Ce petit écart entre ce que je fais et ce que j’aimerais faire “, vous connaissez ? Ce tout petit rien qui sépare le rêve de la réalité hante chacun de nous, à l’instar de Tom, personnage principal de La Ménagerie de verre, premier succès de Tennessee Williams, à l’affiche du Théâtre de l’Atelier, dans une mise en scène d’Irina Brook. La pièce se passe dans le sud des États-Unis, un peu avant la Seconde Guerre mondiale. Tom vit prisonnier entre Amanda, une mère aimante mais étouffante, et Laura, une s?”ur hypertimide et infirme. Il travaille dans une usine de chaussures, mais rêve, à l’image de son père, un beau gosse qui s’est fait la malle, de sortir de l’affligeante banalité du quotidien. Un contexte familial qui ressemble à s’y méprendre à celui dans lequel évolua Tennessee Williams, dont le site du Théâtre de l’Atelier ( www.theatre-atelier.com) rappelle qu’il eut un père voyageur de commerce (donc souvent absent), une mère affreusement snob et mélancolique et une s?”ur schizophrène et lobotomisée.
Basculer dans la folie
Un contexte familial où Tennessee Williams puise, tel Tchekhov, son modèle en littérature, l’art de décrire “l’équilibre toujours précaire des rapports humains qui, un jour ou l’autre, bascule dans la folie“, lit-on sur le site du Théâtre de l’Atelier (rubrique Auteur). Toujours plus badin que son propos, rugueux, le Théâtre de Tennessee Williams s’efforce de masquer la gravité des sentiments sous l’apparence du quotidien, la vérité sous le voile de l’illusion. Le dramaturge s’extrait du naturalisme en vigueur à l’époque, inventant le “réalisme poétique“, subtil mélange de fantasme, de réel et de souvenir, très bien décrit sur www.classicnote.com (choisir Tennessee Williams parmi les auteurs, puis cliquer sur Glass Menagerie), un site américain qui pro-pose une analyse de chaque scène de la pièce. Respectant à la lettre les consignes de mise en scène de l’auteur (qui réclamait des effets visuels et sonores oniriques), Irina Brook baigne le plateau du Théâtre de l’Atelier de lumières fantastiques, diffuse une musique entêtante et projette sur l’écran une image chimérique de la ménagerie de verre, collection de petits animaux de verre fragiles et étranges, à l’image de Laura.La fille de Peter Brook (dont on lira la biographie sur http://sortir.le monde.fr, taper Irina Brook dans le moteur de recherche) dirige avec une belle maîtrise un quatuor de comédiens épatants (Romane Bohringer, Josiane Stoléru, Serge Avédikian et Samuel Jouy), confirmant les talents de metteur en scène qui lui avaient valu cinq Molière pour Une Bête sur la lune l’année dernière. Romane Bohringer, dont le site http://actfra.free.fr/ romanebohringer/bohringer.html, truffé de photos de l’artiste, montre bien l’appétence pour les rôles passionnels, incarne une Laura introvertie à souhait, bouleversante. Une Laura à qui l’on a fait entrevoir, l’espace d’un instant, la délivrance et le bonheur… puis qui replonge dans son clair-obscur. Notre destin à tous ?”La Ménagerie de verre“, de Tennessee Williams, Théâtre de l’Atelier, Paris. Jusqu’au 15 janvier 2002.
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