“100 millions d’Américains souhaitent suivre des cours supérieurs. Les universités américaines ne disposent au total que de 15 millions de places. Il y a donc un besoin fort de nouveaux moyens de formation. C’est ce que nous apportons “, explique le docteur Pam Pease, présidente de la Jones International University (www.jonesinternational.edu), la première université 100 % en ligne aux États-Unis. L’offre éducative en ligne dédiée au supérieur s’organise autour de trois axes : les extensions des universités classiques comme Harvard extension (www.harvard.edu) ou New York University extension (www.nyu.edu), les portails éducatifs, de type blackboard.com (www.blackboard.com), qui distribuent gratuitement des logiciels et vendent ensuite des cours, et les universités virtuelles comme la Jones International University ou l’Open University à Londres.
Créée en 1995, Jones International University est autorisée, depuis mars 1999, à délivrer des diplômes en ligne. Tous les cours se déroulent via Internet. Les copies sont rendues par e-mail. Et dans le cadre de cours comme La prise de parole en public, si chers aux Américains, les étudiants sont invités à envoyer une cassette audio sur laquelle est enregistré le devoir. Le coût d’un BA (Bachelor of Arts) avoisine les 20 000 dollars.
Plus de 50 % des formations supérieures sont disponibles en ligne
Les extensions des universités classiques sont également en plein développement. Dans un rapport sur les nouvelles technologies dans le supérieur, paru en décembre 1999, le Centre national américain des statistiques sur l’éducation (www.nces.ed.gov) soulignait que plus de 50 % des institutions de formation supérieure proposaient des cours en ligne. Certaines universités ouvrent un département spécifique, d’autres ont créé une start-up dédiée, comme la New York University (NYU), qui lui a alloué 1,5 million de dollars. Des start-up comme Onlinelearning.net (www.onlinelearning.net) ont joué la carte du rachat des droits de diffusion des cours de certaines universités et de l’accompagnement des étudiants. Onlinelearning.net détient ainsi les droits de 4 000 cours de l’UCLA (University of California Los Angeles) depuis 1994. Elle reste liée à 100 % à l’université existante, et propose des services d’accompagnement et de soutien aux futurs étudiants. Au terme de leur formation, ces derniers reçoivent des diplômes de l’université de Californie.
Des portails éducatifs en plein développement
Mais les start-up les plus nombreuses se trouvent du côté des portails éducatifs qui s’adressent à trois cibles : les entreprises, les universités et le grand public. A la croisée de ces trois univers, Blackboard.com, un portail éducatif, qui, à l’instar de bon nombre de ses concurrents, repose sur une offre technologique déguisée. Créée en 1997, cette société vend avant tout des environnements technologiques adaptés à l’enseignement, même si le portail propose plusieurs services gratuits pour professeurs et étudiants (création et gestion des cours en ligne pour les uns, cours de musique, de commerce, de mathématiques, etc., pour les autres). Blackboard.com n’est pas habilitée à délivrer des diplômes comme peut l’être Jones International University. La start-up a réalisé son premier tour de table en septembre 1998 en levant 3,1 millions de dollars. En juin 1999, elle a clos son deuxième tour de table avec 12,2 millions de dollars. Parmi ses investisseurs, Carlyle Venture Partners et Merrill Lynch. Deux autres start-up du même type connaissent un succès croissant : Caliber learning (www.caliberlearning.com) et ecollege.com (www.ecollege.com).
La première est un joint-venture de Sylvan Learning Systems et de MCI Worldcom, et elle est entrée en Bourse en mai 1998. La seconde a été créée en 1996. Depuis 1999, elle offre également des bourses d’encouragement au développement des nouvelles technologies et à la mise en ligne de cours des universités américaines.
