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eBay condamné, LVMH contraint de lui rembourser 33 millions d’euros

La cour d’appel confirme la décision du tribunal de commerce de Paris à l’encontre du site pour contrefaçon et vente illicite. Mais elle revoit à la baisse les dommages et intérêts attribués au groupe de luxe.

Après plus de quatre ans de procédure, l’affaire LVMH-eBay est peut-être parvenue à sa conclusion. Dans trois arrêts prononcés ce 3 septembre, la cour d’appel de Paris vient de confirmer la condamnation du site d’enchères en première instance.

Elle estime qu’il ne peut se prévaloir du statut d’hébergeur tel qu’il est défini par la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) du 21 juin 2004. Et qu’il est de ce fait bel et bien coupable d’avoir permis la vente sur sa plate-forme de produits contrefaits des marques Louis Vuitton et Christian Dior ainsi que de parfums Dior, Guerlain, Givenchy et Kenzo, propriétés du groupe de luxe.

eBay n’est pas un hébergeur

« L’intervention sur le contenu publié est détachable de l’intervention technique d’édition sur le réseau. La première entraîne la mise en œuvre de la responsabilité civile, voire pénale. La seconde bénéficie de la protection du statut de l’hébergeur », explique Jean-Claude Patin, juriste et responsable d’Internet chez Juritel. Etant donné qu’eBay promeut activement les annonces de ses vendeurs, la cour a estimé qu’il ne pouvait revendiquer le statut de prestataire technique.

Néanmoins, elle a fortement revu à la baisse les dommages et intérêts accordés à LVMH. En juin 2008, le tribunal de commerce de Paris avait condamné eBay à payer au numéro un mondial du luxe 38,6 millions d’euros. La cour estime cette fois-ci que le préjudice subi par l’industriel n’est que de 5,7 millions d’euros. En conséquence, LVMH est contraint de reverser un peu moins de 32,9 millions d’euros à son adversaire. Une situation ubuesque qui satisfait néanmoins les deux parties.

Des répercussions possibles sur YouTube, Dailymotion et Google

Chez LVMH, on retient que la justice confirme la responsabilité d’eBay. « L’arrêt participe à l’effort de clarification des règles applicables au commerce électronique afin de lutter contre les pratiques en ligne illicites et d’assurer une sécurité juridique accrue pour les consommateurs », commente le groupe dans un communiqué. Dans les arrêts que 01net. s’est procurés, la justice a estimé que « le nombre très élevé des transactions effectuées ne saurait dispenser [eBay] de vérifier si les marchandises dont il assurait la promotion de la vente étaient ou non hors commerce en raison de leur caractère contrefaisant ».

Par ailleurs, LVMH se félicite de la reconnaissance de la distribution sélective. Une pratique commerciale qui consiste à n’autoriser la vente d’un produit qu’à des partenaires agréés, triés sur le volet. La justice interdit à eBay, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, de vendre des parfums, même non contrefaits, des marques de LVMH.

Malgré tout, la plate-forme d’e-commerce se dit « satisfaite ». Et préfère mettre l’accent sur le montant de l’amende, près de sept fois inférieur à celui prononcé lors du jugement en première instance. « Cette décision va obliger LVMH à nous rembourser 33 millions d’euros », déclare-t-on chez eBay France .

Les efforts entrepris par le site d’enchères avec son système de protection veRO (pour verified right owner) n’ont sans doute pas été étrangers à cette condamnation allégée. Dans son arrêt, la cour a rappelé que « les mesures prises après 2006 [par eBay] ont réduit de façon significative l’importance des atteintes à des droits de propriété intellectuelle ». Malgré tout, dans ces mêmes conclusions, la justice a estimé que le site ne satisfaisait pas à « ses obligations de vigilance », notamment « par la mise en place d’un système de filtrage dont elle détaille peu le fonctionnement effectif et encore moins les résultats qu’il a pu procurer ».

Un pourvoi en cassation ?

« Cela montre que les juges ne sont pas encore à l’aise avec ces problématiques, commente Cyril Fabre, avocat spécialisé chez Alister. Ce qu’il faut retenir de cet arrêt, c’est la définition du statut d’hébergeur. A partir du moment où un acteur de l’Internet assure la promotion des produits ou contenus qu’il propose, il ne peut se retrancher derrière ce statut. En ce sens, les conclusions de la cour d’appel peuvent avoir des implications sur les affaires opposant des YouTube, Dailymotion ou Google [avec ses liens sponsorisés, NDLR] à des ayants droit. »

Les spécialistes du secteur estiment qu’eBay, auquel le statut d’hébergeur n’a pas été accordé, devrait se pourvoir en cassation. Interrogé à ce sujet, le site d’enchères rappelle que l’arrêt vient juste d’être prononcé et qu’à ce stade il n’a pris aucune décision à ce sujet.

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Hélène Puel