“La seule certitude que j’ai, c’est d’être dans le doute.” Pierre Desproges ne parlait pas des risques de la téléphonie mobile pour la santé. Pourtant, sa célèbre phrase pourrait, à elle seule, résumer l’état des connaissances en la matière. Aucune étude n’a démontré les effets nocifs des radiofréquences, mais l’on n’a pas prouvé leur innocuité. En l’absence de certitudes, le principe de précaution a motivé la publication de normes et de recommandations aux niveaux européen et français. Les préoccupations d’une partie du public constituent, en revanche, un fait avéré. D’où la nécessité d’informer.Les champs électromagnétiques sont omniprésents dans notre environnement quotidien. Environ quatre-vingt mille stations radioélectriques sont installées en France, dont trente mille antennes GSM. Les autres concernent la télévision, la radio, les communications professionnelles d’entreprise, les radio amateurs, etc. A elle seule, la tour Eiffel, truffée d’émetteurs radio et télévision, équivaut, en termes de puissance, à l’ensemble des stations de base réparties sur l’Hexagone, note-t-on chez Bouygues Telecom.
Attention aux risques des champs électro-magnétiques
Une campagne de mesures a récemment été menée par l’Agence nationale des fréquences (ANFR) à proximité de cent trente-cinq sites équipés de stations de base GSM. Et ce, afin de vérifier leur conformité à la recommandation de la Communauté européenne sur l’exposition du public aux champs électromagnétiques. Cette dernière concerne toutes les fréquences comprises entre 0 Hz et 300 GHz. Ce qui correspond à un vaste ensemble, allant des champs émis par le courant électrique à ceux de la téléphonie mobile et des autres systèmes de télécommunication et radars, en passant par les alarmes, émissions des systèmes vidéo et chauffages à induction. Cent douze des sites relais GSM testés par l’ANFR et répartis sur la France ont été choisis pour leur représentativité. Les vingt-trois autres correspondaient à des plaintes. Dans la première catégorie, un seul site dépassait la valeur maximale définie par la recommandation européenne ?” le problème va être corrigé. Les champs électromagnétiques mesurés ailleurs étaient tous inférieurs à un dixième du champ maximal recommandé. Même résultat dans la seconde catégorie (à l’intérieur du domicile des personnes inquiètes), à une exception près. Et, là, une radio FM était à incriminer. Alors, pourquoi les antennes GSM inquiètent-elles ? “Les autres antennes ont été installées progressivement au cours des décennies. Les stations de base GSM sont apparues brutalement, en l’espace de cinq ou six ans. Avec pour priorité la rapidité de déploiement de la couverture, parfois au détriment de l’intégration dans le paysage. Ce qui a rendu le public conscient de leur présence, et parfois inquiet”, répond Jean-Claude Guiguet, président de l’ANFR. Il faut aussi relativiser : les Français s’inquiètent davantage de l’impact des antennes relais GSM sur le paysage que des dangers pour les personnes vivant à proximité.
Un rapport d’experts remis en janvier 2000
Néanmoins, afin de répondre aux préoccupations d’une partie du public, les opérateurs mettent à disposition quantité d’informations sur les aspects scientifiques et réglementaires de la téléphonie mobile. Un rapport sur la téléphonie mobile et la santé, rédigé à la demande du secrétariat d’Etat à la Santé et aux Handicapés par un groupe d’experts dirigé par le docteur Denis Zmirou, a été remis au mois de janvier 2000. Il comporte diverses recommandations et un plan d’action, dont la campagne de mesures menée par l’ANFR faisait partie. L’Agence nationale des fréquences a récemment publié un protocole de mesure des champs électromagnétiques et une liste de laboratoires qualifiés, auxquels les collectivités locales, syndics d’immeubles ou autres pourront faire appel pour effectuer ces mesures (les demandeurs devront en prévoir le financement). A la mi-octobre, une circulaire interministérielle rappelait les limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques définies dans la recommandation du Conseil de l’Union européenne datée du 12 juillet 1999. La transposition au droit français de cette dernière est attendue pour bientôt.
Les mobiles sont plus dangereux
Le rapport Zmirou préconise notamment une distance de sécurité de cent mètres dans l’axe du faisceau des stations de base. Du coup, une cinquantaine de villes françaises ont publié des arrêtés pour encadrer le déploiement de nouvelles antennes, avec des spécifications de distances à respecter. Cegetel a comptabilisé cinquante-sept arrêtés municipaux, dont neuf ont été abrogés. Les inquiétudes concernent particulièrement les sites considérés comme sensibles ?” hôpitaux, écoles, crèches, etc. L’ANFR va recenser tous ceux se situant à moins de cent mètres d’une station de base et dans son faisceau. “La mention dans ” l’axe du faisceau ” est importante, souligne Jean-Claude Guiguet. Et ne pas en tenir compte pourrait avoir un effet opposé à celui escompté en raison de la nature du GSM, qui est économe en termes de puissance.”En effet, en milieu urbain, les opérateurs utilisent un grand nombre de macrocellules à faible puissance. Eloigner systématiquement les stations de base des habitations contraindrait à augmenter leur puissance pour conserver une couverture correcte. En conséquence, les téléphones, qui adaptent leur puissance d’émission dans de grandes proportions, devraient fréquemment “parler plus fort” pour communiquer avec les stations de base, exposant leur propriétaire à un champ plus important.Or, les téléphones mobiles eux-mêmes exposent davantage les personnes aux champs électromagnétiques que les stations de base. Le débit d’absorption spécifique (DAS ?” ou SAR en anglais, pour Specific Absorption Rate) reçu par le public, qui correspond à l’échauffement des tissus humains par absorption d’énergie et se mesure en watts par kilogramme, est réglementé aux niveaux mondial et européen. Il est limité à 2 W/kg au niveau de la tête pour 10 grammes de tissu pour les téléphones, et à 0,08 W/kg pour l’ensemble du corps pour les stations de base. Lors de la définition de ces seuils, une marge d’un facteur 50 a été prise par rapport aux doses ayant un effet constaté sur les animaux. Cependant la mesure du DAS ne concerne pas d’éventuels effets non thermiques, dont on ne sait rien aujourd’hui (d’où la recommandation du rapport Zmirou de privilégier l’utilisation d’un kit oreillette pour éloigner l’émetteur de la tête). Les premiers résultats d’une étude sur le sujet, lancée par lOrganisation mondiale de la santé, sont attendus pour 2003.
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