Un marché de 3 à 140 millions de dollars d’ici à cinq ans
Les portails éducatifs américains sont donc régis, pour la plupart, par des entreprises de distribution d’applications technologiques. Pour conquérir le marché de la gestion informatique du contenu, ces dernières incitent les universités à mettre leurs cours en ligne en passant des accords avec elles, quitte à faire de la gratuité un produit d’appel pour les consommateurs individuels.
Ce nouveau marché de la gestion informatique du contenu, au développement traditionnellement moins rapide, est d’ailleurs également soutenu par le gouvernement fédéral américain qui suit, comme les investisseurs, les prévisions annoncées par plusieurs études de marché. Les chiffres en la matière varient considérablement. Le seul marché des technologies liées à l’éducation pourrait représenter, d’ici à 2005, 42,2 millions de dollars, selon une étude réalisée par Nathan Associates pour l’Avanced Technology Program (ATP-www.atp.nist.gov) en mars 1995. Toujours selon l’ATP, certaines études avancent que ce marché pourrait atteindre 142,9 millions de dollars d’ici à 2005. En revanche, une récente étude de l’institut Frost and Sullivan annonce un marché de 3 millions de dollars pour 2005.
Les universités doutent de la qualité des diplômes obtenus en ligne
En Europe, trois universités ouvertes (uniquement virtuelles) proposent des cours en ligne : l’Open University (www.openuniversity.uk), l’université ouverte de Catalogne (www.ouc.es) et la Fernuniversitat de Hagen (www.uni-sb.de/z-einr/wwb/esc/f234_qu.htm). L’Open University (www.open.ac.uk) compte 165 000 étudiants en 1999-2000 dans quarante et un pays. Chaque étudiant a un tuteur qui le suit du début à la fin de son diplôme. L’Open University était classée onzième des universités anglaises en 1998 et en 1999. Elle a créé une filiale américaine en 1998 qui fonctionne de la même manière : tout y est virtuel. La seule Business School de l’Open University réalisait en 1998 un chiffre d’affaires de 30 millions de livres sterling. Il n’existe pas de start-up telles que blackboard.com ou onlinelearning.net en Europe.
Desmond Keegan, directeur du centre irlandais pour l’enseignement à distance, a estimé le nombre de personnes suivant des cours à distance en Europe à 3,5 millions en 1998, dont près de 3 % qui suivaient des cours en ligne. Il estime le chiffre d’affaires généré par l’EAO (l’enseignement assisté par ordinateur) à 1 milliard d’euros pour 1999. Mais les universités sont encore très frileuses selon lui. “A partir du moment où les cours sont disponibles en ligne, il est beaucoup plus difficile d’opérer un contrôle sérieux sur leur diffusion et sur l’utilisation qui en est faite.” Et d’ajouter : “Le tout commerce ne fait pas bon ménage avec la gestion étatique.” Si les universités françaises proposent certains de leurs cours en ligne, aucun effort n’est réellement fait pour une organisation de la formation tutorée. Malgré un budget de 52,5 millions de francs pour la formation supérieure en 2000, la France stagne. Et même si le CNED (Centre national d’éducation à distance) propose certains cours du supérieur par correspondance, un campus virtuel digne de ce nom n’est pas à l’ordre du jour.
La France à la traîne
Quelles sont, dans ces conditions, les perspectives d’évolution ? “De grandes entreprises européennes ou américaines vont ouvrir leurs propres universités. C’est déjà le cas avec Microsoft “, envisage Desmond Keegan. Les start-up destinées à la formation professionnelle sont également bien positionnées. Une autre stratégie pourrait s’imposer : une start-up française pourrait passer des accords avec les grandes universités, comme La Sorbonne ou Jussieu, concernant les lettres et les maths, ou avec HEC pour le commerce, dans le but de mettre en ligne et de gérer leurs cours. Les diplômes s’obtiendraient en contrôle continu et seraient visés par le recteur de lacadémie concernée. “Tous les professionnels du supérieur européen ont intégré la possibilité de délivrer des diplômes à distance “, assure Desmond Keegan.
Les places sont à prendre, et rapidement.
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