Le groupe de Chinois du troisième âge enfile avec difficulté les enveloppes de protection en plastique autour des chaussures et pénètre dans l’immense enceinte aseptisée. Abreuvés d’explications par une jeune guide, les seniors observent, fascinés, le geste sûr des ouvriers qui assemblent les éléments électroniques et, plus encore, le va-et-vient des robots qui vont chercher les pièces dans l’entrepôt entièrement automatisé, le plus vaste de Chine.Nous sommes dans la grande salle de montage d’ordinateurs du groupe chinois Legend, dans le quartier de Zhongguancun, au nord-ouest de Pékin, qui se visite comme une curiosité touristique. Legend vient de sortir un ordinateur personnel simplifié à destination du troisième âge, et soigne, ce jour-là, son image auprès d’un public ciblé.
L’usine modèle
Les visiteurs chinois ressortent de là stupéfaits : on est loin des ateliers poussiéreux de la Chine profonde, mais plus près des standards industriels occidentaux, avec, assurément, une main d’?”uvre bon marché en plus grand nombre.Le nouveau quartier général de Legend, un immeuble futuriste en verre installé dans la “Silicon Valley” de la capitale chinoise, abrite à la fois les bureaux, les laboratoires de recherche et développement, et une partie de la production du groupe. Inauguré au début de l’année, il fait la fierté de ce fleuron de l’industrie chinoise, société contrôlée par l’État mais également cotée en Bourse à Hong Kong. Deux autres usines plus anciennes, l’une à Shanghai, l’autre dans la zone économique spéciale de Shenzhen, dans le sud du pays, complètent le dispositif.Ici, le mot crise est inconnu. Les chaînes de production tournent à plein régime : un millier d’ouvriers se relayent en deux services de huit heures chacun. Ni chômage technique ni réduction des rythmes de production ne sont envisagés. “Nous maintenons nos objectifs de vente pour l’année, soit 3,7 millions de PC”, assure, confiant, Léon Xie, directeur de la communication du groupe. Pas question, toutefois, de reproduire les 45 % d’augmentation des ventes enregistrées l’an dernier : la croissance prévue pour les cinq prochaines années est estimée à 22 % par an, ce qui reste considérable en ces temps déprimés ailleurs.
Un immense marché intérieur
Cette confiance absolue est basée sur une donnée simple : Legend est tourné, actuellement à 95 %, vers l’immense marché intérieur chinois. Le groupe n’est présent à l’exportation que par la vente de cartes mères, en Europe de l’Ouest comme aux États-Unis. Et le marché chinois est loin d’être saturé : avec 5,4 % seulement des foyers urbains disposant d’un PC, on est loin des taux occidentaux. Même chose pour l’équipement des entreprises, là encore très en retard, ou des écoles, pour lesquelles le gouvernement a lancé un programme sur cinq ans.Sur ce marché intérieur, Legend, devenu leader en 1996, conserve une position dominante : il s’arroge le tiers des ventes nationales, notamment grâce à un réseau technico-commercial sans équivalent et à une image de marque moderne et surtout chinoise, une fibre nationale que le groupe sait bien faire jouer.
Une concurrence absente
Avec 3 700 points de vente, 400 centres de maintenance et 300 agents au service du public dans ses centres d’appel, Legend a un maillage avec lequel aucun de ses concurrents ?” pas même l’autre Chinois, Founder, et encore moins les étrangers comme IBM, HP ou le Taïwanais Acer ?” ne peut rivaliser, même s’ils produisent aussi en Chine. ” Ce réseau est précieux, car les personnes âgées ou encore les parents qui achètent des ordinateurs pour leurs enfants n’y connaissent rien eux-mêmes, ils ont besoin d’un soutien technique important”, souligne Catherine Li, une porte-parole du groupe.Legend se considère à l’abri des turbulences enregistrées à l’étranger car il ne prévoit pas, avant trois ans, de sortir de son pré carré domestique. “Nous cherchons d’abord à accroître notre domination du marché chinois, et nous ne nous aventurerons à l’extérieur qu’avec prudence. Il nous faut mieux connaître le monde”, reconnaît Léon Xie. Mais l’objectif sur 10 ans est clair : 30 % des revenus du groupe à l’exportation.L’usine ultramoderne de Pékin participe de cette stratégie : elle a permis de réduire les délais entre la commande et la livraison de 13 à 5,7 jours, et accroît la souplesse de production d’une société qui se veut tournée vers le consommateur. Ce qui n’a pas changé, en revanche, c’est le salaire des ouvriers : 1000 yuans (133 euros) par mois en moyenne, plus des primes de productivité. De quoi envisager de partir un jour prochain à la conquête du monde avec des coûts de production imbattables.
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.