre ceux qui veulent élargir et affiner la régulation et les éternels protectionnistes.* directeur de recherches au CNRS
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