Votre enceinte connectée, votre mobile, et tous ces produits du quotidien qui sont aujourd’hui qualifiés « d’intelligents »… Le sont-ils vraiment plus qu’un magnétoscope ou que ce traducteur de poche acheté au début des années 2000 ? Si on leur faisait passer un test de QI sans connexion internet, nos chers objets soi-disant intelligents seraient plus proches du grille-pain que d’Albert Einstein. Car une bonne partie de leur intelligence vient du cloud. Mais tout cela est en train de changer, grâce à l’edge computing.
Analyser les données au plus proche de leur source
Face ID, le système de reconnaissance faciale de l’iPhone X, profite de l’edge computing. Toutes les opérations liées aux données biométriques sont effectuées directement sur le téléphone. Les berlines de Tesla, idem. Ces voitures embarquent une intelligence artificielle avancée, qui permet à leur pilote automatique de fonctionner hors connexion. Même les enceintes connectées fonctionnent grâce au edge computing : le traitement de la commande vocale se fait en local, avant que Google Assistant, Cortana ou Alexa interrogent un serveur à distance pour restituer la réponse à l’utilisateur.
L’edge computing est un ensemble de technologies qui permet de faire de l’analyse de données au plus proche de la source dont elles sont issues, en périphérie (“edge”) du réseau. Il est à l’architecture distribuée ce que le cloud est à la centralisation. C’est un moyen de rendre les objets connectés plus autonomes, plus rapides et plus efficaces. Il ne se substitue pas au cloud, il tire parti de ses ressources (puissance de calcul, machine learning, big data…), mais seulement périodiquement.
Plus l’appareil peut se passer du cloud, plus on gagne du temps : celui que met l’information pour effectuer son trajet aller-retour jusqu’au nuage. Pour certains objets connectés, cette latence est critique.
Sans edge computing, pas de voiture autonome
La voiture autonome en est l’illustration parfaite. Pour des raisons de sécurité, elle ne souffre aucune latence. Qui plus est, il n’y a pas de réseau partout! En même temps, la gestion centralisée est incontournable : on n’imagine pas faire reposer la responsabilité des mises à jour sur le propriétaire du véhicule, et la conduite d’une voiture n’est pas quelque chose d’intégralement programmable. Sans edge computing, les voitures autonomes ne pourraient tout simplement pas exister.
« Une voiture autonome est un data center sur roues. Ces objets collectent des montagnes d’informations, qui doivent être traitées en temps réel. Toutes ces données n’ont pas le temps de remonter au serveur central et d’être traitées comme une recherche Google. On n’aura jamais assez de bande passante ni de vitesse sur le réseau pour ça », énonçait déjà Peter Levine, associé du fonds Andreessen Horowitz, en décembre 2016 lors d’une conférence Gartner.
« Le principe, c’est de collecter et de stocker les données localement, puis de les restituer à une base de données centralisée, nous explique Christophe Shaw, directeur co-engineering pour l’Europe du Sud chez Microsoft. Et à partir de cela, de faire une analyse globale et de construire un modèle prédictif. Puis ce qui est construit dans le modèle centralisé à partir de milliards d’informations est redescendu localement ».
Economies d’énergie et de bande passante
Prenons l’exemple des caméras de surveillance connectées. Avec des millions de caméras en fonctionnement, on ne peut plus faire transiter tous les flux vidéo sur un serveur central qui déclenche d’éventuelles alertes. Aujourd’hui, le cloud sert juste à peaufiner les modèles de détection des mouvements. L’alerte ne requiert plus aucune bande passante. On y gagne aussi en termes de protection des données personnelles, puisque ce qui se passe en local reste en local.
Autre avantage, les économies d’énergie. « C’est quand ils communiquent que les objets sans fil consomment de l’énergie. On peut faire des calculs complexes comme de l’encryption sur des centaines d’octets, pour le même coût énergétique que d’envoyer un seul octet en sans fil », explique à 01net Thomas Watteyne, chercheur à l’Inria Paris dans l’équipe EVA, qui travaille sur l’Internet des objets, et notamment une technologie de port de plaisance intelligent. « Si on envoyait les données des capteurs en continu dans le cloud, un boîtier alimenté par deux piles AA aurait une autonomie d’une semaine. Avec cette technologie, il a une durée de vie de plus de dix ans ! »
« La seule limite, c’est la puissance de calcul en local », note Christophe Shaw.
Des perspectives enthousiasmantes pour les smartphones
A cet égard, les perspectives sont encourageantes, notamment pour les smartphones. De nouvelles puces dédiées aux applications d’intelligence artificielle pourraient se généraliser sur les modèles haut de gamme dès l’année prochaine. On trouve déjà ces processeurs dans l’iPhone X, et sur différents smartphones Huawei, sur lesquels ils servent un algorithme d’optimisation de l’appareil photo, et une appli de traduction développée par Microsoft, Translator, utilisable offline. A terme, d’autres applications sont possibles, comme le montage vidéo intelligent (exemple : « coupe toutes les séquences où bidule n’apparaît pas »).
Google, avec son projet Federated Learning, recourt également à l’edge pour améliorer la suggestion de mots sur le clavier Android. Le principe : entraîner l’IA et personnaliser l’algorithme en local, et faire remonter au serveur central non pas les données d’usage, mais seulement les personnalisations, autrement dit les résultats d’analyse intermédiaire.
Selon IDC, « en 2019, au moins 40% des données générées par l’IoT» seront ainsi « traitées à la périphérie du réseau ». Les industriels ne s’y trompent pas. Fin 2017, Dell a annoncé un investissement d’un milliard de dollars sur trois ans dans l’IoT et l’edge computing. HP Enterprise va y investir 4 milliards de dollars sur 4 ans. Chez Microsoft, 5 milliards de dollars seront consacrés à l’IoT, dont l’edge, sur 4 ans. Et une soixantaine d’acteurs ont rejoint fin 2017 une plateforme de développement de solutions d’edge computing pour l’internet des objets !
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