Eric Archambeau est general partner de Benchmark Capital, une des trois premières sociétés de capital-risque américaines. Chaque mois, il livre à Newbiz ses réflexions d’acteur et d’observateur privilégié. Ce qui me frappe, moi qui reviens en Europe après tant d’années passées dans la Silicon Valley, c’est la crainte qu’ont les Français, à chaque soubresaut de la Bourse, de voir la nouvelle économie s’envoler en fumée. Comme s’il s’agissait d’une mode qui pouvait disparaître du jour au lendemain.Bien sûr, en Europe, son apparition a été brutale et soudaine. Plus brutale et plus soudaine qu’aux Etats-Unis où, depuis 1994, elle s’est progressivement développée. Mais les Européens ont tort de s’inquiéter, car ils n’ont encore rien vu : la Net-économie est encore en enfance sur le Vieux Continent.S’il est difficile de prédire comment elle va évoluer ?” à quel rythme, avec quelles accélérations et quels accidents de parcours ?” l’observation de l’expérience américaine, et, singulièrement, de celle de la Silicon Valley, constitue une ” boule de cristal “, notamment pour déceler les opportunités d’innovation et d’investissements portées par de jeunes sociétés, et aussi par de plus grosses.
On trouve enfin de grosses pointures dans les start-up
Le ressort n’est pas cassé, bien au contraire. Dans notre bureau de la Silicon Valley, nous recevons chaque jour une dizaine de dossiers qui méritent notre attention, et leur nombre n’a pas diminué. Surtout, leur qualité et leur ambition ne cessent d’augmenter et de nous étonner.En matière de télécoms, de services ou de logiciels d’e-commerce, on aurait pu croire que l’état de la technologie allait se stabiliser et le rythme des innovations ralentir… Il n’en est rien !Il y a toujours de jeunes entreprises pour proposer une nouvelle couche d’inventions et de nouveaux gains de productivité issus des techniques ou du business process reengineering. A croire que nous n’avons touché jusqu’alors que la surface des choses, que la révolution des nouvelles technologies commence à peine.Nous continuons donc de prendre des participations à un rythme soutenu, et nous ne sommes pas les seuls : 22,7 milliards de dollars ont été investis par les fonds de venture-capital américains au premier trimestre, contre 14,3 milliards au trimestre précédent.En Europe, le phénomène prend aussi de l’ampleur : chaque semaine, notre nouveau bureau de Londres reçoit une vingtaine de dossiers intéressants de start-up. Ils viennent de l’Europe entière, de la Scandinavie à l’Espagne.Nous sommes, là aussi, impressionnés par la qualité des équipes qui portent ces projets : enfin, il existe en Europe ?” et particulièrement en France ?” de grosses pointures, des managers issus de l’élite, qui croient en la réussite des start-up.Tout a changé depuis un an et demi. Le rejet culturel de la petite entreprise et de l’entrepreneur appartient désormais au passé. L’Europe souffre néanmoins d’un handicap : l’absence d’un référentiel (frame of reference).Aux Etats-Unis, lorsqu’un jeune ingénieur monte sa structure, et qu’il se pose des questions ?” Quand dois-je recruter un responsable des ressources humaines ? Quelle est la manière la plus efficace d’utiliser mon budget marketing ? ?” il trouve autour de lui des dizaines de collègues expérimentés et des membres de son conseil d’administration qui peuvent lui apporter des réponses en puisant dans leur vécu.Sur le Vieux Continent, les start-up ne sont ni assez nombreuses, ni assez anciennes pour qu’un tel référentiel existe. C’est pour contribuer à combler ce manque que nous avons décidé d’associer à notre fonds européen des fondateurs de Netscape (Marc Andreessen), Phone.com (Alain Rossmann), eBay (Pierre Omidyar) ou Be.com (Jean-Louis Gassée).
L’Europe rattrape son retard en allant deux fois plus vite
Aux Etats-Unis comme en Europe, la nouvelle économie se nourrit des ressources de l’ancienne, jusqu’à lui ressembler et l’absorber. En Californie, nous avons franchi le premier point d’inflexion voilà cinq ans, lorsque Jim Barksdale, alors CEO de McCaw/ATT Cellular, a rejoint Netscape, une start-up alors insignifiante.Un PDG star de l’ancienne économie qui rejoint la nouvelle, ce fut la première accélération de la Net-économie au profit de l’économie traditionnelle. Cette année, nous avons franchi un second point d’inflexion avec la fusion entre Time Warner et AOL, un nouveau joueur qui rachète un géant du monde ancien.Désormais, les deux économies se réunissent avec, pour corollaire, les réajustements boursiers. Tout semble indiquer que l’Europe, à son tour, vient de passer le premier point d’inflexion. Mais je prends le pari qu’elle atteindra le second deux fois plus vite que les Etats-Unis. Rendez-vous pour prendre les paris sur Flutter.com, un nouveau site internet qui vient d’être lancé en Angleterre, qui le sera bientôt en France… mais qui nexiste pas encore outre-Atlantique !
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