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Eduquez-vous, qu’il disait

La formation des jeunes à l’informatique annoncée par Jack Lang laisse dubitatif. Alors qu’il s’agit pourtant d’une condition indispensable au développement de la Net-économie.

On dit souvent que le développement dans un pays d’une nouvelle technologie, le batteur-mixeur ou le Web, est lié au nombre de personnes à même de la maîtriser. Le nombre de personnes connectées à Internet en France est proportionnellement inférieur à celui des personnes connectées aux Etats-Unis ? C’est, toujours selon la même théorie, parce que moins de Français que d’Américains savent se servir d’un ordinateur.C’est embêtant. Cela lie le développement de la Net-économie au nombre d’utilisateurs de PC reliés à Internet ; d’autant plus que tous les moyens alternatifs d’accès (bornes publiques, téléphones WAP, wehnelts) ont fait un flop culturel en France. Pour que le dernier carré de start-up puisse se développer, il devient urgent de donner à tous les moyens d’utiliser un PC.Lorsque je dis moyens, je parle de moyens intellectuels, les moyens financiers viennent après. Que General Motors ou Vivendi distribuent des PC à leurs salariés c’est bien, financièrement parlant. Mais tant que lesdits salariés ne sauront pas s’en servir, je doute de l’intérêt de tels plans. La formation professionnelle des salariés étant encore une vaste blague en France, le meilleur endroit reste sans nul doute l’école. On comprend qu’à Hourtin, en août dernier, Jack Lang ait annoncé un vaste plan d’éducation des foules et la création d’un brevet informatique.Je sais pas pour vous, mais moi, ça me laisse dubitatif. Notre ministre nous a annoncé qu’un pourcentage fort significatif d’écoles dispose d’un PC. La décoration des salles de classe a sûrement fait un bond, ça fait plus chouette un PC tout neuf plutôt qu’un vieux Thomson de feu le plan informatique pour tous. Pourtant, ces ordinateurs sont-ils utilisés ? Silence du côté du ministère.Combien de profs savent utiliser un tel micro ? Un nombre grandissant d’entre eux est proche de la retraite, ils sont donc nés avant le personal computer. Impossible de leur en vouloir s’ils ne savent pas manier ces machines. Mais si l’on doit attendre que l’ensemble des enseignants soit remplacé par des personnes nées avec un PC dans le landau, les start-up auront le temps de rendre l’âme.C’est bien beau de mettre en place un brevet, monsieur le Ministre, mais si personne ne peut former les élèves, comment fait-on ? Silence à nouveau. Et puis, tiens, sur quoi les forme-t-on ? Windows, Mac OS, Linux, DR-DOS ? Windows ou Mac OS sont des marques déposées. Est-ce le rôle de l’Education nationale que d’être sponsorisée par des marques ? Linux reviendrait moins cher, fait partie de la famille des logiciels libres (pour combien de temps, d’ailleurs ?), donc serait intéressant.Mais à quoi bon former des personnes à un système qui n’est employé dans ses applications grand public que par, au mieux, 10 % des utilisateurs. Ma directrice des ressources humaines n’a pas d’ordinateur sur son bureau (mais deux dans son bureau) et se fiche bien du système d’exploitation utilisé dans l’entreprise. Ce qu’elle veut savoir lorsqu’elle recrute quelqu’un, c’est s’il sera capable d’utiliser les logiciels utilisés dans la société, à savoir Word ou Outlook. Comme dans une majorité d’entreprises. Le choix va être compliqué et douloureux : Microsoft s’imposerait mais ce serait comme éduquer un nourrisson à ne boire que du Pepsi. Brrr…Et, plutôt que de vouloir instituer des brevets, pourquoi ne laisserait-on pas les collégiens et lycéens se servir des machines quand ils en ont besoin. J’ai appris à me servir de Photoshop avec le manuel sur les genoux le jour où j’ai eu besoin de coller la tête d’un copain sur le corps de Stallone. Ce n’est que six ans plus tard que j’ai eu des cours, à bac +4.Alors pitié, cher Jack ! Laissons les élèves s’approprier loutil informatique plutôt que de vouloir les encadrer. Les salles informatiques des collèges et lycées pourraient être ouvertes les mercredis et samedis toute la journée. Et ce serait sûrement un meilleur usage des emplois-jeunes que de leur faire surveiller les heures de colle.Prochaine chronique vendredi 23 novembre 2001

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Alain Steinmann